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Interpellation
du 10/10/06 |
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Projets de collaborations entre... |
Interpellation de Monsieur le Député Philippe Fontaine à Madame la Ministre-Présidente Marie Arena
relative aux:
"Projets de collaborations entre la culture et l’enseignement
Madame la Ministre,
Cette interpellation fait suite à ma question de juillet dernier sur le même sujet.
En mai dernier, le comité de sélection des projets de collaboration entre la culture et l’enseignement avait
fourni un travail immense en examinant près de 500 dossiers reçus à la suite de la circulaire 1419 rédigée
à partir du nouveau Décret Culture-Ecole du 1er avril 2006.
Début juin, un grand nombre d’écoles recevaient une lettre leur confirmant que leurs projets étaient
recevables sur la forme et qu’ils seraient examinés par le jury.
Un premier classement des écoles basé sur la qualité supposée des projets a ainsi été effectué lors de la
première réunion du comité de sélection du 15 juin 2006.
Cependant, au vu du document relatif à la seconde réunion du comité de sélection (le 22 juin 2006), il
s’avère que ce classement a changé : un comité de concertation est intervenu entre-temps et a revu les
critères de recevabilité.
Un nouveau classement a alors été proposé, se basant cette fois sur la qualité supposée des opérateurs
culturels et non plus sur la valeur supposée des projets proposés.
Mes questions à ce propos seront les suivantes :
Qui sont les membres qui composent ce comité de concertation qui a le pouvoir de changer les règles en cours
de jeu et de décider d’une liste particulière d’opérateurs culturels habilités à mener valablement les
projets dans les écoles ?
La liste d’opérateurs culturels reconnus par la Communauté française, qui est dorénavant transmise aux écoles
souhaitant rendre un dossier en bonne et due forme pour le 15 novembre 2006, contient une cinquantaine de
noms d’asbl.
Comme son titre l’indique, il s’agit d’une liste provisoire.
Comment se fait-il que certains opérateurs culturels sélectionnés ne s’y trouvent pas ?
D’où la question de savoir sur quels critères cette liste a-t-elle été composée :
quels sont les critères nécessaires pour obtenir cette reconnaissance et faire partie de cette fameuse liste ?
Et quelle est la validité d’une liste « provisoire » ?
La procédure telle qu’appliquée jusqu’à présent nous apparaît en tous cas pour le moins obscure. Pourriez-vous
nous détailler cette procédure et lever nos inquiétudes ?
Madame la Ministre, il me semble également important à ce stade de vous interroger sur les subventions
accordées dans le cadre de ces projets.
Cette opération s’adresse par circulaire ministérielle aux écoles et il est clair que l’argent qui lui est
consacré est exclusivement issu du Ministère de l’Enseignement.
D’un autre côté, l’information émanant de la cellule Culture-Enseignement est claire : seuls les organismes
subventionnés par le Ministère de la Culture ont une reconnaissance assurée ! Or, tous ces opérateurs
« assurés » ont, d’emblée, dans leurs missions, une ouverture vers les jeunes et reçoivent des allocations à
cet effet.
Ne pourrions-nous pas dès lors conclure, dans la plupart des cas, à un double subventionnement obtenu en
instrumentalisant les écoles ?
Comment Madame la Ministre Laanan peut-elle assurer que tous ces opérateurs, oeuvrant dans le secteur de la
création artistique, ont également les aptitudes pédagogiques nécessaires à la concrétisation d’un projet
de cette envergure au sein d’un établissement scolaire ?
De même, comment considérez-vous les artistes professionnels qui oeuvrent depuis plusieurs années dans le
milieu scolaire sans pour autant dépendre d’une institution culturelle et qui, en quelques mois, voient leur
travail décrédibilisé et leur reconnaissance une nouvelle fois bafouée ?
L’expérience qu’ils ont acquise depuis toutes ces années ne peut dorénavant plus rentrer dans aucune de vos
formules !
Venons-en maintenant à l’asbl ECLAT. Dans votre réponse à ma précédente question, vous m’affirmiez qu’elle ne
pouvait être reconnue comme opérateur culturel.
Permettez-moi de ne pas partager cette conviction.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’ECLAT travaille au service de la Communauté française et notamment de votre
cabinet depuis maintenant 3 ans.
