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Interpellation
du 26/09/07 |
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L’aménagement de l’actuelle salle de... |
Interpellation de Monsieur le Député Philippe Fontaine à Madame Marie Arena, Ministre-Présidente chargée de l’enseignement obligatoire et de promotion sociale, relative au:
Site internet « enseignons.be »
Madame la Ministre,
Ce n’est pas à vous que j’apprendrai l’existence du site internet « enseignons.be », mais permettez-moi d’en rappeler les contours.
Réalisé par les enseignants et pour les enseignants, ce site est véritablement un lieu d’échanges de pratiques en toute liberté. Qu’il s’agisse de fiches pédagogiques, de conseils pratiques, ou simplement d’échanges, l’évolution de la fréquentation du site laisse peu de doute quand aux attentes des enseignants en la matière : de 1.741 documents en ligne, 5.464 membres et 9.700 messages forum en juin 2006, le site comptait un an plus tard 4.250 documents en ligne, 20.700 membres, 31.900 messages forum, 5.200 commentaires et 80 blogs. Ce sont désormais entre 20% et 25% des enseignants de tous les réseaux qui consultent le site « enseignons.be ». Par ailleurs, l’envoi de commentaire et la création de blogs par les enseignants sont assurément des preuves que ceux-ci s’essayent aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Enfin, ce site est reconnu comme l’une des 8 plates-formes de « e-learning » francophone.
Ajoutons encore que ce site n’entre pas en concurrence avec celui de l’Administration Générale de l’Enseignement et de la Recherche Scientifique, qui est plus institutionnel. Comprenez par là qu’alors que « enseignons.be » est une communauté d’échange, « enseignement.be » est un site de l’autorité pour ses administrés. La démarche n’est pas la même.
Le peu d’intérêt que vous semblez accorder à ce site me laisse donc perplexe. Et pourtant : « Le Gouvernement valorisera l’emploi de manuels scolaires mais également les productions propres des enseignants et des chercheurs de la Communauté française » : voilà ce qu’on peut lire au point 1.5 de la déclaration de politique gouvernementale que vous nous avez faite en début de législature.
Cette « priorité » se retrouve même dans le contrat pour l’école, mais si l’on sent déjà une évolution. Il y a bien une 6ème priorité intitulée « doter les élèves et les enseignants des outils du savoir », mais la diffusion de manuels pédagogiques et la création d’un fonds prévu à cet effet est désormais conditionnée par l’obtention d’un label. On s’éloigne de la valorisation des productions propres des enseignants. On s’en éloigne d’autant plus que la valorisation des enseignants figure dans une autre priorité du contrat.
Mes questions seront les suivantes :
- Les responsables du site « enseignons.be » vous ont sollicité pour obtenir le soutien de la Communauté française.
Si la Ministre Simonet a accordé un « maigre » 1.500 €, vous n’avez en ce qui vous concerne pas donné suite à leur demande.
Des sites similaires existent en Flandre et reçoivent une subvention.
Ma première question sera de vous demander si un soutien plus conséquent à ce site est envisagé et/ou envisageable ?
- Pourriez-vous préciser quels sont les obstacles qui expliquent cette absence de soutien. S’agit-il d’une question financière ?
- De questions relatives à la pertinence des documents en ligne ?
- Cette question nous ramène à celle du label. Nous avions dit à l’époque partager le souci que les documents diffusés soient de qualité, mais s’inquiéter d’une labellisation « idéologique », ou d’une labellisation qui ne soit pas pédagogique.
Vous aviez tenté sans succès de nous rassurer sur ce point. Voici pourtant la possibilité de le faire.
- En effet, qui mieux que les enseignants, les inspecteurs, les directions, bref les professionnels de la matière est à même de juger de la pertinence de tel ou tel document ?
- La validation par les pairs, qu’elle soit formelle ou informelle, n’est-elle pas un gage de qualité ?
- Ne croyez-vous pas les enseignants suffisamment formés et attentifs pour discerner ce qui semble intéressant de ce qui est farfelu ?
- Qui sont les professionnels de l’enseignement ?
- Ceux qui sont sur le terrain, où ceux qui réfléchissent en chambre ?
- Quelle est la cohérence entre vos discours où vous répétez avoir confiance dans les enseignants, les respecter, avoir passé un « contrat » avec eux, et le refus de les soutenir lorsqu’ils s’inscrivent dans une démarche constructive et positive. Est-ce ainsi que vous entendez les valoriser et les motiver ?
Je vous remercie.
Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
- Je tiens à dire à M. Fontaine que je suis favorable aux initiatives libres que permet Internet. À cet égard, www.enseignons.be est l’expression de la créativité de nos enseignants.
La démarche de M. Reinkin relève du travail classique de l’opposition. Le constat qu’il dresse repose sur des informations erronées jetant le discrédit sur les actions menées par la Communauté française. M. Reinkin peut évidemment estimer que je me suis endormie ou que je suis incohérente mais les faits sont incontournables. Pendant cinq ans, mon prédécesseur n’a cessé de parler de manuels scolaires et de logiciels mais il n’a jamais offert le moindre incitant, le moindre cent complémentaire, pour que les écoles se les procurent.
Au début de cette législature, je me suis même demandé s’il n’avait pas emporté ces fameux manuels dans ses bagages à l’occasion d’un de ses voyages dans les pays lointains. Désormais, c’est chose faite. Des paroles, nous sommes passés aux actes. En complément de l’augmentation des subventions de fonctionnement accordées aux établissements scolaires, avec lesquels ils peuvent bien entendu acquérir des manuels scolaires, nous octroyons chaque année plus de deux millions d’euros supplémentaires à l’achat de supports pédagogiques.
