Parlement wallon

Interpellations

     

 Interpellation du 28/04/08

-

 Fiasco de la politique du logement ...
Interpellation du Député Philippe FONTAINE à Monsieur André ANTOINE, Ministre du logement, des Transports et du Développement territorial relative au:
« Fiasco de la politique du logement menée en Wallonie ».


Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègues,

La presse s’est fait l’écho d’un audit réalisé par la SWL au Foyer Namurois. Le dossier a été transmis au Parquet de Namur par Alain ROSENOER, directeur général de la SWL, en vertu de l’article 29 du Code d’Instruction Criminelle, parce que des « éléments graves posent problèmes » selon ses dires.

A mon estime, le Parlement doit être informé sans délai de la teneur de ce rapport.

Il était question d’un « constat de carence généralisée témoignant d’un manque flagrant d’efficacité, de rigueur et de contrôle dans le management de la société », qu’un journaliste qualifiait même d’ « habituel dans le logement social », c’est dire – en passant – l’ampleur de la tâche à réaliser en terme d’amélioration de l’image du secteur.

1)En ce qui concerne l’attribution des logements :

a) Tout d’abord, en ce qui concerne l’inscription des locataires, il semble que le Foyer namurois demandait la production d’un certificat de bonnes conduite, vies et mœurs.

Après avoir affirmé que le fait de ne pas produire le certificat n’avait pas de conséquence si le candidat ne le produisait pas, le Président de la SLSP a précisé que « si le candidat était toxicomane et qu’on était amené à le loger dans un quartier où il y a des problèmes de drogues », il disait « Niet ».

Le Président du Foyer Namurois a même été jusqu’à affirmer que « je passe outre à l’avis du comité d’attribution et je prends sur moi de refuser. Le législateur, il est en chambre, moi je suis sur le terrain »

En janvier 2005, je vous interrogeais sur le même sujet.

Vous m’indiquiez que si rien ne s’opposait légalement à cette demande, les mentions figurant au sein de ce document ne pouvaient justifier une décision de refus de candidature.

En effet, l’arrêté régissant la location des logements sociaux ne prévoyait pas cette condition.

Vous m’indiquiez à l’époque qu’ « il y avait lieu d’harmoniser les demandes de documents constituant le dossier des candidats locataires dans le chef de toutes les SLSP wallonnes ». Vous ajoutiez avoir donné « les instructions dans ce sens, dans le cadre de l’élaboration du formulaire unique de candidatures ».

- Au vu des derniers événements au Foyer namurois, pourriez-vous m’indiquez comment ces instructions se sont traduites dans les faits dans les autres SLSP ?
- Quels contrôles de la bonne application de vos instructions avez-vous mis en place ?
- Quels sont les SLSP qui avaient recours à cette demande avant l’instauration du formulaire unique ? Qu’en est-il aujourd’hui ?
- Quelle est votre position en regard des déclarations du Président de la SLSP ?

Je m’étonne également de cette dernière déclaration : « je passe outre à l’avis du comité d’attribution et je prends sur moi de refuser. Le législateur, il est en chambre, moi je suis sur le terrain »

- N’aviez-vous pas affirmé que les comités d’attribution étaient dépolitisés ? Que ce soit avant ou après la réforme, comment se fait-il que le Président considère la DECISION du Comité d’attribution comme un AVIS ?
- Comment le Président a-t-il le pouvoir de réformer une décision du Comité d’attribution quelle qu’en soit la raison ?
- Ne serait-il pas nécessaire d’investiguer plus avant la légalité des attributions des 5 dernières années au Foyer Namurois ?

b) d’après la presse : « la responsable du département social (…) ne propose pas les candidats hors CEE, même lorsqu’ils sont prioritaires. Leur candidature est suspendue jusqu’à ce qu’un « hors-CEE » quitte un logement. Objectif : limiter le nombre de locataires non européen ».

L’aspect « racisme présumé » était au centre des révélations dans la presse. S’il devait se confirmer à l’issue de l’enquête judiciaire, ce serait très interpellant dans le chef d’une société de logement… social.

- Il s’avère néanmoins que le jour de la parution de l’article dans la presse : le Président a déclaré que « si on a pris cette décision, c’est précisément pour éviter la ghettoïsation et favoriser la mixité culturelle (…) peu importe ce que dit un audit ou la Société wallonne ». Si on peut partager l’objectif, la méthode pour y arriver est des plus critiquables. Qu’en pensez-vous ?

La presse fait d’ailleurs état que le CA du Foyer namurois s’était prononcé en faveur de cette méthode : « la société tente d’éviter que les logements soient tous attribués à une population extrêmement paupérisée tant au niveau de l’instruction qu’au niveau de l’hygiène, qu’au niveau comportement de paiement et ce, de façon à garder les « bons » locataires, de préserver l’état des logements et la mixité sociale des quartiers ».

