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Interpellation
du 08/04/05 |
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Les enfants à haut potentiel |
Interpellation de Monsieur le Député Philippe Fontaine à Madame la Ministre-Présidente Marie Aréna relative à:
"Les enfants à haut potentiel"
– Madame la
ministre-présidente,
je souhaiterais vous interpeller
sur un sujet dont on parle assez peu et qui a
été évoqué il y a quelques jours, d’une manière
très superficielle d’ailleurs, dans une émission de
la RTBF.
Il s’agit des enfants à haut potentiel.
Le terme « surdoués » ne reflète selon moi
qu’inexactement la réalité.
En effet, ce que l’on
détecte chez ces enfants, ce n’est qu’un « potentiel
», certes au-dessus des normes, mais qui ne
trouvera à s’exprimer que si un certain nombre de
conditions sont réunies.
On pourrait comparer ce
potentiel à un ordinateur très puissant qui, selon
l’utilisateur, peut être utilisé à son plus haut niveau
mais peut être aussi totalement sous-utilisé.
On estime, à l’heure actuelle, qu’entre 2 et
2,5% de la population a un QI qui dépasse 130.
Pour la Communauté française cela représente
16 000 enfants.
Le ministre Hazette avait commandé
une recherche-action sur ce sujet. Nonantequatre
enfants à haut potentiel ont ainsi été interrogés
sur leurs relations à l’école, à leur famille
et à leurs pairs.
Si nous manquons d’études universitaires
sur le taux de réussite et d’échec de ces
enfants, les statistiques françaises montrent qu’à
la fin de la 4ème année du secondaire, un tiers de
ces enfants sont bons ou brillants, un tiers sont
moyens ou médiocres et un tiers se trouvent en
situation d’échec scolaire.
Cela peut paraître curieux
pour des enfants au potentiel si élevé.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser,
les enfants à haut potentiel se heurtent fréquemment
à de grandes difficultés scolaires, relationnelles
ou comportementales pour des raisons diverses.
On peut penser à la démotivation due à
l’ennui, à la trop grande facilité des premiers apprentissages
ou au fait de n’avoir pas appris à faire
des efforts pour mémoriser et pour s’appliquer.
Un
manque de reconnaissance des proches qui provoque
la perte de l’estime de soi et l’angoisse de ne
pas se sentir comme les autres peuvent aussi survenir.
Bien sûr, l’enfant à haut potentiel ne réagit pas
toujours négativement à son environnement ou à
son entourage.
Il est également vrai que tous les enfants
peuvent avoir des « passages à vide », mais ce
phénomène est particulier et paradoxal chez les
enfants à haut potentiel, étant donné que ce potentiel
devrait leur permettre de réussir facilement.
Lorsque leur potentiel n’a pas été détecté
et que leur entourage n’en a pas conscience, ils
arrivent parfois à un tel degré de fragilité, de dévalorisation,
d’impression d’être anormaux, qu’ils
échouent dans les études ou font des tentatives
de suicide – le taux de suicide est cinq fois plus
élevé chez ces enfants que la moyenne.
Ils n’arrivent
alors pas à réussir là où des enfants dans
la norme sont performants.
Dans certains pays comme les États-Unis, le
Canada, Israël et Taiwan, une politique volontariste
est menée car on voit dans ces enfants un
gisement pour l’avenir et les recherches de haut
niveau.
En France et en Suisse, des classes réservées
aux enfants à haut potentiel ont été créées.
En Belgique, il n’y a pas d’école qui s’adresse à ces
enfants en particulier.
Toujours est-il qu’un enfant que l’on pressent
avoir un haut potentiel mérite qu’on le teste, qu’on
le suive dans sa scolarité, au niveau affectif, au niveau
relationnel, autant et si pas plus qu’un autre
compte tenu de sa fragilité émotionnelle et du paradoxe
dans lequel il se trouve : un haut potentiel
combiné à l’échec scolaire fréquent. L’enfant
doit être stimulé et nourri par des activités intellectuelles,
artistiques et sportives.