Il est toujours possible de faire mieux mais il est faux de prétendre que je suis restée inactive. Le parlement a d’ailleurs voté le dispositif en 2005. L’agrément et la diffusion des manuels et des logiciels scolaires au sein des établissements relevant de l’enseignement obligatoire sont assurés par la commission de pilotage, qui réunit l’ensemble des partenaires de l’école. Les experts de la commission sont des enseignants et non des « extraterrestres » de l’enseignement !
Le choix des manuels scolaires, tout comme celui des logiciels, relève de l’entière liberté des équipes pédagogiques et des pouvoirs organisateurs. Voilà qui satisfait amplement les enseignants qui se voient ainsi confortés dans leur autonomie de choix.
Pour l’année en cours, nous sommes actuellement à 75 % du budget utilisé par les écoles et les demandes de remboursement rentrent encore auprès de mon administration. Un bilan complet sera dressé dans les prochaines semaines, mais nous pouvons déjà avancer sans risque que les manuels de français sont privilégiés, ce qui me réjouit dans la mesure où cette tendance répond aux objectifs fixés de savoir lire, écrire et calculer.
En matière de ressources en ligne, j’applaudis toute initiative en provenance des enseignants. Donc www.enseignons.be est un site remarquable pour le travail réalisé, pour les forums où s’échangent des ressources pédagogiques, des productions et des expériences d’enseignants qui contribuent à améliorer sans cesse la qualité de notre système éducatif.
Les enseignants n’ont d’ailleurs pas attendu l’Internet pour se rencontrer et échanger. Internet n’est qu’un « facilitateur », utile, mais beaucoup d’initiatives sont organisées entre les enseignants pour se communiquer diverses pratiques touchant à l’enseignement. Ce type d’expérience est loin d’être unique : sans considérer la Flandre, la France voire le Québec, il est possible de trouver à foison des sites similaires sur la toile en Belgique francophone ; je pense à des associations de professeurs qui proposent des échanges de documents.
Une étude a laissé croire un moment que les enseignants craignaient l’outil informatique ; je suis au contraire convaincue que les enseignants se sont saisis de cet outil facilitant les échanges. J’ai rencontré un professeur de géographie de 62 ans qui avait complètement transformé son cours grâce aux technologies de l’information et de la communication ; il ressemblait à un débutant frais émoulu de l’école normale, mais armé de son expérience, ce qui donnait un résultat fabuleux.
Si j’avais pu suivre ses cours à l’époque, je serais peut-être devenue professeur de géographie. Ainsi, nous découvrons actuellement des réalisations fabuleuses en matière de technologies de l’information et de la communication, dont les enseignants se saisissent avec bonheur.
Faut-il pour autant financer toutes les initiatives ? Je répète que je suis pour la liberté d’initiative ; or financer une initiative induit d’y apporter diverses contraintes. Je refuse d’introduire ces contraintes et je pousse, au contraire, à laisser vivre ce type d’initiatives, parfois à les laisser mourir, certaines en effet ne répondant pas à des besoins pertinents. Notre objectif n’étant ni de faire de la censure ni de cadrer ces démarches, il convient de laisser libre cours à des initiatives d’enseignement sur le net, bonnes pour la plupart. Je limiterai mon propos à www.enseignement.be , que vous avez très justement cité.
Outre son caractère officiel, puisque développé et financé par l’administration, il est de loin le site le plus important et le plus utilisé par les enseignants en Communauté française. Quelques chiffres vous indiqueront que l’initiative n’est pas anodine : 4 472 documents téléchargeables gratuitement, deux cent mille téléchargements mensuels, neuf cent mille pages visitées chaque mois, cinq mille inscrits au mailing du site. En huit ans d’existence, le site a déjà connu 8 344 585 téléchargements.
Ces chiffres impressionnants sont le reflet de la très haute qualité des ressources et du très haut degré de satisfaction des usagers de ce site. Le choix formulé est de disposer d’un site officiel, financé par l’administration et servant de référence officielle, parallèlement à des références d’initiatives libres d’enseignants. Nous avons choisi de nous concentrer sur le site officiel www.enseignement.be .
Une reconnaissance, par la Communauté française, de toutes les initiatives présentes sur la toile, est tout simplement impossible, plus pour une question de capacité logistique que de moyens financiers. Il peut y avoir, en outre, des initiatives libres qui ne soient pas financées par la Communauté française, ou alors indirectement puisque des enseignants sont les concepteurs de sites où ils échangent leurs savoirs.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je suis quelque peu déçu par votre réponse, madame la ministre présidente, alors que vous vous étiez déclarée « libérale » en la matière. Il s’agit alors de libéralisme manchestérien, complètement dépassé aujourd’hui. Vous devriez donc revoir votre copie sur ce point. Si l’on vous suit, Mme Simonet serait interventionniste parce qu’elle a accordé une subvention alors que estimez que ces initiatives libres ne doivent pas être subventionnées.
Pour votre part, vous subventionnez toute une série d’initiatives qui ne sont pas nécessairement bien contrôlées. Il y là beaucoup d’argent à récupérer. Ce que nous demandions était davantage une reconnaissance de l’intérêt de l’activité plutôt qu’un subventionnement important.
Le montant de mille cinq cent euros octroyé par la ministre Simonet n’est pas énorme mais cette reconnaissance permettra peut-être d’obtenir un support technique. Je regrette donc que vous en restiez là.
Mme Marie Arena, – Je suis pour la concentration et non pour la dispersion.
M. Philippe Fontaine (MR). – Cela vous arrange dans le cas présent mais je pourrais vous dresser une liste des nombreux saupoudrages qui ont été effectués. Si cette initiative ne vous plaît qu’à moitié, c’est parce que vous ne la contrôlez pas