Le lendemain, le Président affirmait exactement l’inverse : « les responsables du Foyer Namurois tiennent à affirmer qu’ils n’ont en aucune façon l’intention de limiter ni le nombre ni le taux des locataires non européens de cette SLSP. Ils ajoutent avec la même fermeté n’avoir jamais agi en ce sens ».

On croit rêver.

Ceci appelle plusieurs réflexions ou questions :

- Vous avez réformé l’arrêté locatif récemment : le nouvel arrêté est en vigueur au 1er janvier 2008. La problématique de la mixité n’est pas neuve c’est le moins que l’on puisse dire alors quand je vous entends plaider de concert avec le Président du Foyer namurois pour une réunion entre la SWL, les SLSP et les associations de terrain, je ne peux que me demander si nous ne sommes pas le 1er avril !

- Doit-on en déduire que vous avez bâclé la réforme locative ? N’aurait-il pas été plus intéressant de tenir ce genre de débat avant de réformer plutôt qu’après ?

Votre attitude est franchement complaisante à l’égard de votre ami CDH. On est loin des discours virils, des réactions au vitriol et de la désignation immédiate d’un commissaire spécial que vous n’avez pas manquer d’appliquer quand c’était un mandataire socialiste qui était visé, la presse ne s’y est d’ailleurs pas trompée.

Le Président du Foyer namurois affirmait également être la société namuroise à accueillir le plus d’étrangers fustigeant l’attitude des autres sociétés qui renâcleraient à inscrire sur leurs listes les candidats hors CEE. - Avez-vous réalisé une enquête pour vérifier la véracité de ces affirmations ? Quels en sont les résultats ?

Quand on sait que le Foyer Namurois avait obtenu 5 sur 5 lors du scanning des SLSP, je me réjouis d’avoir plaidé et de plaider encore pour une direction de l’audit forte au sein de la SWL. La qualité de leur travail, dans un secteur si particulier, régi par des réglementations propres, n’a pas d’équivalent dans le privé.

L’intérêt du statut spécial de la SWL permis par le Code du logement depuis 2003 trouve ici toute sa pertinence. Vous avez donc perdu 5 ans.

- Vous pourriez disposer d’une direction de l’audit performante, efficace mais comme vous ne savez payer les auditeurs qu’avec les barèmes de la fonction publique, ils partent tous. Ca va du directeur de l’audit parti en avril-mai 2007 qui n’a été remplacé faute de meilleur candidat que fin d’année par un… informaticien de formation, qui se formera à l’audit en cours de mandat. Les auditeurs seniors ont désertés, ne restent que des auditeurs sortant de l’école… Quand on voit ce que ces derniers arrivent néanmoins à épingler, on ne peut que se demander ce que trouverais des auditeurs plus expérimentés…

- Dans ces conditions, pourriez-vous me préciser l’état d’avancement de votre promesse d’auditer toutes les SLSP tous les 3 ans ?
- Il ne reste que quelques mois pour boucler ces audits. Où en êtes-vous ?
- Combien de SLSP doivent encore être auditées ?
- Quand la SWL pourra-t-elle être auditée en interne ?

- Où reste votre fameuse cellule d’éthique censée révolutionner les pratiques des gestionnaires des SLSP ?

- Ceci dit la politique d’attribution présumée raciste du Foyer Jambois a occulté tous les autres problèmes qui n’en sont pas moins graves :

2)En ce qui concerne les marchés publics :

- Pourriez-vous m’indiquer les éventuels manquements mis en évidence par l’audit ?

3)En ce qui concerne la fiscalité et la comptabilité :
Il semble que le Procureur du Roi enquête sur des avantages perçus par le personnel de la SLSP sans aval du CA ? Qu’en est-il ?
D’autres manquements ont-ils été épinglés ? Lesquels ?

4) Qu’en est-il du respect du Code des Sociétés, du Code wallon du logement et de ses arrêtés, des principes de bonne gouvernance ?
Quels manquements ont été constatés a cet égard ?

Je vous remercie pour vos réponses.




Réponse du Ministre André ANTOINE,
Je souhaite, dans le cadre de ce débat, me montrer ferme, volontaire mais également lucide et nuancé. Les articles 10, 11 et 23 de notre Constitution sont clairs : le droit au logement ne peut souffrir aucune forme de discrimination.

Nous n'avons jamais voulu une quelconque discrimination sur base de la nationalité, de la religion, du sexe ou encore de la langue. Aucune dérogation n'est possible.