La convention qui la lie au Gouvernement lui confie des missions d’informations, certes, mais également des
missions de terrain, qui, si elles ne relèvent pas de la création artistique proprement dite, s’axent
indéniablement sur la pratique concrète de l’art à l’école via la mise en place de projets à long terme au
sein de celle-ci :
Offrir un cadre de fonctionnement avec des formations d’enseignants, des concertations, des rencontres
d’artistes, des journées de réflexion ;
Etablir des modalités de partenariat qui permettent un développement optimal des projets inscrits dans un
cadre défini ;
Assurer la prise en charge, la gestion, la coordination d’opérations déterminées et la promotion de certaines
actions culturelles et artistiques choisies en adéquation avec l’article 6 du décret « missions ».
Concrètement, ECLAT a eu en charge durant 3 ans la gestion d’une opération mettant en place chaque année plus
d’une centaine de projets dans les écoles.
Cette mission, confiée par le Gouvernement de la Communauté française a, jusqu’à présent, toujours été
reconnue et appuyée au vu du travail effectué autour de ce projet (présence sur le terrain, gestion et suivis
administratif des artistes,…).
La mise en place d’un nouveau décret et l’ouverture à d’autres opérateurs ne devrait en aucun cas mettre en
doute la capacité d’ECLAT à organiser et à suivre des projets.
Sa philosophie, au service de votre Ministère, a toujours été de mettre l’école au centre de ses
préoccupations.
C’est ce qu’elle a appliqué avec rigueur durant ces 3 années dans le cadre du projet « Ecole en Scène ».
Nous remarquons cependant que, dorénavant et malgré le succès des partenariats élaborés par son intermédiaire,
vos préoccupations sont peut-être différentes de celles qui animent ECLAT.
L’école n’est plus au centre des considérations puisque vous ne lui laissez plus la possibilité de
rentrer dans une démarche de création en construisant son projet sur le long terme et en y intégrant
l’artiste adéquat selon ses envies et non selon les propositions faites par l’opérateur.
Dans quel but doit-on voir ce changement ?
Stigmatiser la pratique de l’art à l’école à partir de quelques grosses structures en place ?
Où se trouve alors l’authenticité de chaque projet qui tient compte de l’hétérogénéité de chaque
établissement ?
En tout cas, cette pratique est plutôt contraire aux valeurs que vous vantiez avant l’élaboration de ce
nouveau décret : « Au-delà de la possibilité de mettre l’élève en situation de spectateur, ce projet de
décret devrait favoriser la rencontre de l’art par la création, l’apprentissage par la participation active
et le développement de l’auto-évaluation et de la réflexion critique ».
Pourquoi ne pas laisser aux écoles le choix de s’inscrire dans l’une ou l’autre de ces démarches ?
Si dans certains cas la pratique d’animations clé sur porte récolte un réel succès, dans d’autres cas, elle
ne fait que décourager des enseignants motivés qui ont envie de s’impliquer et qui ne souhaitent que
l’épanouissement de leurs élèves.
Pour vivre les choses, il faut se les approprier et le moyen le plus efficace n’est-il pas dès lors de les
créer ?
En bref, la Communauté française est-elle à ce point si peu fière de ses richesses culturelles qu’elle nie
l’outil qu’elle a créé pour les promouvoir ?
Qu’elle crée un nouveau Décret Culture-Enseignement en négligeant les artistes professionnels qui ne
dépendent d’aucune institution culturelle ?
Et, dernier fait en date, qu’elle édite une brochure « Une entrée en littérature » dans le cadre de la
Fureur de Lire, dans laquelle elle promeut 8 auteurs belges sur 71 au total alors même que la Ministre
Laanan annonce vouloir donner ses lettres de noblesses à un littérature jeunesse foisonnante et riche en
encourageant spécifiquement les auteurs jeunesse de la Communauté française ?
Qu’elle s’est « engagée à initier une nouvelles politique du livre en Communauté française » ?
Enfin, Madame la Ministre, en juillet dernier, je m’étonnais du caractère exceptionnel de la soirée festive
organisée au théâtre de Mons le 30 mai 2006, qui réunissait les établissements en discrimination positive
sélectionnés dans le cadre du projet culture-école.
Cette soirée s’adressait aux écoles à l’invitation précise de Monsieur Di Rupo.
Vous aviez alors répondu que cet événement s’organisait chaque année depuis 1999.
Nous n’avons jusqu’à présent trouvé aucune trace de l’organisation d’un tel événement par le passé.
Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet ?
Je vous remercie.
Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
Il est vrai que c’est un sujet qui nous passionne. Pour M. Crucke, ce sont les langues, pour M. Fontaine,
c’est la culture.
Monsieur Fontaine, je vous disais en juillet dernier que vous étiez bien informé. Par contre, aujourd’hui,
vous me paraissez particulièrement désinformé et vous semblez mélanger différents éléments.
