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La motivation des jeunes à ...
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Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Economie, de l'Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine, concernant :
« La motivation des jeunes à créer leur entreprise »
Monsieur le Ministre,
Il y a peu, je lisais dans la presse un article qui commençait ainsi : « non l’esprit d’entreprise n’est pas mort dans notre pays et ce n’est pas la crise redoutable qui sévit qui aura raison de lui ! »
Même si les patrons belges nous placent dans le peloton de queue en matière d’entrepreneuriat, il semble qu’une majorité d’étudiant déclarent au contraire qu’ils sont prêts à créer leur propre entreprise. Ce serait même le cas pour 60% des élèves du secondaire et 70% des élèves du supérieur.
Par contre, devenus des travailleurs pendant au moins un an, le pourcentage de ces candidats entrepreneurs tombe à 33% qui se disent encore prêts à tenter l’aventure.
Ces chiffres proviennent d’une enquête réalisées par la FEB auprès de 600 jeunes. Ils vont même plus loin dans l’analyse de la motivation de ces jeunes à entreprendre puisqu’il semblerait que 97% de ces jeunes sondés seraient demandeurs d’une formation spécifique sur la création d’entreprise pendant leurs études.
Il semble important d’analyser ce paradoxe et les raisons qui provoquent cet effondrement des intentions d’entreprendre chez les jeunes dès qu’ils sont entrés dans le monde du travail. Les pistes d’explication existent : il semble que les montants minimum à avancer pour créer son entreprise soient trop élevé et que le cadre juridique doit être simplifié. Il semble également, même si la reprise d’une entreprise existante n’ait pas la même côte (13%) que la création d’une nouvelle entreprise (63%), que la problématique de la transmission des entreprises reste un frein pour certains jeunes à franchir le pas.
Mes questions sont les suivantes monsieur le ministre :
- Confirmez-vous cette tendance et le paradoxe qui s’en dégage ?
- Entre mars 2007 et décembre 2008 s’est déroulée une campagne en faveur de l’esprit d’entreprendre. Quels sont les résultats de cette campagne ? Peut-on en évaluer l’efficacité ? Disposez-vous de chiffres ?
- Pouvez-vous me dire, en dehors de cette campagne, ce qui est mis en œuvre pour réduire le différentiel entre les intentions des jeunes quand ils sont étudiants et une fois qu’ils sont entrés dans le monde du travail ?
- L’Agence de Stimulation Economique s’intéresse-t-elle à cette problématique ? Qu’est-ce qui est mis en œuvre à ce niveau ?
Réponse du Ministre Jean-Claude Marcourt,
Monsieur le Député, je vous confirme que malgré le contexte de crise économique mondiale que nous traversons, l'esprit d'entreprendre n'est pas mort, ni dans notre pays en général et encore moins dans notre région !
Les statistiques GRAYDON relatives à la création de nouveaux assujettissements à la TVA, par année, en Belgique et dans les trois Régions, imposent les conclusions suivantes : la crise économique ayant frappé le second semestre de l'année 2008, le nombre de nouveaux assujettis à la TVA, c'est un fait, est en décroissance par rapport à l'année 2007, cela au niveau de la Belgique comme des trois Régions. En 2008, on a moins d'assujettissements qu'en 2007, néanmois, c'est supérieur à 2006. Et la Wallonie, parmi les trois Régions, affiche le taux de croissance le plus élevé entre 2006 et 2008. C'est ainsi que, pour la Belgique, on note une croissance du taux de créations de 5,98 % avec un nombre de créations d'assujettissements qui passe de 67.737 en 2006 à 71. 790 en 2008.
Pour la Wallonie, ce taux est de 7,16 %. Pour la Flandre, ce taux est de 6,85 %. Pour Bruxelles, ce taux est de 2,64 %.
