Parlement wallon

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 Interpellation du 05/07/06

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 L’attitude du Ministre-Président à propos des ...
Interpellation de Monsieur le Député Philippe Fontaine à Monsieur Elio Di Rupo, Ministre-Président du Gouvernement wallon, concernant:
« L’attitude du Ministre-Président à propos des informations parues dans la presse ayant trait à un membre du gouvernement wallon »


Monsieur le Ministre-Président,
Suite aux révélations parues dans la presse ces derniers jours, je souhaiterais que vous apportiez un certain nombre de précisions.

En effet, la déclaration de politique régionale indique l’importance que votre majorité veut accorder à la « nouvelle gouvernance » et à l’éthique en matière de gestion publique. Bon nombre de vos discours ont voulu souligner combien cette préoccupation constituait un élément déterminant de l’action gouvernementale.

Dès lors, compte tenu des informations dont nous avons pu prendre connaissance, pourriez-vous nous préciser l’attitude que vous allez adopter face à une situation qui donne une image désagréable de gestion de la chose publique en Région wallonne ?

Ainsi, d’un point de vue éthique, considérez-vous que la quasi-omniprésence d’un même bureau de réviseurs d’entreprises (ou de réviseurs qui y sont liés) soit indiquée dans le contrôle d’organismes publics ou para-publics ?
urtout si on y ajoute les liens évidents entre un membre de votre gouvernement (par ailleurs ancien ministre du logement) et ce bureau de révisorat.

Du reste, même si la lettre de la loi était respectée, ne pensez-vous pas que l’esprit de la norme est, de la sorte, malmené ?

Par ailleurs, le contrôle financier d’un grand nombre de sociétés de logement est dévolu, là aussi, in fine, à une seule société de réviseurs d’entreprises. Peut-on considérer qu’il s’agit d’une pratique qui n’énerve pas les principes éthiques ?

Le Président de l’IRE notait fort justement qu’un commissaire-réviseur ajoute de la crédibilité aux comptes de la société qu’il contrôle. Dans le cas présent, la suspicion qui entoure ces révélations semble mettre à mal cette dernière ?
Ne doit-on pas, dès lors, clarifier la situation, éviter à tout le moins la confusion des rôles et ainsi couper court à toutes suspicions qui pourraient altérer la gestion publique ?

Alors qu’un décret ayant trait à la gestion des intercommunales est à l’examen en commission, il serait bon de renforcer les règles déontologiques à propos du contrôle portant sur ces institutions.


Réponse du Ministre-President Elio Di Rupo,
– Il est vrai que le nombre important d'intercommunales et de sociétés de logement de la région liégeoise et d'organismes para-régionaux et assimilés contrôlés par le bureau révisoral DC and Co est une situation singulière. Je comprends dès lors que les médias et cette Assemblée s'y soient intéressés.

Du point de vue légal, aucun fait relaté ici ou porté à ma connaissance ne pose problème.

Selon les règles de déontologie de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises, un réviseur d'entreprises qui accepte des fonctions de Ministre ou de Secrétaire d'Etat doit s'abstenir, pendant toute la durée de ses fonctions, d'assurer une mission révisorale. Le Ministre Daerden s'est naturellement conformé à cette règle et ce, depuis 1994.

En 2001, sans contrainte légale ou déontologique, il a décidé de vendre l'intégralité des parts qu'il détenait dans la société révisorale qu'il avait créée.

Par ailleurs, il n'existe pas d'incompatibilité quant à l'exercice du contrôle révisoral sur des sociétés de nature publique par un réviseur, lui-même Député wallon. M. Frédéric Daerden, en tant que réviseur indépendant, n'est commissaire réviseur d'aucune des intercommunales dont la commune de Herstal est sociétaire, de sorte que le Code de la démocratie locale est respecté.

De plus, toujours sur le plan de la légalité, selon les informations fournies au Gouvernement, il n'existe pas d'éléments permettant de mettre en cause le respect de la loi sur les marchés publics.
Concernant le Confort Mosan, où il y a un Commissaire spécial, la cote attribuée en matière de contrôle des marchés publics est de 3 sur 5. Concernant la Société de logement de Herstal, cette cote est de 4 sur 5.
Je me dois aussi de rappeler que le choix du bureau révisoral est opéré par l'assemblée générale souveraine de chaque organisme. Ce sont les Membres de l'assemblée générale qui sont seuls compétents pour la nomination du ou des réviseurs et qui en vérifient l'indépendance.

D'un point de vue de la déontologie professionnelle, comme vous le savez, une procédure est en cours à l'Institut des Réviseurs d'Entreprises. Il s'agit, pour l'Institut, de vérifier des éventuels conflits d'intérêt et l'indépendance d'intervention de M. Frédéric Daerden et de certains de ses associés dans l'exercice de leurs missions.

Il me paraît donc sain de prendre connaissance de la décision de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises chargé d'examiner les éventuels problèmes que pourraient susciter ce dossier avant de tirer des conclusions trop hâtives ou d'entamer d'autres procédures éventuelles ou enquêtes qui viendraient doubler les efforts de cet Institut.

A cet égard, ayant exercé la tutelle de l'Institut lorsque j'assumais les fonctions de Vice Premier Ministre et Ministre de l'Economie, j'en connais le fonctionnement. Je réitère ma totale confiance à l'Institut et à ses organes.