Il serait intéressant de se référer au décret « culture et école » que votre assemblée a adopté le 21 mars
dernier, car il contient la réponse à de nombreuses questions de votre interpellation.
Vous pourrez, par exemple, y trouver les terminologies exactes. En effet, il n’existe pas de comité de
sélection des projets, mais une commission de sélection et d’évaluation. De même, le comité de concertation
est un conseil de concertation. Je vous demanderai également de vous référer audit décret quant à la
composition de chacun de ces organes. Contrairement à vos affirmations, monsieur Fontaine, je puis vous
assurer qu’entre les deux réunions de la commission de sélection et d’évaluation, il n’y a pas eu
d’intervention du conseil de concertation pour revoir les critères de recevabilité.
En effet, la qualité d’opérateur culturel est une condition fondamentale du décret qui se retrouve dans son
champ d’application. Je ne partage donc pas votre point de vue qui dissocie qualité des opérateurs culturels
et valeur des projets proposés. Je rappelle que le législateur a eu à cœur d’inscrire la qualité de
l’opérateur culturel en filigrane de chaque projet de collaboration avec l’école. L’examen de cette
condition a logiquement été confié aux services du ministère de la Culture.
Vous avez rappelé les conditions exceptionnelles de travail de la commission durant cette première année de
fonctionnement du décret, lequel venait d’être adopté. C’est ce qui explique qu’elle n’a pu intégrer le
résultat communiqué par les services de la ministre de la Culture qu’à l’occasion de sa seconde réunion de
travail.
En ce qui concerne la liste provisoire d’opérateurs culturels reconnus par la Communauté française, il s’avère,
ayant pris mes renseignements auprès de la cellule « culture et enseignement », qu’il s’agit d’une liste
officieuse dressée par un membre de la cellule, à l’adresse d’une école. Il s’agit donc d’un renseignement
ponctuel qui n’a reçu aucun aval de la ministre de la Culture ou de moi-même.
Cependant, tout comme vous, je suis soucieuse d’éviter le double subventionnement d’opérateurs culturels pour
des projets de collaboration durable ou ponctuelle entrant dans le cadre de missions pour lesquelles un
subside est déjà octroyé. C’est pour éviter cet écueil que la ministre de la Culture et moi-même avons
proposé au gouvernement la prise en compte d’un critère supplémentaire dans la sélection des projets de
collaboration.
C’est ainsi que ces projets doivent présenter un caractère spécifique par rapport aux missions générales
décrites dans le contrat-programme de l’opérateur culturel ou par rapport à ses activités habituelles. Cela
signifie que l’activité proposée par l’opérateur culturel en collaboration avec l’école s’additionne, en
termes de contenu ou de public visé, à ses autres activités, afin d’éviter une double subvention pour
le même type d’activité. Un principe « d’additionnalité » est donc ajouté au décret « culture et école ».
Si je partage votre souci à propos du double subventionnement, je me permets de rectifier votre assertion. En
effet, il est faux de dire que tous les opérateurs ont d’emblée, dans le cadre de leur mission, une ouverture
vers les jeunes qui leur permet de recueillir des allocations.
S’ils avaient une mission vis-à-vis des jeunes, ils pourraient recourir au contrat « culture et école » selon
un principe « d’additionnalité ». Il est aussi erroné de dire que les artistes professionnels qui œuvrent
depuis plusieurs années dans le milieu scolaire voient leur travail décrédibilisé et leur reconnaissance
bafouée.
Le décret parle autant d’opérateurs culturels « personnes morales » que d’opérateurs culturels « personnes
physiques ». Si une demande de reconnaissance tend souvent à obtenir une subvention, l’artiste qui le
souhaite peut demander à voir son travail reconnu par le service du ministère de la Culture dans un autre but
également.
Il va sans dire que les artistes ayant travaillé dans le cadre d’opérations reconnues ou organisées par le
ministère, comme « Théâtre à l’école », « Chansons à l’école », promotion d’activités culturelles dans les
écoles en discrimination positive ou dans l’enseignement spécialisé, ont de fortes chances de recevoir cette
reconnaissance. Je répète que le législateur a eu à cœur de renforcer la collaboration entre l’enseignement
et la culture pour permettre non seulement à un maximum d’élèves d’avoir un accès à une activité artistique
ou culturelle, mais également pour veiller à ce que cette activité soit de qualité.
L’artiste qui souhaite s’inscrire dans cette démarche des pouvoirs publics doit en accepter les règles du jeu. Je vous propose de me communiquer la liste des artistes que vous pensez avoir été ignorés par le nouveau dispositif « Culture et École ».
