Parlement wallon

Interpellations

     

 Interpellation du 29/03/06

-

 La situation à la SONACA ...
Interpellation de Monsieur le Député philippe FONTAINE à Monsieur Jean-Claude MARCOURT, Ministre de l’Economie et de l’Emploi sur:
« La situation à la SONACA »


Monsieur le ministre,
Le 16 mars dernier, le Conseil d’administration de la SONACA annonçait la rupture de la trêve sociale instaurée par l’accord du 6 janvier dernier entre la direction et les syndicats.

Dans le même temps le CA chargeait son président et l’administrateur délégué de la société d’élaborer « rapidement un plan drastique de réduction complémentaire des coûts ». Parmi les mesures explicitement évoquées on notera : la mise en œuvre dès le 31 mars d’un plan de licenciements, « la dénonciation à cette date des conventions collectives », et « l’arrêt à court terme de toutes les activités et contrats insuffisamment rentables ».

Cette annonce s’expliquerait, selon le CA, par la diffusion d’un communiqué de presse par les délégations FGTB-CSC-SETCA-CNE. qui annonçait notamment le refus de ces dernières « de négocier quoi que ce soit dans le plan Défi 2007 ». Face à cette prise de position unilatérale, le CA ne s’estime plus engagé par le protocole du 6 janvier dernier.

Pour rappel, ce protocole portait sur les modalités de la négociation du volet social du « Plan Défi 2007 », plan qui prévoit diverses réductions de coûts via des économies de fonctionnement se traduisant notamment par la perte de 279 emplois (63 millions d’économie annuelles récurrentes sont attendues). Les syndicats s’étaient alors engagé à négocier un accord sur le volet social pour le 30 mars de cette année, en contrepartie de quoi les licenciements n’auraient débuté « qu’ » au 30 juin prochain.

Nous avons déjà débattu dans cette assemblée du plan défi 2007, de sa pertinence économique et de ses répercussion sociales. Je ne reviendrais pas sur ce sujet si ce n’est pour souligner l’extrême sensibilité à la conjoncture de ce secteur d’activité.

Cette nouvelle tension dans l’entreprise ne peut évidemment pas nous réjouir. Jusqu’ici chacun a fait preuve d’un sang froid certain et il serait particulièrement dommageable que la sérénité et la confiance mutuelle ne reviennent pas dans les plus brefs délais. La bonne santé économique du bassin carolo et plus généralement la confiance des investisseurs potentiels en dépend en partie. Il est par ailleurs utile de rappeler que le secteur aéronautique et spatial wallon génère annuellement plus d’un milliard 150 millions € de CA et fournit pas moins de 6.500 emplois directs.

La Sonaca, si elle est une société de droit privé, n’en reste pas moins détenue par des capitaux publics. A ce titre, il me paraît essentiel de vous entendre, monsieur le ministre, sur ces derniers développements qui ne peuvent nous laisser indifférents.

Dès lors, monsieur le ministre, j’aimerais vous poser les questions suivantes :

Quel est votre analyse de la situation actuelle à la SONACA ?
Avez-vous rencontré la direction et les syndicats ?
Quelle rôle comptez-vous jouer dans ce dossier afin de rétablir l’apaisement entre la direction et les salariés ?

Le CA évoque « l’arrêt à court terme de toutes les activités et contrats insuffisamment rentables ». Quels sont ces activités et quelles seraient les conséquences de cet arrêt ?

Fin 2005, devant cette assemblée, vous aviez reconnu que « les grands ensembles aéronautiques exigeaient de plus en plus d’avoir des « masses critiques » en face d’eux » tout en vous montrant assez réservé sur cette question. QU’en est-il à l’heure actuelle ?

L’idée d’une ouverture du capital à d’autres investisseurs, voire d’une introduction en bourse, est-elle définitivement écartée ?

Lors du regroupement de TECHSPACE AERO, de la SONACA et de la FN au sein de Wespavia en Juillet 2005, une recapitalisation de la Sonaca, à hauteur de 50 millions EUR, avait été évoquée. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Quel rôle peut jouer la Wespavia dans le contexte actuel ?

Le Plan Marshall a retenu cinq secteurs à intégrer dans la politique des pôles de compétitivité. Parmi ceux-ci, on compte, très logiquement, le secteur de l’aéronautique et du spatial. Le pôle de compétitivité dans ce secteur, nommé «Aérospatial», a d’ailleurs été initié en janvier dernier. Dans quelle mesure la mise en œuvre de ce pôle pourra-t-elle offrir des alternatives à la SONACA pour la mise en œuvre de son plan défi 2007 ?

Enfin, et de manière plus générale, j’aimerais que le ministre nous détaille le bilan de l’action de son « Comité d’Alerte  » dont une fois de plus, on ne peut que constater l’absence d’anticipation dans ce dossier. Cette structure se réunit-elle encore ?

Quel est la valeur ajoutée de cet organe ?

Je vous remercie des réponses que vous ne manquerez pas de me fournir.





Réponse du Ministre Jean-Claude MARCOURT,
Il ne s’agit pas d’un dossier neuf.
Une comparaison a été faite avec Inbev. Les situations ne sont pas comparables puisque, si la Sonaca avait dégagé des bénéfices à la hauteur de ceux d’Inbev, nous ne serions pas là aujourd’hui pour parler d’un problème.

