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 Interpellation du 13/03/08

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La problématique des voyages scolaires...
Interpellation de Philippe Fontaine, Député wallon, à Marie Arena, Ministre-Présidente du Gouvernement de la Communauté française en charge de l’enseignement obligatoire, concernant :
« La problématique des voyages scolaires refusés par le Ministère sur fond de flou artistique »


Madame la Ministre-Présidente,
Je vous ai déjà interpellée plusieurs fois ainsi que mes collègues au sujet du flou artistique qui règne en matière de voyages scolaires et qui perdurera tant que vous ne les rendrez pas réellement obligatoires et qu’ils ne feront pas partie réellement du cursus de l’année car pour l’instant, vous dites que c’est le cas mais sur le terrain, on y est pas.

En réponse à ma dernière intervention sur le sujet, concernant le caractère obligatoire du voyage pédagogique, vous me répondiez qu’admettre que 40% des élèves n’y participent pas est cautionner le brossage. En ça, vous étiez une fois de plus sur la justification d’avoir remonté le taux de participation de 75% à 90% et gommer le fait que la mesure à prendre était de rendre les voyages pédagogiques obligatoires comme n’importe cours de math et l’intégrer dans le cursus de l’élève. De cette manière, le message eut été clair qu’un élève qui n’y participe pas doit avoir une solide justification choisie dans les justifications acceptées dans un établissement scolaire. Il s’agit essentiellement du certificat médical. Il est clair que, dans ce cas, des mesures complémentaires liées à l’accessibilité financière à ces voyages devaient être prises mais je ne m’étend pas sur cet aspect.

Dans le même temps, je veux dire dans la même réponse, vous me précisiez cependant que des dérogations étaient possibles par exemple pour les doubleurs afin qu’il ne refassent pas le même voyage. Je vous signale quand même en passant que ces élèves refont une même année complète, alors pourquoi pas le voyage scolaire ? Ces mêmes élèves sont-ils dispensés de suivre à nouveau un certain nombre de cours, et ce par dérogation, parce qu’ils les ont déjà suivis l’année précédente ? Pourquoi alors ne pas accorder aussi une dérogation aux élèves qui seraient allés en vacances avec les parents justement au même endroit que le voyage pédagogique ?

De plus ces élèves se voient proposer un programme alternatif. De quelle nature est ce programme alternatif ? Sur quelles bases est-il construit ? A-t-il un rapport avec le voyage que ses collègues de classes ne vont pas manquer d’exploiter à leur retour pendant des journées entières ? N’est-ce pas là mettre encore un peu plus hors du coup des élèves qui sont parfois malgré eux marginalisés en tant que doubleurs ?

Dans le même ordre d’idée mais à l’échelle d’une classe entière cette fois, vous me répondiez et la presse s’en faisait écho récemment que 26 dossiers avaient été refusés par le Ministère eut égard à un taux de participation trop faible.
Pouvez-vous me dire si une circulaire ou autre précise alors aux établissements ce qu’ils doivent faire de ces élèves qui auront un programme incomplet puisque les voyages pédagogiques font partie intégrante du cursus ? Dans ce cas, ces élèves ne risquent-ils pas des problèmes d’homologation ? Ces établissements ont-ils l’obligation de proposer un autre voyage avec un taux de participation plus élevé ? Vous me précisiez encore que certains de ces dossiers auraient aussi été refusés sous la législature précédente. Mais savez-vous que le seuil des 75% n’existe plus puisque vous l’avez vous même supprimé ? Pourquoi alors comparer et sans cesse faire référence à la situation passée ?

Vous me répondiez également que 246 dossiers avaient par contre fait l’objet de dérogation en raison d’une motivation adéquate et proportionnée. Cela veut-il dire que les 26 dossiers refusés n’étaient pas dans ce cas, en d’autres mots que ces voyages ne valaient rien ? Pouvez-vous me préciser le seuil de participation qui a été toléré pour les 246 dérogations accordées ? Vous brandissez la souplesse de l’application de votre règle pour prouver qu’elle est valable mais ne pensez-vous pas que cette souplesse est plutôt l’illustration de son inutilité puisque le seuil autorisé dans certains cas serait l’ancien seuil des 75% que vous avez supprimé ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.


Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
– Monsieur Fontaine, comme vous nous l’avez dit, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à plusieurs reprises à des questions sur les voyages scolaires posées notamment par Mme Defraigne, M. Bracaval et Mme Schepmans. C’est donc la cinquième fois au moins que j’interviens sur ce sujet devant cette assemblée et en commission. Cependant, une fois de plus, je vous donnerai toutes les informations nécessaires. Je voudrais nuancer mon propos car si, hier, vous n’étiez pas très favorable au seuil des 90 %, vous semblez aujourd’hui favorable à ce que tous les élèves doivent participer aux voyages scolaires. Mais vous nous citez l’exemple d’un adolescent doubleur. . .

M. Philippe Fontaine (MR). – J’ai toujours dit que je voulais que tout le monde participe aux voyages scolaires. Le seuil de 90 % n’a donc aucune importance pour moi.

Mme Marie Arena, – J’ai pourtant cru comprendre que, pour la plupart, le seuil de 75 % était suffisant et qu’il ne fallait pas le porter à 90 % . . . ..

M. Philippe Fontaine (MR). – C’est pour cela qu’il était bon que je vous précise mes propos afin que vous compreniez ma position.

Mme Marie Arena, – Si je comprends bien, la position du MR est que tous les enfants doivent participer au voyage scolaire, sans dérogation. Mon propos n’est pas provocateur. Je cherche seulement à savoir comment il faut organiser les voyages scolaires.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je dis que tout le monde doit pouvoir y participer mais que vous imposez un seuil qui lèse une majorité d’élèves. Mme Marie Arena, – Vous proposez 100 % sans dérogation...

M. Philippe Fontaine (MR). – Ce n’est pas une question de pourcentage. Je ne veux pas que l’on empêche des élèves d’aller en voyage scolaire. Il faut trouver des solutions pour que tout le monde y participe.

Mme Marie Arena, – Je tiens à réitérer toute l’importance que revêt pour les élèves la participation à des classes de dépaysement et à des activités extérieures. C’est l’occasion de découvrir un environnement géographique, historique et humain différent du milieu qu’ils fréquentent habituellement. Dans certains cas, ces activités sont aussi l’une des rares occasions pour les élèves de voyager. J’en soutiens donc pleinement l’organisation si l’objectif pédagogique est avéré.

Il est à noter toutefois que, lorsque ces activités s’inscrivent dans le courant d’une année scolaire, elles sont évidemment soumises tant à la loi sur l’obligation scolaire qu’au décret « missions » et à la législation en matière de gratuité de la scolarité. Je vous rappelle à ce sujet que c’était déjà le cas sous la législature précédente et que mes prédécesseurs, les ministres Nollet et Hazette, appliquaient eux aussi les principes du décret « missions ».

Puisqu’il s’agit d’activités choisies par l’équipe pédagogique et organisées dans le cadre des cours, il est normal que tous les élèves, ou à tout le moins un maximum d’entre eux, puissent y participer. Après plus d’un an de relèvement à 90 % du taux minimum de participation des élèves aux classes de dépaysement, un bilan positif peut être tiré ; il contredit d’ailleurs totalement certaines affirmations. En ce qui concerne l’enseignement secondaire, sur 2 077 demandes d’autorisation à partir en voyage, vingt-six ont été refusées en raison de leur taux de participation inférieur au seuil précédent de 75 %.

Sur ces vingt-six cas, la participation dans la moitié d’entre eux était largement inférieure aux anciennes normes, ce qui aurait de toute façon mené à un refus de l’activité sous la précédente législature. Moins d’un pour cent des voyages sont donc concernés actuellement, alors que sous la législature précédente, toutes les dérogations étaient données en-dessous du seuil de 75 %. Le taux de participation est donc relevé car les dérogations se situent maintenant entre 75 et 90 %.

