Parlement wallon

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 Interpellation du 18/02/08

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 La création d’un Chèque-logement ...
Interpellation du Député Philippe FONTAINE à Monsieur André ANTOINE, Ministre du logement, des Transports et du Développement territorial relative à :
« L’annonce de la création d’un Chèque-logement ».


Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègue,
Nous avons appris par la presse votre intention de créer des chèques-logements et des chèques travaux.

A. Bonne idée, mais pas neuve et pas de vous.

En effet, il s’agit d’une idée originale libérale. J’en sais quelque chose puisque Jacques OTLET et moi-même avons déposé un texte en ce sens en 2003.

L’idée est partie du constat qu’en Wallonie près de 40.000 familles demandeuses d’un logement social n’y avaient pas accès faute de logements en suffisance. Je note au passage qu’après centralisation des candidatures dans le logement social, élimination des doublons… Ce chiffre n’a pas été revu à la baisse…

A notre estime, cette insuffisance actuelle du logement public crée une discrimination injustifiable entre la personne qui bénéficie d’un logement social et donc d’une aide au logement et la personne qui, placée dans les mêmes conditions d’accès, ne bénéficie pas d’un logement social et donc d’aucune aide pour lui permettre d’en trouver un plus facilement dans le secteur privé.

Le chèque-logement visait à corriger cette discrimination.

Cette proposition fut… rejetée par vous-même en juillet 2005, des raisons financières furent notamment avancées.

Je l’ai redéposée mais en la limitant aux logements conventionnés pour rencontrer les objections de l’époque sans beaucoup plus de succès jusqu’il y a peu.

Plusieurs CPAS du Brabant wallon octroient déjà ce genre de chèques-logement à leur niveau (ils couvrent d’ailleurs parfois l’entièreté du loyer).

B. Les modalités sont discutables…

- 1)Il s’agit à nouveau d’un effet d’annonce : vous laissez croire aux gens que la mesure est effective tout de suite alors que beaucoup d’eau passera encore sous les ponts avant cela.

- 2)Si on peut comprendre et partager l’objectif de permettre l’accès au logement dans les zones à forte pression foncière (51 communes sur les 75 visées) aux familles qui n’ont plus les moyens de s’y loger, l’attribution du chèque-logement dans les zones franches urbaines du plan Marshall, dite « en déficit d’attractivité » (24 communes sur les 75 visées) pose questions.

Ne conviendrait-il pas plutôt d’y mener des opérations de rénovation de grande envergure ? D’améliorer le cadre de vie ? D’attirer peut-être des ménages à revenus plus élevés pour y assurer une certaine « mixité » sociale ? Ne s’agit-il pas uniquement d’un marchandage politicien ne participant qu’à une seule logique, celle du saupoudrage ?

- 3)La mesure pelliculaire, c’est vraiment de la poudre aux yeux : 300 logements par an sur 75 communes soit 4 familles par commune… Comment va-t-on sélectionner les 4 heureuses élues par commune ? Sur quels critères ? Qui va décider ? Ne serait-ce pas le retour triomphant du clientélisme ?

- 4)La liste des communes concernées vient d’une définition qui ne correspond pas à l’article 79 du Code wallon du logement

« Article 79 §1er. Selon les dispositions arrêtées par le Gouvernement, des zones d’initiative privilégiée sont créées dans le but de permettre l’adaptation des aides visées aux chapitres II, III et IV et, au besoin, l’octroi d’aides spécifiques, dans certaines zones géographiques déterminées.
§2. Le Gouvernement délimite:
1° des zones à forte pression immobilière où les prix du terrain à bâtir et du logement sont supérieurs à des montants fixés par le Gouvernement;
2° des zones de requalification des noyaux d’habitat qui concernent les quartiers dont la dégradation progressive entraîne la désertion des lieux par la population;
3° des zones de développement global où sont menées des politiques intégrées de revitalisation qui concernent les quartiers où la composition de la population cumulée à la faible qualité de l’habitat génère des problèmes sociaux;
4° des zones de cités sociales à requalifier accueillant la population similaire visée au 3°. §3. Aux conditions et selon les modalités qu’il fixe, le Gouvernement détermine les aides spécifiques et adapte les aides visées aux chapitres II, III et IV.
 »

Dans la mesure où le Gouvernement sort de l’habilitation qui lui est confiée par le Code, la question de la légalité du dispositif ne se pose-t-elle pas ?

5)Vous réinventez l’eau tiède : le Chèque-travaux existe déjà bel et bien aujourd’hui : la prime à la création de logements conventionnés. Cette prime ne décolle pas actuellement pour la simple raison que le montant prévu de 14.880 euros est liquidé en trois tranches sur six ans.