Vous soulignez les résultats de l'étude de la FEB qui mettent en évidence le fait qu'une majorité de jeunes déclarent songer à créer leur propre activité, ces statistiques s'effondrant de moitié, lorsqu'ils entrent dans la vie active. C'est : 60 % dans le secondaire, 70 % dans le supérieur et donc la moitié, lorsqu'ils sont rentrés, réellement, dans la vie active.
Votre première question consiste à savoir si je confirme ce « paradoxe » et cette tendance.
Ces résultats confirment ceux de la Fondation FREE, fondation que nous avons adossée à l'Agence de Stimulation économique, pour ne pas faire de doublon. Nous l'avons donc spécialisée dans le cadre de la création et de l'esprit d'entreprendre.
La fondation FREE avait déjà dégagé cette tendance en 2006 à travers une étude menée sur la perception de l'acte d'entreprendre des jeunes entre 25 et 35 ans. Cette étude avait mis en relief le fait que 60 % des jeunes déclaraient avoir une idée de produit ou de service pouvant déboucher sur la création d'activités... mais que toutefois la recherche de financement et les compétences liées à l'analyse économique du projet figuraient parmi les principaux obstacles ressentis à la création d'activités.
C'est ici que j'aborde les réponses à vos deux autres questions qui portent sur les initiatives mises en uvre par l'ASE en vue de soutenir la création d'entreprises, et les résultats de la campagne de sensibilisation à l'esprit d'entreprendre, lancée en septembre 2008, et qui est toujours en cours.
En créant l'Agence de Stimulation économique dans le cadre de l'axe 2 du plan Marshall, j'ai souhaité apporter des solutions à ces différentes problématiques. Parmi les missions prioritaires de l'Agence figure celle qui consiste à concevoir, proposer et mettre un programme pluriannuel de sensibilisation à l'esprit d'entreprendre auprès des jeunes et aussi de mettre en uvre un plan transversal d'aide à la création d'activités.
Chacun conviendra que développer l'esprit d'entreprendre auprès des jeunes, dès leur plus jeune âge, consiste à faire évoluer les mentalités. Cela passe par la mise en uvre d'une stratégie cohérente et efficace qui réponde aux caractéristiques suivantes :
- développer un programme d'actions qui permet aux jeunes de découvrir les aspects pratiques de la gestion d'un projet économique ou autre, qui leur permet d'être confrontés au monde réel des entreprises, d'être confrontés à la prise de risque, et enfin qui les encourage à développer leur créativité ;
- inscrire les initiatives développées dans le long terme sans perdre de vue l'obtention de résultats progressifs;
- optimiser les moyens limités en étant sélectif, et ce dans un contexte où les besoins sont illimités ;
- agir au bénéfice des jeunes via les publics intermédiaires, à savoir les parents, les enseignants, les médias, les politiques et bien sûr, les entrepreneurs eux-mêmes ;
- agir de manière transversale, c'est-à-dire, et ça me paraît important, en associant l'enseignement et donc l'ensemble de la Communauté française ;
- privilégier l'expérience et la spécialisation des opérateurs de terrain, car développer l'esprit d'entreprendre est complexe et délicat, notamment lorsqu'il faut s'inscrire dans l'enseignement et aussi assurer une coordination de manière à bénéficier d'une meilleure réceptivité.