Il faut aussi le
soutenir et lui communiquer le goût de l’effort,
le plaisir de la tâche, le sens de l’organisation, les
contraintes de la mémorisation.
Or, je constate que la question des enfants à
haut potentiel est totalement absente tant dans la
déclaration de politique communautaire que du
contrat stratégique pour l’éducation.
Il y a là une
lacune qui, je l’espère, ne reflète pas une volonté de
votre part de n’accorder aucun intérêt à ces élèves,
mais qu’il conviendrait de combler.
Le ministre Hazette, ainsi que je le disais plus
haut, avait lancé une « recherche-action » sur ces
enfants à haut potentiel.
Un certain nombre de
chercheurs, d’établissements scolaires et de professeurs
s’y sont investis. Des personnes ont été
engagées à cette fin, notamment par le biais de
« plans Rosetta ».
Où est cette recherche ?
Ses résultats
ont-ils été publiés ?
Si oui, pourriez-vous
nous les livrer ?
Si non, la recherche se poursuit-elle
à l’heure actuelle ?
J’ai entendu dire que tout
avait été arrêté avant terme, ce qui implique que
tous ces investissements, et les emplois y afférents,
seraient perdus.
Est-ce vrai ?
Dans l’affirmative,
pourriez-vous m’expliquer ce qui a motivé ce
choix ?
Il semble qu’un grand nombre de parents
d’enfants à haut potentiel sont complètement « déboussolés
». Il serait bon de les rassurer et de les
écouter.
Il existe une demande de certains professeurs
à être formés à la prise en charge de ces élèves.
Bien souvent ils ne savent quoi faire lorsqu’ils
se trouvent face à ces enfants.
Cette formation
pourrait-elle être intégrée dans la formation initiale
des enseignants ou faire l’objet de modules
spécifiques de la formation en cours de carrière ?
Cela existe-t-il ? est-ce en projet ?
Si non pourquoi
?
La problématique de ces enfants à haut potentiel
n’est traitée nulle part, alors qu’il existe,
par exemple, des dispositions spécifiques pour les
sportifs de haut niveau.
Ne croyez-vous pas qu’il
y a là un vide qu’il conviendrait de combler, sous
peine de voir un enseignement spécifique privé
prendre ces enfants en charge ?
On pourrait procéder
à des adaptations relativement simples.
Alors
que les sportifs de haut niveau pourraient présenter
le CESS à l’âge de 15 ans, les autres enfants,
dont ceux à haut potentiel, ne peuvent le faire qu’à
16 ans.
Est-ce vrai ?
Qu’est-ce qui justifie cette
différence ?
Ne constitue-t-elle pas un préjudice
pour ces jeunes ?
Que penseriez-vous de dispositions
spécifiques à cette catégorie d’élèves, comme
il en existe pour les sportifs de haut niveau, ou les
enfants relevant de l’enseignement spécialisé ?
Pour conclure, je dirai que ces enfants, comme
tous les autres, méritent que l’on s’attarde sur
leurs difficultés propres.
J’espérer que si ce n’est
pas encore le cas, il ne s’agit que d’un oubli qui
pourra être réparé avant la rédaction finale de
votre Contrat stratégique pour l’éducation.
Il serait
en effet dommage de ne pas s’en préoccuper et
de laisser périr de futurs talents dont nous aurons
besoin pour l’avenir et la prospérité intellectuelle,
culturelle et économique de notre pays et de notre
communauté.
Réponse de la Ministre-présidente Marie Arena,
Il est difficile de savoir ce que ces enfants
représentent en termes statistiques.
M. Crucke
parlait récemment de 3 à 6 %, vous parlez de 2,5
à 3 % et certaines études avancent le chiffre de 1 à
2 % en Communauté française.
Nous n’allons pas
nous battre sur ces données. Dans la mesure où
l’école s’adresse à tous, il faut prendre en compte
les attentes de ces élèves.