Je signale qu'une lettre du MRAX salue d'ailleurs l'action du Gouvernement wallon en la matière. Je tiens à relever une confusion de M. Fontaine en ce qui concerne les dates. L'audit concerne l'année 2006 et ne peut donc par hypothèse tenir compte de mesures qui sont d'application postérieurement. Il ne faut donc pas dire que la réforme ne serait pas bonne sur base d'éléments antérieurs à son entrée en vigueur. Nous avons un système de candidature unifié.

Les règles tiennent compte de la situation personnelle de l'intéressé. Un critère tient également à l'ancienneté de la candidature. Les règles seraient devenues à ce point strictes que M. Neven semble émettre certains regrets à ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous l'avons souhaité et il n'y a pas de dérogation possible sauf cas exceptionnel dûment reconnu.

Des règlements complémentaires peuvent être pris par les sociétés de logement mais de tels règlements ne peuvent comporter la moindre discrimination.
Il ne suffit pas d'établir des règles, si nous ne disposons pas de moyens de contrôle.
La Chambre des recours existe et fonctionne.
Tel est le cas également de la Cellule éthique.
En ce qui concerne l'attribution des logements, un mandataire politique ne peut plus intervenir puisqu'il ne peut plus être membre du comité d'attribution.
Il y a encore les commissaires professionnels.

Comme si cela ne suffisait pas, l'engagement a été pris d'auditer complètement chaque société tous les trois ans.

Contrairement à ce que dit M. Fontaine, le service d'audit existe bel et bien. Je rappelle qu'il y a eu d'ailleurs unanimité au niveau du Conseil d'administration de la Wallonne du Logement et le MR y est représenté ! Nous avons donc mis en oeuvre de nouvelles règles et des moyens de contrôle. Certaines dérives du passé ne sont donc plus possibles actuellement.

Je rappelle d'ailleurs que M. Neven plaide pour un assouplissement et il fait partie, sauf erreur, de votre Groupe.

Je rappelle également que l'octroi des logements fait l'objet d'une publicité aux valves de la société de logement.

En résumé, la procédure mise en oeuvre est totalement transparente et objective.
En ce qui concerne le contenu de l'audit, M. Fontaine me reproche de ne pas envoyer un commissaire spécial. Puis-je rappeler que je n'ai jamais envoyé de commissaire spécial tant que la procédure d'instruction était toujours en cours. J'insiste sur le fait qu'il n'y a jamais eu d'approche partisane dans mon chef. En ce qui concerne le contenu de l'audit, j'estime ne pouvoir vous le livrer. L'audit est en effet à l'instruction actuellement au niveau de la Wallonne du Logement et cette dernière a décidé d'entendre les représentants du Foyer namurois pour respecter le principe de contradiction.

Je rappelle que l'audit auquel vous faites référence est relatif à l'année 2006.

Les auteurs de cet audit se sont dit satisfaits de l'accueil et des informations reçus. En d'autres termes, il n'y a eu aucune réticence.

Par ailleurs, sur la période 2006 considérée, cette société a connu différents mouvements de personnel.
Des éléments ont été mis en avant concernant l'attribution des logements, un dysfonctionnement au niveau de la gestion comptable et financière et enfin, concernant le versement de certaines indemnités.

Je rappelle que l'arrêté date de 2007 et est donc postérieur à la période considérée, soit 2006.
Les faits dont question nécessitent un suivi. Je fais confiance à la Wallonne du Logement qui a donc décidé d'entendre les responsables.

Ce dossier sera traité tout aussi objectivement que les autres.

Je me permets de rappeler que tous les scannings furent déposés au Parlement tandis que seulement quatre personnes sont venues les consulter.

J'en viens maintenant à une question délicate, soit celle relative à la mixité sociale et culturelle. Nous avons tout d'abord hérité d'une situation historique et force est de constater que des quartiers dits ghettos existent malheureusement.

Je ne dispose pas de toutes les statistiques par société. Un travail est en cours mais j'estime pour ma part qu'une publication des résultats constituerait une erreur car il y aurait notamment un risque de stigmatisation ou de mauvaise interprétation.

Je suis parfaitement d'accord de sanctionner si des dérives sont avérées mais je ne suis donc pas favorable à une publication de chiffres.

Puisque cela m'a été demandé, j'ai reçu les chiffres de quatre sociétés namuroises ou en périphérie : pour l'une, il y avait 5,54 % de locataires extra-européens, 12,6, 12 et 7,6 pour les trois autres.

M. Philippe Fontaine (MR). – D'où proviennent ces statistiques ?

M. André Antoine, – Des sociétés elles-mêmes.

M. Philippe Fontaine (MR). – Est-ce autorisé de tenir de telles statistiques ?

– Elles m'ont été communiquées et je les livre de manière volontairement anonyme.