- L’effet incitatif est donc presque nul et l’effet d’aubaine maximal puisque les gens qui ont réellement besoin de cette prime pour faire les travaux ne la reçoivent pas au moment où ils font les travaux. N’eut-il été plus indiqué de modifier les modalités de liquidation de cette prime que de créer un doublon ?

- Ne retombez-vous pas ici dans les mêmes travers avec votre projet concernant le chèque-travaux dans la mesure où il semble qu’il sera payé en 36 mensualités ?

- L’augmentation du montant et le fait que l’intervention passe de 20 à 30 % du montant des travaux est toutefois une bonne nouvelle.

6)Vous vous asseyez une nouvelle fois sur l’autonomie communale : vous avez l’intention d’obliger les communes à adopter la taxe sur les logements inoccupés pour les communes qui dispose d’un plan communal du logement.
Pour rappel, celles qui n’en disposent pas furent jadis menacées de sanctions via le fonds des communes dans un premier temps mais vu l’état « d’avancement » de sa réforme, vous aviez annoncé « d’autres sanctions financières »… Qu’en est-il ?

C. Aucune réponse aux attentes du terrain.

1)Les mesures présentées (chèque-travaux, chèque-logement) sont cumulables avec les 19 primes énergie, prime à réhabilitation et autres… Quid de la simplification administrative ? Faudra-t-il rendre un dossier différents pour chacune d’entre elle ?

- Ne serait-il pas préférable de donner aux AIS les moyens de proposer une sorte de kit de rentabilisation du patrimoine comprenant :
une étude des moyens nécessaires à la rénovation du bien (plans, mètré…) ;
le montant total des primes, aides, subsides, déduction fiscales, exonération précompte immobilier et toutes taxes foncières en général
Sélections des corps de métiers, suivi des travaux par l’AIS (souvent rebutant pour des personnes âgées notamment)… ;
gestion immobilière complète ;
possibilité d’un certain rendement après remboursement des travaux déduction faite des différents subsides à l’AIS via les loyers garantis (cfr impossibilité pour les personnes plus âgées de contracter un prêt dans une banque…).

2)« Nous n’arriverons jamais à construire autant de logements qu’attendus » avez-vous déclaré à la presse : enfin vous reconnaissez ce que nous vous indiquons depuis 3 ans et demi ! Enfin un aveu d’échec ! Le public ne peut répondre à l’ampleur de la demande.

Nous avions fait le même constat lors de la présentation de la proposition de J.-L. CRUCKE visant à restructurer en profondeur la politique du logement en Région wallonne.

Pour rappel, il s’agissait essentiellement de réorienter les Sociétés de logement social de leur métier de propriétaire immobilier à un rôle de gestionnaire immobilier uniquement : elles se concentreraient alors sur leur core business à savoir offrir un logement de bonne qualité à un prix raisonnable.

En effet, il n’est pas indispensable que les SLSP soient propriétaires des logements qu’elle met à disposition des locataires sociaux pour remplir leur mission.

Pour ce faire, nous souhaitons donc qu’elles se cantonnent à l’avenir à un rôle d’agence immobilière sociale (mission qu’elles ont reçue depuis 2005) : elles seront chargées de prendre en gestion des bâtiments ou des logements privés : les logements sociaux vendus et sous-loués, des logements privés rénovés ou à rénover, des bâtiments à affecter nouvellement au logement…

Cela induira nombre d’avantages :
Accélération de la mise sur le marché de logements (aujourd’hui il faut en moyenne 6 à 7 ans entre la décision de construire un logement social et l’entrée dans les lieux du locataire social) ;
économies sur les coûts de construction des logements ;
grosses réparations à charge du propriétaire (privé) ;
petites réparations à charge du locataire ;
rénovation du parc de logement wallon avec les économies d’énergies et l’impact écologique induits ;
mixité sociale « naturelle » à l’opposé des grands ensembles générateurs de problèmes nombreux ;
dynamisation des noyaux d’habitat ;

Les espaces disponibles existent, les moyens financiers aussi sont présents dans le secteur du logement social : nous propositions de vendre l’ensemble du parc locatif :
1)à leur locataire (en partenariat avec la SWCS et le FLFNW) ;
2)à d’autres demandeurs (candidats locataires par exemple) ;
3)à des investisseurs (dans le cadre d’une opération de « sale and lease-back » avec conditions de location attractives à négocier.

Les Sociétés de logement social sous-loueraient comme le font les AIS à ces investisseurs privés les biens qui ne seraient pas vendus aux deux premières catégories d’acheteurs
Ceci dégagerait des montants de l’ordre de 6 à 8 milliards d’euros à réinvestir dans le secteur. Ce sont les moyens qui vous manquent pour que cette politique atteigne enfin ses objectifs.