La sensibilisation des jeunes en âge scolaire à l'esprit d'entreprendre, c'est en chiffres, depuis la mise en place du plan Marshall et la création de l'ASE :
- un budget de 3.890.000 euros pour 2007- 2008-2009, ce qui représente donc 1.300.000 euros par an alors que sous la précédente législature, le budget était de 700.000 euros ;
- un programme d'actions de sensibilisation coordonné par l'Agence de Stimulation Economique qui compte, en 2009, 21 actions de fond labélisées qui s'adressent à tous les niveaux scolaires de 10 à 25 ans ;
- deux appels à projets visant à susciter de nouvelles initiatives pilotées et initiées par les établissements scolaires eux-mêmes pour leurs étudiants : en 2008 comme en 2009, une cinquantaine de projets ont été sélectionnés pour un budget total par année de 200.000 euros chaque fois ;
- six agents de sensibilisation à l'esprit d'entreprendre dont un pour la Communauté germanophone, et j'espère que vous en tiendrez compte positivement, M. Stoffels, relaient de manière cohérente auprès des établissements scolaires le programme d'actions en sensibilisant les enseignants et directeurs d'établissements à la démarche ;
sur le plan quantitatif, ces agents ont exploré 600 contacts en 2008, à travers 260 établissements scolaires qui se ventilent comme suit :
- 75 % d'établissements de l'Enseignement secondaire et 25 % du Supérieur ;
un Comité d'accompagnement de l'Esprit d'entreprendre dans l'Enseignement et la Formation impulse des synergies entre les compétences en réunissant au sein de l'ASE des représentants de l'Enseignement et de la Formation afin de remettre avis sur les différentes initiatives ;
une campagne de communication ciblée a démarré le 22/09/2008 : « On a tous un As en nous » !
Je voudrais également souligner un élément positif qui traduit la mesure du travail accompli : la Région wallonne est en pôle position au niveau européen sur l'esprit d'entreprendre. C'est la Fondation FREE, partenaire de l'ASE, qui a remporté en 2006 le Prix européen de l'esprit d'entreprise dans la catégorie « Esprit d'Entreprendre ». Je pense que ça mérite d'être souligné vu la qualité de cette fondation.
En 2007, le projet gagnant était le projet « Cap'Ten » de l'ICHEC, intégré dans le programme d'actions soutenues par l'ASE et qui est destiné aux écoles primaires. En 2008, le jury belge de sélection des projets qui seront présentés par la Belgique, a choisi le projet « Agents de l'esprit d'entreprendre » introduit par l'ASE. Pour information : 7 projets étaient en lice, 5 présentés par la Flandre, 1 par Bruxelles et le projet de l'ASE concernant les agents de sensibilisation.
Pour ce qui concerne les résultats de la campagne de communication lancée en septembre et toujours en cours, il est important de souligner que les canaux utilisés sont diversifiés et visent à toucher tant les jeunes que les entreprises, le monde académique et le monde institutionnel au sens large...
Je voudrais relever avec satisfaction l'impact favorable de la campagne au travers du fait que de nouveaux ponts ont pu être jetés entre l'ASE et les publics cibles, notamment les écoles :
cette campagne a permis à l'ASE d'entrer davantage en contact avec les milieux scolaires, notamment à travers sa présence via un stand qui a suscité plus que de la « curiosité » au salon de l'Education en septembre dernier ... également au travers de l'organisation d'une soirée thématique organisée autour du film « Entre les murs » et à laquelle 500 enseignants ont participé et été informés des métiers de l'ASE ;
cette campagne a sensibilisé un certain nombre d'enseignants au sein de leur école qui, interpellés par les informations distribuées dans leur établissement, ont contacté l'ASE pour mieux comprendre les initiatives pouvant les concerner ;
elle a aussi incité un certain nombre de personnes à contacter l'ASE afin d'obtenir des informations sur les outils d'aide à la création d'entreprise ; l'ASE les a alors orientés pour leur fournir des réponses tout à fait précises et adéquates.
L'esprit d'entreprendre est un élément clé en amont de la « création d'entreprises » et donc du « développement économique ». Il faut convaincre chacun que la création d'une activité économique est un choix véritablement possible et l'Agence cherche à le faire savoir aussi au travers des diverses actions qu'elle développe et coordonne dans ce domaine, par exemple via son rôle de mise en évidence de modèles, notamment via les concours entrepreneuriaux. Le Grand Prix Wallon de l'Entrepreneuriat vise clairement à identifier des modèles à suivre, de tous profils.