De manière générale, comment faire pour relever le défi de la mixité sociale et culturelle ? Je puis affirmer que le Gouvernement wallon a pris cette question à bras-le-corps.

Il y a en effet tout d'abord l'obligation pour toute Commune de disposer de logements publics. Dois-je rappeler que certains Bourgmestres avaient dit qu'ils n'en voulaient pas, quitte à payer des amendes ! Je me suis également battu pour une traduction au niveau du Fonds des Communes. C'est devenu une réalité. Il ne faut pas faire reposer en effet sur la seule société de logement toute la problématique de l'épanouissement social.

Il y a également la mise en oeuvre d'un devoir de consultation. Nous avons organisé des réunions d'information avec une participation importante et notamment une présence massive des CPAS d'ailleurs.
Avant que cette affaire n'éclate, le Gouvernement avait réservé prioritairement à ma demande 50 millions pour une intervention auprès des petites Communes.

En effet, plus l'on s'écarte des villes, moins vous avez de logements publics. Il y a pourtant également des candidats locataires dans les petites Communes. Le Gouvernement avait donc accepté une priorité pour les Communes de moins de 12.000 habitants.

Enfin, par le biais de la vente de logements publics, l'objectif est d'amener des personnes à revenus moyens pour retrouver de la mixité.

En ce qui concerne l'offre de logements, pendant 15 ans, on n'a pas construit un seul logement public. Nous faisons aujourd'hui trois fois plus que sous le Gouvernement précédent.

En ce qui concerne la taille des sociétés, je renvoie le Groupe libéral notamment au rapport MINOS réalisé en France concernant les sociétés dites Mammouth. Leurs limites ont été démontrées.

En ce qui concerne le PEI, il s'agit donc d'un milliard d'euros pour rénover 34.000 logements et en déconstruire 1.743 dont les tours de Droixhe, ce qui vise, vous en conviendrez, à mettre fin à une certaine ghettoïsation.

Il y a aussi un effort évident à l'égard du monde associatif. Je pense ainsi notamment au financement revu des AIS.

Les partenariats public/privé sont de nature également à augmenter la mixité.

En ce qui concerne les règlements complémentaires, cette faculté appartient donc aux différentes sociétés de logement. Une trentaine de projets sont actuellement à l'examen au niveau de la Wallonne du Logement. Il n'est pas question bien sûr de concevoir ou d'accepter la moindre forme de discrimination. Nous avons également souhaité que les sociétés de logement fasse un travail d'accueil et de suivi d'une qualité irréprochable.

En conclusion, la mixité ne se décrète pas, elle s'organise.

Je terminerai en disant qu'une réunion a d'ailleurs eu lieu entre la Wallonne du Logement et le Centre pour l'Égalité des Chances.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je ne suis pas totalement satisfait des réponses.
En quoi cela serait anormal de poser des questions concernant un audit alors que la justice est saisie de la problématique ?

En ce qui concerne les périodes considérées, puis-je rappeler qu'en tous temps, il n'a jamais été question de tenir compte de quotas en fonction de l'origine hors ou intra Union européenne !

Par rapport à l'argument lié aux opinions de certains collègues MR, puis-je rappeler que j'ai également des opinions et que je les défends. Merci de vous rappeler que je ne suis pas ici pour défendre chaque déclaration faite par un membre du MR. Arrêtez donc avec un argument de ce type lequel ne sert au demeurant à rien.

M. André Antoine, – La déclaration de M. Neven est pourtant récente.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je pourrais également procéder de la sorte et mettre en exergue la déclaration de l'un ou l'autre membre du cdH. Cela ne serait pas utile et je ne compte donc pas procéder de la sorte.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre la qualité d'administrateur d'une société de logement public et celle de mandataire. Ce n'est pas parce qu'un administrateur dispose d'un audit que nous le recevons automatiquement ! Dois-je enfin rappeler que c'est ici que le débat doit se faire dans la transparence et non ailleurs ?

M. André Antoine, – L'instruction n'est pas terminée. Ce que vous vouliez en posant votre question, c'est du « sang et des têtes ».

M. Philippe Fontaine (MR). – Où en est-on dans les audits ?

M. André Antoine, – Je vous l'ai dit, 41 audits sont complets. Je relève que vous tirez du cas particulier d'une société un titre général « fiasco sur la politique du logement ». C'est un raccourci pour le moins abusif.

M. Philippe Fontaine (MR). – Vous revenez toujours sur le PEI, même s'il commence à dater. Il reste toutefois une question : que fait-on pour entretenir ces logements ? Quels sont les moyens pour faire le suivi d'entretien quand le PEI sera réalisé ? En effet, à défaut de moyens suffisants, le parc se dégradera à nouveau.