En outre, il manque plus de 635 millions d’euros pour que les locataires sociaux ne soient pas simplement logés mais soient logés décemment et il n’y a pas un euros pour l’entretien quotidien du parc locatif social (ni aucun plan d’ailleurs).

- Ne serait-il pas plus opportun de développer des AIS communales comme le propose Hervé JAMAR dans une proposition de décret ?

Je vous remercie pour vos réponses.





Réponse du Ministre André ANTOINE,
– Quand M. Devin est venu avec la question des logements de transit, nous avons voté une proposition. M. Milcamps a fait des combats répétés par rapport aux AIS. Cela a été porté au Gouvernement. M. Stoffels s'est battu pour les zones à forte pression foncière. Nous y sommes arrivés. M. Fontaine est venu avec le chèque-loyer et si cela a d'abord été refusé la première fois, la seconde, nous y avons réfléchi. Ce chèque a d'ailleurs surpris tout le monde. Il s'agit d'un arrêté du Gouvernement, pleinement d'application depuis le 13 décembre 2007, que je n'ai annoncé qu'après sa dernière lecture, une fois d'application.

Preuve en est que dans cette Commission, même les débats vifs ont toujours servi.

Pendant vingt ans, en politique du logement, nous avons fait des couloirs. Nous avons d'ailleurs manqué de montants dramatiques. Ainsi, nous avons accumulé, toutes Majorités confondues, un retard relatif aux logements publics qui, pour l'ensemble, ont entre 30 et 40 ans d'âge.

Par après, nous avons eu la réforme des sociétés et, en septembre 2004, je déposais mon premier projet.
Sous cette législature, j'ai fait trois choses intéressantes, à savoir :
• le partenariat public-privé avec des combinaisons incroyables ;
• les SAR qui, avant, étaient des SAED que l'on ne parvenait pas à réhabiliter ;
• le chèque-loyer, qui nous fait passer du discours à la réalité. En effet, pendant dix ans, nous n'avons pas été capables, à quatre Partis, de trouver une définition.

Un montant de trois millions d'euros est prévu pour ce chèque-logement. Je voudrais réussir 3.000 chèquesloyer et il n'y a que les communes et les CPAS qui peuvent y parvenir. Ce chèque-loyer constitue une grande première en termes de contribution du privé au patrimoine public. Laissons donc une chance à ce chèque-loyer et je l'évaluerai dans un an.

Ce n'est pas une mesure contre le logement public, mais bien un dispositif qui lie le privé au public.

Mon rêve est de faire 9.000 logements sur quatre ans. On n'a jamais fait cela. Quand bien même nous aurions l'argent décidé par le Gouvernmeent précédent, et budgétisé par celui-ci, nous ne parviendrions pas à le dépenser car nous n'avons pas la main-d'oeuvre nécessaire pour y parvenir. Tous les prix augmentent au niveau des entreprises et nous devons être prudents en termes de consommation budgétaire.

Je n'ai jamais dit que nous avions tout réglé dans le PEI et je ne pense même pas que nous consommerons la somme prévue.

Enfin, ces mesures ne relèvent pas du contact électoral.

En ce qui concerne les zones franches, le Ministre-Président Di Rupo, à l'époque, avait fait une proposition sur base d'éléments objectifs, soit des chiffres transmis par l'IWEPS.

M. Philippe Fontaine (MR). – C'est-à-dire ?

M. André Antoine, – Je peux vous transmettre ces données objectives.

Ceci étant précisé, il y a eu une dérogation pour Bierset et une autre pour les zones à cheval sur différentes communes.

M. Philippe Fontaine (MR). – J'ai bien entendu vos réponses. Nous sommes d'accord sur certains points. Je suis convaincu également de l'importance des partenariats public-privé, par exemple. En ce qui concerne les 3.000 chèques, je demeure inquiet quant à la façon dont ils vont être attribués. En ce qui concerne l'attribution des logements, nous avons souhaité des comités dépolitisés. J'espère ainsi qu'un problème ne va pas être récréé au niveau du choix qui va être effectué.

M. André Antoine, – Il y a une tutelle de la part du Fonds des Familles nombreuses.

M. Philippe Fontaine (MR). – En ce qui concerne le PEI, vous nous dites que l'argent est là mais qu'il y a un problème « pour le dépenser ».
Il y a un vrai problème dans ce Gouvernement :
le nombre de demandeurs d'emploi dans le bâtiment est très important ; il faut pouvoir adapter sa politique à ce que l'on souhaite.
Le Plan Marshall a été adopté pour redonner du moral aux Wallons.
Cela ne modifie cependant pas le noyau dur de personnes qui ne veulent pas travailler dans ce secteur pour des raisons que personne n'ignore.

Nous n'étions pas convaincus de la méthodologie en ce qui concerne les zones franches.
Elle va être pourtant amplifiée dans d'autres domaines. Cela va clairement créer de la discrimination.