Certain pays ont opté pour des classes spécifiques.
Nous ne nous inscrivons pas dans cette optique.
Ces enfants ont une tendance à l’isolement.
Les placer dans des établissements ou des classes
spécifiques ne ferait que renforcer leur sentiment
de solitude et fragiliserait leur position dans la société.
M. Hazette avait commandé une étude
dont les résultats sont disponibles sur le site
www.enseignement.be.
À la fin de l’année dernière,
j’ai décidé de la poursuivre pour apporter
des réponses aux enseignants confrontés à ces enfants.
La formation initiale ne peut sensibiliser
les enseignants à toutes les situations auxquelles
ils seront tôt ou tard confrontés.
C’est la raison
pour laquelle je trouve utile et nécessaire que l’IFC
puisse offrir des modules de formation au choix
sur la réalité des enfants à haut potentiel ou sur la
diversité culturelle.
L’étude n’aboutit pas à une approche
spécifique de l’enfant à haut potentiel mais
met l’accent sur les ressources disponibles pour
l’enseignant.
Le tutorat pourrait être une manière de responsabiliser
ces enfants.
Comme vous le souligniez,
il arrive un moment où ils s’ennuient
dans leur apprentissage.
Plutôt que de les laisser
dans leur coin pendant que les autres travaillent,
pourquoi ne pas leur suggérer d’accompagner le
groupe ?
Il ne faut pas responsabiliser l’enfant en lui faisant
porter la responsabilité du groupe qu’il doit
accompagner.
Une pédagogie spécifique doit donc
être développée.
Contrairement à l’étude universitaire, l’initiative
de M. Hazette d’octroyer à certaines écoles
des emplois Rosetta pour développer des activités
en faveur d’enfants à haut potentiel me semble
tout à fait inappropriée.
Si les enseignants ayant
une pédagogie et une expérience en la matière se
disent démunis face à ces jeunes, a fortiori des personnes
à peine sorties du secondaire, qui ne possèdent
aucune notion de pédagogie.
On n’a donc
pas mis en adéquation les besoins des enfants à
haut potentiel, les besoins de pédagogie différenciée,
adaptable, et les compétences des personnes
recrutées.
Si nous arrêtons cette mesure, ce n’est donc
pas parce que les enfants à haut potentiel ne nous
préoccupent pas, mais parce que nous voulons
leur apporter des solutions sérieuses et former les
gens dont c’est le métier.
C’est pourquoi on poursuit
la recherche entreprise et que l’on travaille
sur la formation initiale et continuée afin que les
enseignants possèdent une meilleure approche du
problème des enfants à haut potentiel et disposent
d’outils pour répondre à leurs besoins.
Enfin, l’âge minimal de délivrance du CESS
n’est pas fixé à 16 ans mais bien à 15 pour tous les
jeunes quels qu’ils soient, pour autant qu’ils aient
obtenu le certificat du deuxième degré de l’enseignement
secondaire.
Il n’y a donc pas de spécificité
pour les sportifs ; la mesure est homogène pour
l’ensemble des publics.
Philippe Fontaine (MR).– Je prends acte
que l’étude universitaire se poursuit mais que les
mises à disposition dans les établissements scolaires
sont arrêtées.
Vous estimez que cette initiative
n’était pas positive.
J’aimerais toutefois, par
la suite, confronter votre réponse avec ce que l’on
me dit par ailleurs.
En outre, je prends acte qu’il est possible de
passer les examens à 15 ans et non pas à 16.
Ma seule réticence face à votre réponse touche
le tutorat.
En effet, si je ne suis pas opposé à cette
idée, je pense qu’il ne faut pas utiliser les enfants
à haut potentiel tels des enseignants adjoints mais
les laisser se développer à leur propre rythme.
S’il
est positif qu’ils se retrouvent dans l’enseignement
traditionnel, ils doivent pouvoir s’y frayer un cheminement
un peu différent.