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 Interpellation du 05/06/08

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Le plan de fréquence radio ...
Interpellation de Philippe Fontaine député wallon à Fadila Laanan, Ministre de la Jeunesse, concernant :
"Le plan de fréquence radio"


Madame la Ministre,
Tous les députés de notre assemblée ont reçu un mail provenant de la radio Al Manar attirant notre attention sur le probable manque de représentativité de cette radio au sein du nouveau plan de fréquences radios.

Ce plan de fréquence a déjà fait couler beaucoup d’encre et nous ne manquerons pas d’encore y être vigilants !

Ma question ne portera pas spécifiquement sur l’inquiétude de la radio Al Manar mais plus généralement sur le sort des radios communautaires, qui s’adresse prioritairement à une communauté de personnes, qu’elle soit espagnole, turque, italienne, arabe ou autre.

L’article 56 alinéa 2 du décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion stipule que lorsqu’il statue sur les demandes en réponse à l’appel d’offres destiné à l’attribution des fréquences et qu’il accorde les autorisations, le Collège d’avis et de contrôle « veille à assurer une diversité du paysage radiophonique et un équilibre entre les différents formats de radios, à travers l’offre musicale, culturelle et d’information ».
De plus, selon l’article 7 §1 2° du décret du 27 février 2003 sur la radiodiffusion : « Par offre pluraliste, il faut entendre une offre médiatique à travers une pluralité de médias indépendants et autonomes reflétant la diversité la plus large possible d’opinions et d’idées. »

Dans une recommandation du 29 août 2007, le Collège d’autorisation et de contrôle (CAC) précisait en outre que : « Pour apprécier la diversité des contenus, le Collège d’autorisation et de contrôle prend principalement en considération, de façon cumulative ou alternative selon les données disponibles, les éléments suivants :
Pour les programmes en général :
- Publics cibles touchés par la pluralité des radios ;
- Catégories et description de programmes diffusés ;
- Description des formats des radios : type, public cible ;
- Sources de programmes (production propre, coproduction, achat de programmes) ;

Pour les programmes d’information :
- Importance de l’information dans la programmation ;
- Nature des informations ;
- Procédures de collecte d’information ;
- Partenariats en matière d’information ;

Pour les autres programmes :
- Styles de musiques diffusées à l’antenne et partenariats éventuels;
- Types de jeux et partenariats éventuels;
- Types d’émissions culturelles et partenariats éventuels.
 »

Le CAC est donc, visiblement, attaché à une offre pluraliste qui couvre au mieux tous les « publics cibles ».

- Pourriez-vous me dire si une attention particulière a été portée aux radios de communauté et à leur présence dans le nouveau plan de fréquence ? Une représentation de ces radios est-elle assurée ?

« A quelles communautés accorder un espace radiophonique ? » La question avait été posée par le Collège d’avis le 7 mars 2006 qui avait lancé plusieurs pistes ; une fréquence dédiée à chaque communauté, une fréquence dédiée à plusieurs communautés en cohabitation, des espaces concédés sur le service public ou les radios géographiques et d’expression (dont l’existence est également « menacée » par le nouveau plan de fréquence).
Le Collège d’avis soulignait également l’enjeu de la légitimité d’un projet radiophonique communautaire par rapport à sa communauté cible qui devrait passer par une priorité donnée aux projets issus directement du tissu associatif communautaire tout en veillant à assurer l’accès du contenu rédactionnel à l’ensemble des publics potentiels.
Le Collège d’avis insistait enfin sur le fait qu’il fallait éviter le repli identitaire et la constitution de « ghettos radiophonique ».

- J’imagine que les principes énoncés dans cet avis restent d’actualité. Comment comptez-vous les mettre en œuvre suite au lancement du nouveau plan de fréquences ?

Nous avons pris connaissance de la situation inquiétante dans laquelle se trouve la radio Al Manar, qui risque de ne plus pouvoir émettre que sur une fréquence de radio indépendante ou sur un réseau urbain, et qui risque de ne plus pouvoir émettre dans des villes comme Charleroi, Liège, Nivelle, Namur…
Je sais que d’autres radios se trouvent dans la même situation, comme l’évoquait ma collègue Cornet à propos d’une radio italienne de Charleroi.
- Y a-t-il des « quotas » de radios communautaires qui sont prévus dans le cadastre du plan de fréquence ? Si oui, sur quelles bases se répartissent-ils ?

Je remercie la Ministre de ses réponses.



Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– Le rappel par M. Fontaine des dispositions légales et des recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel montre que le législateur et le régulateur de la radiodiffusion n’ont pas voulu consacrer le statut de radio communautaire. L’essentiel est la diversité du paysage radiophonique, qui n’exclut pas l’autorisation de radios communautaires. Une réglementation du 24 décembre 1991 dé coulant du décret du 17 juillet 1987 sur l’audiovisuel consacrait l’existence de radios de communautés sans leur octroyer pour autant un quelconque privilège. Ce décret et cette réglementation ont depuis été abrogés.

Le plan de fréquences adopté par le gouvernement le 21 décembre 2007 reste neutre sur les objectifs des candidats en ce qui concerne un réseau ou une fréquence. Le gouvernement a adopté un arrêté fixant l’architecture générale des fréquences en les répartissant entre radios indépendantes et radios en réseau.

Ces réseaux peuvent avoir une couverture variable selon la géographie. Ce sont les limites de l’action gouvernementale définies par le décret sur la mise en place d’un paysage radiophonique stable et diversifié. L’article 56 du décret confie au CSA le soin de veiller à la diversité du paysage radiophonique. Si le gouvernement avait prédestiné des fréquences ou des réseaux de fréquences à des radios communautaires ou autres, il aurait pu être accusé d’abus de pouvoir, et la compétence du régulateur aurait été écornée.

En outre, étant donné le nombre de paramètres à intégrer dans le plan FM pour offrir à chacun la possibilité d’obtenir une fréquence ou un réseau de fréquences adapté à sa situation, le fait d’en réserver à certaines radios de communauté aurait pu être contesté. Les principes de la recommandation du CSA du 7 mars 2006 me paraissent toujours d’actualité.

Les textes adoptés par le Collège d’autorisation et de contrôle pour circonscrire son travail d’octroi d’autorisation ont scrupuleusement cherché à respecter ces principes. Force est de constater que la diversité des offres déposées donnera la possibilité au CAC de choisir selon les attentes des candidats mais surtout des publics.

La situation de radio Al-Manar n’est pas propre à cette radio née à Bruxelles sur une fréquence indépendante et qui a développé des antennes dans certaines villes wallonnes. D’autres offres sur des fréquences et des couvertures différentes risquent de ne pas être retenues. Cela obligera ces radios à limiter leurs activités à un réseau de faible couverture voire à une seule fréquence.

Une fois que le CSA aura rendu ses avis sur les autorisations et mis à disposition les fréquences et réseaux pour les radios indépendantes, les fréquences non attribuées feront sans doute l’objet d’un second appel. Ce dernier respectera les mêmes critères que le précédent.

Le CSA est en effet le garant de la diversité du paysage radiophonique dans l’attribution des fréquences. Dans un premier temps, il faudrait permettre un second appel et vérifier le respect de la diversité. Nous ne pouvons faire d’exceptions malgré les situations malheureuses. Il faut respecter les conditions. La libération d’une fréquence ou la réorientation de projets, comme celui de Radio Italia par exemple, seraient des solutions.

M. Philippe Fontaine (MR). – Il est logique que le décret soit d’application. Je comprends qu’il faille attendre la fin du processus. Le problème est que le CAC a insisté sur le pluralisme. En outre, on risque, vous en convenez d’ailleurs, d’en arriver à une situation sur le terrain qui ne corresponde pas aux principes qu’on voulait mettre en oeuvre. Dans ce cas-là, légiférera-t-on à nouveau ?

Mme Fadila Laanan, – On verra.

M. Philippe Fontaine (MR). – Vous ne fermez donc pas tout à fait la porte.

Mme Fadila Laanan, – Effectivement. Nous vivons une expérience assez exceptionnelle. Dans quelques jours, le CSA va distribuer les autorisations aux radios et aux réseaux. J’ai une totale confiance dans cet organisme compétent. Il a mis un certain nombre de principes en évidence dans le respect d’un cadre légal. On ne peut pas me demander de détourner la loi. Nous évaluerons la situation une fois que les autorisations seront données. Ensuite, on pourra relancer un appel qui permettra d’apporter la dimension de diversité.

M. Philippe Fontaine (MR). – Ou bien on changera la loi.

Mme Fadila Laanan, – Il faudra qu’on en reparle, bien sûr. Je ne suis pas fermée. À plusieurs reprises, nous nous sommes rendu compte que notre dispositif n’était pas parfait et qu’il fallait le revoir.

On a cherché à créer le meilleur plan de fréquence, avec les meilleurs dispositifs et un cadre légal qui permette enfin de sortir de la jungle. Les règles sur la diversité sont fondamentales, mais nous en reparlerons quand nous aurons un plan définitif.

M. Philippe Fontaine (MR). – J’en déduis que le débat pourra reprendre lorsqu’on sera à la fin du processus actuel. Il n’est pas impossible qu’on légifère à nouveau pour introduire le pluralisme.