Je les mettrai avec plaisir en contact avec les services du ministère de la Culture.
Quant à la non-reconnaissance de l’asbl Eclat, je ne peux que vous rappeler la conclusion des services du
ministère de la Culture que je vous avais donnée en réponse à votre question précédente puisque cette
qualification ne dépend pas de moi. Je vous engage à relire le décret du 24 mars 2006. Vous n’oserez plus
affirmer que l’école n’est plus au centre des considérations – vous avez peut-être voulu dire
« préoccupations » – et qu’on ne lui laisse plus la possibilité de s’inscrire dans une démarche de création
en construisant son projet sur le long terme et en intégrant l’artiste adéquat selon ses envies.
Cette affirmation est un comble alors que le décret encourage la collaboration entre les artistes et les
écoles. Le décret prévoit une convention de partenariat entre les deux parties. Les enseignants qui le
souhaitent peuvent faire appel à un organisme intermédiaire qui effectue les démarches à leur place et qui
décide du choix de l’artiste et du projet, comme le fait par exemple l’asbl Eclat. Certains de ses projets
ont d’ailleurs obtenu un subside.
Mais le souhait du législateur était surtout de faire évoluer les pratiques et d’inciter aux rencontres. Il a
voulu que l’enseignant élabore, imagine, directement avec l’artiste, le projet qu’il réalisera durant
plusieurs mois avec sa classe. Pour faire référence aux propos que j’ai tenus à l’occasion des travaux
préparatoires du décret, je répète que tout a été mis en place.
Le législateur a voulu aller au-delà de la possibilité de mettre les élèves et les enseignants en situation
de spectateurs en les encourageant à être partie au projet dès le départ. Quant à votre question relative à
l’opération « la Fureur de lire », la ministre de la Culture me charge de vous dire que sa situation est la
conséquence de l’abandon du secteur de la littérature pour la jeunesse par certains de ses prédécesseurs.
Elle a voulu reprendre les choses en main.
Preuve en est que pour l’attribution des nouveaux prix et bourses en littérature pour la jeunesse, elle a eu
l’agréable surprise de constater qu’il n’y avait pas moins de soixante-neuf candidats. On peut espérer que
davantage de noms d’écrivains de notre Communauté seront présents l’année prochaine dans la brochure dédiée à
nos auteurs pour la jeunesse.
Enfin, je voudrais vous rassurer. Votre interpellation contenait de multiples imprécisions, erreurs ou
mauvaises informations, mais personne n’est parfait. Je dois moi-même confesser une erreur : la soirée de
présentation des activités culturelles dans les écoles en discrimination positive et de l’enseignement
spécialisé qui s’est déroulée le 30 mai dernier à Mons en était à sa deuxième édition. Si la promotion des
activités culturelles dans ces écoles existe depuis 1999, l’idée de mettre en valeur le résultat des
travaux des élèves n’a germé qu’en 2005.
Philippe Fontaine (MR). – Je ne partage pas l’ensemble de votre analyse. Nous n’avons pas la même
lecture du décret. Je continue à penser qu’on a donné l’impression de changer les règles du jeu en cours de
route, ce qui est extrêmement désagréable.
J’ai compris que vous mettiez cela sur le compte de la difficulté de la mise en application des nouvelles
règles. Je regrette qu’une liste officieuse ait été diffusée, même si vous me dites qu’elle ne l’a été que de
manière très ponctuelle. Il est quand même curieux que, alors qu’une seule liste aurait circulé, que j’en aie
eu connaissance !
En fait, plusieurs ont certainement dû coexister. Il est dommage que l’on diffuse des listes officieuses car,
dans les faits, certaines associations sont ainsi éliminées. De plus on n’y retrouve pas de personnes
physiques alors que vous avez indiqué qu’il est possible que des artistes figurent à titre personnel dans les
sélections ! Toutefois, si on diffuse des listes officieuses ne reprenant que des asbl, on les élimine de
facto.
J’ai pris acte de la réponse que Mme Laanan vous a demandé de me communiquer. Je me réserve la possibilité de
l’interpeller sur le sujet. Je l’ai d’ailleurs déjà fait dans le passé. Pour le reste, je vous remercie pour
l’information relative au double subventionnement.
Il ne me reste plus qu’à observer la manière dont ce décret est appliqué et à vérifier si la philosophie qui
est, selon vous, celle du texte, se traduit bien dans les faits ; ce dont je doute encore un peu.