La Commission de discipline de l'Institut des Réviseurs est d'ailleurs présidée par un magistrat indépendant. C'est elle qui est actuellement en délibéré. Elle devrait rendre sa décision à la rentrée.
Je ne doute pas que cette Commission mènera l'examen de ce dossier de manière impartiale.
Quelques précisions encore : à l'instar des autres sociétés de réviseurs, la société DC & Co est contrôlée tous les cinq ans par un réviseur d'entreprises.

Elle n'a jamais été épinglée pour quelque manquement que ce soit. Le dernier rapport est récent, puisqu'il date de 2004. De même, à ma connaissance, la qualité des contrôles qu'elle opère n'a jamais été contestée.
Au niveau des intercommunales, la composition du Collège des Commissaires est soumise à l'approbation du Gouvernement et de son Ministre de tutelle, sur base d'un rapport de l'Administration.

Tous les actes soumis à cette approbation depuis juillet 2004 concernant la désignation du bureau DC & Co ont fait l'objet d'un rapport favorable de l'Administration.

A cet égard, et contrairement à ce que certains ont soutenu, je réaffirme que les agents de la Direction générale des Pouvoirs locaux, en charge de la tutelle sur les intercommunales, accomplissent leur travail avec la rigueur et l'impartialité qu'il sied.

Mes chers Collègues, l'amélioration de la gouvernance publique est une priorité constante du Gouvernement. L'impératif de bonne gouvernance fait d'ailleurs partie des priorités de la Déclaration de Politique régionale.

Elle constitue un des éléments de l'action que le Gouvernement mène pour le redressement économique de la Wallonie.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer, le 7 juin, amplement sur la question de la bonne Gouvernance au sein des pouvoirs locaux.

Je ne referai pas, aujourd'hui, à nouveau l'inventaire du travail mené, jour après jour, tant au niveau régional que dans l'écrasante majorité de nos villes et communes pour l'amélioration de la gouvernance.
Je rappellerai simplement que, dans le projet de décret qui réorganise les intercommunales wallonnes, le contrôle externe est renforcé.

Le projet prévoit, en effet, la création d'un « collège des contrôleurs aux comptes » composé d'un ou plusieurs réviseurs et d'un représentant du futur « office d'inspection et de contrôle des pouvoirs locaux » agissant collégialement.

Par ailleurs, les suggestions de M. André Killesse, Président de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises, parues dans la presse de ce 5 juillet, concernant les règles applicables aux réviseurs en matière d'incompatibilité méritent manifestement toute notre attention.

Je suis disponible pour mener avec les autres niveaux de pouvoir une réflexion à cet égard. Mais, tout comme lui, je pense que cette réflexion doit se faire sereinement, et que des débats de fond doivent avoir lieu avant d'apporter des modifications au cadre normatif existant, en l'occurrence une loi de 1953 et un arrêté royal de 1994. Prendre des initiatives immédiatement à la suite des événements revient à gouverner par accident et ce n'est jamais bon.

La situation relative aux éventuelles incompatibilités et conflits d'intérêts étant clarifiée, il me revient toutefois d'informer l'Assemblée de la prise de position que M. le Député Frédéric Daerden vient de me communiquer.

En effet, il m'a fait part de son souhait de poursuivre la réorganisation de sa vie professionnelle, comme il l'avait annoncé lorsque le Bourgmestre de Herstal M. Jean Namotte s'est retiré de ses fonctions.
C'est ainsi que, tout en soulignant qu'il n'y était pas obligé, il m'a indiqué que, dès que le Gouvernement aura accepté sa désignation en qualité de Bourgmestre, il se consacrerait désormais pleinement à ses mandats de Bourgmestre d'Herstal et de Député wallon.

Le Député Fréderic Daerden entend donc se mettre en congé révisoral.

En outre, il a tenu à me rappeler, ce qui allait de soi, qu'il ne prendrait part à aucune décision au sein d'organismes qui serait de nature à conduire à la désignation du cabinet revisoral DC & Co et qu'il évitera scrupuleusement tout conflit d'intérêts éventuel.

M. Philippe Fontaine (MR).
– La réponse du Ministre-Président m'a déçu, mais elle ne m'a pas étonné.
Tout a été très bien dit, mais on n'a rien appris, sauf peut-être le coup de théâtre final. Il n'y a rien d'illégal, je l'avais dit moi-même.

Faut-il attendre une décision de l'Institut des Réviseurs d'Entreprises ?
Ne faudrait-il pas plutôt, au niveau du Parlement, mettre en place des principes pour éviter une telle concentration de pouvoirs ?
Cela peut se réaliser dans le cadre de la réforme des intercommunales ou dans les cahiers de charge, lorsque l'on fait appel à des Commissaires.

Vous nous répondez que vous allez réfléchir, que vous allez vous concerter, mais le problème est bien présent aujourd'hui.

Puis arrive ce coup de théâtre final.
En réalité, Frédéric Daerden va se retrouver dans la situation de son père, Michel Daerden.
J'ai du mal à croire que cette activité ne l'intéressera plus du tout à l'avenir.
On ne peut que constater que le Gouvernement ne prend aucune décision, je le regrette.
Il fait du façadisme, loin de toute bonne gouvernance.