Enfin, outre son rôle à jouer dans le cadre de la réforme de la stimulation économique qui visait à rationaliser et mieux coordonner les services proposés aux entreprises, l'ASE travaille également sur un programme d'actions d'aide à la création d'entreprise pour 2009. Le budget réservé à ce programme d'actions à portée transversale, organisé en marge des actions de proximité proposées par les opérateurs locaux, visera trois publics cibles particuliers :
les femmes, les demandeurs d'emploi et les chercheurs et doctorants, soit autant de cibles particulières qui feront l'objet d'actions de sensibilisation et d'accompagnement adaptées à leurs besoins.
Voilà ce que je peux vous donner comme éléments de réponse, Monsieur le Président, Monsieur le Député.
M. Fontaine (MR). Je remercie Monsieur le Ministre pour cette énumération très complète de toutes les actions qui existent, j'imagine, en matière d'aide à l'esprit d'entreprise. On sait qu'il y a des budgets importants qui y sont consacrés mais si je vous ai posé la question, c'est parce que manifestement quand on lit les résultats de cette dernière enquête, on a l'impression que tout cela sert à quelque chose mais pas assez. Ce qui est proposé va avoir un impact dans le monde pédagogique et c'est là que se trouve le problème, surtout pour ceux qui sont les plus volontaires et qui ont vraiment l'envie de faire quelque chose au niveau du corps enseignant et des écoles. J'aurais voulu savoir combien d'élèves ont été concernés par ces différentes opérations.
On n'arrête pas de nous parler de la mixité sociale dans les écoles avec les dégâts que l'on sait au niveau des inscriptions. On ne doit évidemment pas en débattre ici, mais cela fait aussi partie de cette mixité le fait que chacun des jeunes dans toutes nos écoles puisse être confronté à cette problématique. Je crois que les jeunes dans l'enseignement secondaire idéalisent ce qu'est une entreprise parce qu'ils ne la connaissent pas et dès qu'ils y sont confrontés, ils se rendent compte qu'il y a un certain nombre de difficultés que j'ai évoquées, comme vous. Il faut que le contact avec l'entreprise puisse se faire beaucoup plus tôt dans l'enseignement pour que la démarche soit une démarche réfléchie et pas simplement un coup de coeur. S'il n'y a pas une démarche réfléchie, on va souvent vers un échec ou en tout cas vers une grande déception.
Oui un certain nombre de choses ont été faites, vous nous les avez expliquées, mais j'ai peur que cela ne touche qu'une partie peu importante d'élèves, les plus dynamiques. Il faudrait probablement trouver une formule avec la Communauté Française pour que les choses soient plus systématiques.
M. Marcourt,. Je ne vais pas allonger le débat, mais c'est important. Vous me demandez le nombre d'élèves, je peux vous répondre qu'on parle aujourd'hui en milliers d'élèves. Ces agents de sensibilisation sont des personnes détachées de l'enseignement qui ont une démarche plus systématique. Ces projets, nous les avons lancés.
Pour la région de Charleroi, notamment dans une école de l'enseignement technique, on a soutenu un projet en donnant un montant dans une école de carrosserie où tous les métiers étaient repris. J'ai visité l'expérience et je peux vous indiquer qu'elle était positive non seulement à propos de l'esprit d'entreprendre mais aussi dans la conception même des professeurs et des élèves à l'égard du métier de la carrosserie. Ces agents de sensibilisation ont donc pour effet de rendre les choses systématiques : ils vont dans les écoles, ils vont expliquer ce que nous faisons. Il y a une véritable volonté de sensibiliser partout de manière homogène, dans toutes les Provinces et en Communauté germanophone en particulier. Nous sommes donc dans le systématique et plus dans l'aléatoire, c'est ce que je voulais.
M. Fontaine (MR). Je remercie le Ministre parce que ses précisions sont intéressantes. Il faut aller dans le systématique et quitter l'aléatoire et les expériences. J'aurais voulu savoir mais c'est peut-être trop tôt s'il y avait des résistances et où elles se trouvaient. Que vous ayiez la volonté de faire les choses, c'est bien et tant mieux, mais il faut analyser ce qui empêche ce type de problématique d'entrer dans l'école.