Ce simple fait a augmenté le taux de participation. Sur les 2 077 dossiers, 246 ont fait l’objet d’une demande de dérogation à l’administration en raison d’une motivation adéquate et proportionnelle. En matière de demandes d’autorisation, on constate une légère baisse des dossiers dans l’enseignement ordinaire, et ce uniquement pour les voyages de très courte durée, et un maintien du niveau pour les voyages de plus longue durée.

Le rehaussement de la norme n’a donc pas provoqué de diminution des demandes de voyages scolaires. Si nous avons une augmentation du taux de participation entre les 75 et 90 % et si nous n’avons plus de dérogation en-dessous des 75 %, on pourrait croire que c’est parce que les écoles ne demandent pas à partir. Ce n’est pas le cas. Les écoles font l’effort d’aller au-delà du taux de participation pour atteindre 90 %. Nous pouvons vraiment nous réjouir de cette tendance.

On constate aussi une forte augmentation de la participation aux voyages dans l’enseignement spécialisé. De telles fluctuations montrent qu’à ce niveau là également, la mesure ne porte pas à conséquence et que ceux qui prétendent le contraire se trompent. Il n’y a donc aucune raison de parler de problème. Moins de un pour cent des voyages a été refusé sur la base du nouveau taux ; cela prouve que cette procédure est adéquate, juste et qu’elle permet à davantage d’enfants de participer aux voyages.

Pour ma part, je fais totalement confiance aux équipes pédagogiques, notamment à l’égard des élèves qui restent dans l’établissement scolaire, c’est-à-dire ceux qui, pour un motif valable, n’ont pas pu prendre part au voyage. Dans ce cadre, mon administration effectue les mêmes démarches que celles entreprises par mes prédécesseurs. Ainsi, une circulaire rappelle chaque année aux établissements scolaires qu’il leur appartient de s’organiser pour que les activités de ces « élèves qui restent » soient autant que possible complémentaires à celles des élèves en voyage. Cette mesure n’est pas neuve. Les écoles ont d’ailleurs une grande habitude et même une certaine expertise pour gérer de manière adéquate ces situations.

Elles ont donc toute ma confiance, et je refuse totalement qu’elles soient pointées du doigt, que l’on dise qu’elles laissent certains élèves hors du coup ou qu’elles les marginalisent, d’autant plus que l’on a complété la mesure de participation entre 75 et 90 % et que les dérogations ont été accordés sur la base de motifs valables et d’un accompagnement des élèves.

Enfin, il n’existe évidemment pas de liste d’établissements n’organisant pas de voyages scolaires. L’hétérogénéité des pratiques est en effet très grande en la matière. Ainsi, certaines écoles ne prévoient rien pendant deux ou trois ans puis organisent deux ou trois voyages sur la même année pour différentes classes. C’est la liberté pédagogique, dont le voyage scolaire fait partie, et nous entendons la respecter.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je remercie la ministre-présidente de sa réponse. Nous sommes d’accord sur les objectifs puisque notre souhait est qu’un maximum d’enfants puissent participer à ce genre d’activités importantes pour acquérir une certaine ouverture d’esprit.

Toutefois, je ne suis pas convaincu que la méthode des pourcentages et des dérogations soit nécessairement bonne. À mes yeux, deux problèmes subsistent auxquels vous ne répondez pas, madame la ministre-présidente.

Selon vous, les enfants qui ne participent pas aux voyages scolaires ont des motifs valables. Mais quand un motif est-il valable ? Il ne peut pas être d’ordre financier car des formules doivent être trouvées pour résoudre de tels problèmes. Il ne peut pas davantage être d’ordre culturel ou philosophique, c’est-à-dire lié au refus des parents de voir leurs enfants partir en voyage, pénalisant ainsi les autres enfants de ces classes.

Si l’activité est obligatoire, de tels motifs ne peuvent être invoqués. Il conviendrait peut-être d’attirer l’attention dans les circulaires sur ce point et de définir le « motif valable ».