La Sonaca, pour se maintenir en vie, doit absolument faire des économies importantes.

Nous connaissons depuis de nombreux mois la nécessité de faire face à une diminution des recettes. Cette diminution est, en grande partie, la conséquence de la fin des contrats de couverture de change. Cela influence directement la trésorerie.

Le dollar ne s’appréciant pas mieux aujourd’hui, nous n’avons toujours pas de meilleure situation économique.

Depuis le début du plan, je me suis fortement impliqué, ainsi que mes collaborateurs, dans ce dossier. J’ai exigé et obtenu le fait que les explications complètes soient données concernant ce plan.

J’ai aussi agi au niveau de l’accord intervenu pour rattraper un certain nombre de commandes et ce, de manière non exhaustive.

Vous vous rappellerez que les négociations ont débuté en septembre 2005. Vous vous rappellerez aussi que la direction refusait d’ouvrir une seconde fois la première phase de la procédure Renault et que je l’ai imposée. À aucun moment, je n’ai indiqué que je ne souhaitais pas m’occuper de ce dossier. Par contre, j’ai indiqué et je maintiens qu’il est fondamental de ne pas interférer dans le travail des organes de concertation sociale. Il faut les respecter et permettre leur fonctionnement. Il en va autrement au niveau de mon intervention, s’il y a une situation de blocage.

La phase d’information de la procédure Renault s’est déroulée dans une certaine sérénité. Elle s’est clôturée fin 2005. La deuxième phase a commencé en février 2006.

De nombreuses réunions ont eu lieu entre la direction et les syndicats, tandis qu’aucune solution concrète n’est intervenue au niveau des différentes solutions envisagées.

L’assemblée générale des travailleurs a donné lieu à un vote différent entre les ouvriers et les employés.

Nous sommes dans une phase difficile. La direction a estimé qu’en raison du refus de poursuivre les négociations de la part du monde ouvrier, le plan allait être exécuté sous son aspect licenciement et ce, dans le cadre de la deuxième phase en cours.

La situation est très tendue.

Les parties doivent se remettre autour de la table et la Région prendra toutes les initiatives possibles à cet égard.

Il est hors de question pour nous de financer les cash-drain récurrents. En tout état de cause, la Commission européenne nous en ferait le reproche.

La position du Président du conseil d’administration nous paraît être un élément positif et cela devrait permettre aux différentes parties de se remettre autour de la table.

Le plan ne concerne pas seulement une diminution des coûts, mais aussi des adaptations et une modernisation de l’outil, en vue d’atteindre des objectifs importants. Je peux naturellement comprendre la réaction des travailleurs qui, depuis quelques années, passent de plan en plan ; certains d’entre eux étant même rapidement gelés. Le mécontentement des salariés peut être compris.

Il y a néanmoins lieu de favoriser aujourd’hui un nécessaire retour à la négociation. Je verrai d’ailleurs, dans les jours qui viennent, les syndicats et la direction pour favoriser cette négociation. Il est, par ailleurs, possible que l’on puisse également recourir au Comité d’alerte dont, soi dit en passant, je n’aime pas le nom.

L’obtention de capitaux à des conditions favorables à l’entreprise sera, par ailleurs, mise en œuvre. La Région wallonne a toujours soutenu, et continue à soutenir la Sonaca de différentes manières, dont l’apport de fonds. Nous sommes incontestablement dans une phase de grandes tensions et d’importantes difficultés. En effet, le taux de chômage élevé que nous connaissons crée un climat social difficile et rend ainsi la restructuration peu aisée.

Le plan, qui peut certes encore être amendé dans le respect des objectifs globaux, doit permettre la pérennisation de l’entreprise. Celle-ci est, en effet, un outil d’excellence et de réputation mondiale qu’il faut impérativement sauvegarder. L’équilibre financier est donc primordial pour l’avenir des presque deux mille travailleurs du site.

Je ne considère pas que les investissements à l’étranger sont la cause de la situation actuelle. Quoi qu’il en soit, je répète, une fois de plus, la nécessité d’un retour à la négociation.

Philippe Fontaine (MR).
– Je remercie Monsieur le Ministre pour sa réponse. La situation actuelle est, en effet, grave et difficile. Mon intention n’est donc pas d’encore jeter de l’huile sur le feu. Je considère également qu’un retour au dialogue est fondamental car il n’y a pas d’autre solution que l’application du plan avec l’accord global de l’ensemble des acteurs.

Si le dialogue est important pour assurer la pérennité et la rentabilité du site, il est aussi primordial de le maintenir car les difficultés rencontrées aujourd’hui réapparaîtront vraisemblablement à l’avenir, eu égard à l’incertitude du marché.

Le climat social d’aujourd’hui peut être considéré comme grave car, contrairement à ce qui se produisait par le passé, le management est remis en cause. La Région wallonne doit donc jouer un rôle capital dans le renouement du dialogue. Nous suivrons ce dossier capital pour Charleroi et la Wallonie.

Je conclurai, en regrettant que vous ne m’ayez pas fourni d’information sur le Comité d’alerte. Je vous ai, en effet, demandé quel était son fonctionnement et, en guise de réponse, je sais à présent que vous n’en aimez pas l’appellation. Vous conviendrez que cela est un peu court.