Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 14/10/08

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  Bâtiments classés et économies d’énergie...

Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Jean-Claude Marcourt, Ministre de l'Economie, de l'Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine, concernant :
« Bâtiments classés et économies d’énergie »


Monsieur le Ministre,
Les bâtiments classés doivent respecter un certain nombre de règles strictes en matière de rénovation et de restauration. Il en va en effet de conserver à ces bâtiments remarquables leur valeur patrimoniale, leur identité et leur qualité architecturale.

Néanmoins, il est possible d’aborder un projet de restauration d’un bâtiment classé comme monument historique de deux manières différentes : continuer à l’inscrire dans une logique architecturale en perpétuelle évolution et envisager une restauration qui prévoit l’implantation d’éléments contemporains ou redonner au bâtiment son apparence d’antan en lui proposant une restauration dite « à l’identique ».

En matière d’économie d’énergie, et dans le premier cas, on peut imaginer assez facilement que les éléments contemporains répondront aux dernières normes d’isolation, d’étanchéité, etc permettant de rendre le bâtiment le moins énergivore possible. Le problème se corse généralement quand l’option d’une restauration « à l’identique » a été préférée à la précédente ou quand l’administration du patrimoine impose cette dernière, dans le cas notamment de rue classée en entier ne laissant ainsi aucune marge de manœuvre aux propriétaires.

Les difficultés sont d’ordres multiples. Il convient de trouver les bons artisans, de pouvoir retrouver des modèles de ce qui a « du » exister, les matériaux les plus appropriés – chêne ou ardoises naturelles d’extraction souterraine s’il vous plait parce que plus résistantes que les ardoisières aériennes – et je passe sur les difficultés et la lenteur des procédures administratives pour obtenir d’abord l’autorisation de faire les travaux et ensuite pour les mettre en œuvre.

Mais il y a une palette de difficultés rencontrées par des propriétaires de bâtiments classés qui interpellent plus que les autres par leur caractère paradoxal avec d’autres législations wallonnes. Je veux parler de la confrontation du strict respect de l’identique et l’application des normes en matières d’économie d’énergie, mesures qui sont souvent encouragées par des primes d’ailleurs.

Ainsi, il semble ne pas être normal de pouvoir mettre des double vitrages dans des châssis refaits à l’identique ou des joints d’étanchéité mais il sera autorisé d’implanter des châssis métal avec des vitrages teintés dans un projet contemporain. Il est toujours impossible de placer des panneaux photovoltaïques ou des chauffe-eaux solaires sur les toits des bâtiments classés alors qu’il existe des tuiles photovoltaïques plus discrètes et alors que ce type de bâtiments a souvent des factures énergétiques très lourdes. Par contre, un projet prévoyant l’implantation de contemporain va autoriser une toiture 100% profilés de fer.

Mes questions sont les suivantes :

- Aux dires de Monsieur Antoine, il semble que les choses bloquent plutôt de votre côté où il y aurait plus d’intransigeance que côté énergie. Il semble en effet que Monsieur Antoine autorise là où votre administration aurait interdit, bref, de toute évidence il y a quelque chose qui ne fonctionne pas entre les deux administrations. Vous êtes-vous concerté avec votre collègue à propos de ces paradoxes ?

- Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour en faveur des propriétaires de bâtiments classés, privés ou publics, afin qu’ils puissent bénéficier clairement des mêmes avantages que le propriétaire d’un bien classique 

- Pouvez-vous me dire si les tuiles photovoltaïques pourraient être une solution pour les bâtiments classés ?
Réponse du Ministre Jean-Claude Marcourt,
– Tout d'abord, je ne nie pas qu'une meilleure coordination entre l'administration du patrimoine, de l'aménagement du territoire et de l'énergie est indispensable. La preuve en est que le Gouvernement wallon a décidé dans le cadre de la restructuration de l'administration wallonne de créer une direction générale spécifique regroupant l'aménagement du territoire, le logement, le patrimoine et l'énergie.

Je souhaiterais citer un chiffre : 2.800 monuments classés en Wallonie, soit moins de 0,2 % des immeubles d'habitation construits en Wallonie. Ce chiffre permet à lui seul de relativiser la portée des mesures qui doivent être prises dans les bâtiments classés en matière d'économie d'énergie dans le cadre des objectifs globaux du développement durable.

La restauration « à l'identique », même si ce terme est souvent utilisé, correspond à une pratique de restauration qui a certes existé dans le passé mais qui est aujourd'hui révolue. En effet, la restauration des monuments présente des exigences qui relève, d'une part, de la nécessité du respect de l'authenticité du monument, du respect des qualités patrimoniales, celles qui ont d'ailleurs conduit au classement et à la protection du bien, et, d'autre part, de la bonne utilisation des deniers publics sachant que ceux-ci sont limités et sachant aussi que les taux de subsides auxquels les propriétaires peuvent prétendre sont assez élevés. Vous l'aurez compris, en matière de restauration des monuments historiques, la seule règle générale c'est que chaque cas est un cas particulier.

Et dans ce cadre, je peux affirmer que certaines opérations de restauration ont bien permis de placer des doubles vitrages dans des monuments classés et au moins deux exemples d'implantation de cellules photovoltaïques existent déjà. C'est un premier pas dans la bonne direction, direction que je souhaite privilégier.
C'est pourquoi, l'administration du patrimoine s'est impliquée dans un programme de recherche spécifique organisé par l'association « Ruralité, Environnement et Développement » sur le thème « performance énergétique et patrimoine » et qu'elle suit de très près le travail des institutions françaises concernées qui se penchent également sur ce problème en participant notamment aux colloques et séminaires qui se multiplient à ce sujet. En outre, deux journées d'études seront organisées sur ce sujet.

Vous l'aurez compris, le Gouvernement wallon est particulièrement attentif à cette problématique et les cellules photovoltaïques ou les tuiles photovoltaïques sont des éléments qui peuvent tout à fait trouver leur place dans le cadre de restauration de nos immeubles classés.

Quant aux délais, soyez assuré que je mets tout en oeuvre pour tenter d'apporter une solution. A cet égard, j'ai d'ailleurs pris deux initiatives dans ce domaine. L'une est l'actualisation des modalités d'octroi du certificat de patrimoine avec le respect de délais plus stricts et des précisions quant aux responsabilités des différents acteurs. L'autre est la mise en place, avec ma Collègue Marie-Dominique Simonet en charge de la politique scientifique, d'une « maîtrise complémentaire conjointe en conservation et restauration du patrimoine » afin qu'une partie des acteurs principalement concernés par les travaux de restauration soient mieux formés et plus aptes à répondre rapidement aux exigences évoquées.

J'espère que ces éléments auront pu vous rassurer quelque peu et vous apporter les réponses à vos interrogations.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je remercie Monsieur le Ministre pour sa réponse qui ouvre d'intéressantes perspectives. Je me réjouis également que vous admettiez qu'une amélioration des relations entre les administrations du patrimoine et de l'énergie est nécessaire.

S'il est vrai que chaque cas est un cas particulier, mes craintes vont à la possibilité de voir une restauration dogmatique, quasi à l'identique, s'instaurer.

Il faut également veiller à ce que le privé ne soit pas réticent à se lancer dans des opérations de restauration eu égard aux coûts, notamment énergétiques, que cela engendre. Par ailleurs, un bâtiment restauré doit avoir une fonction, il ne doit pas être uniquement remis à son état initial si cet état initial lui ôtait toute fonctionnalité.