Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 23/06/08

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  Prise en charge des...

Question orale du Député Philippe FONTAINE à Monsieur DONFUT, Ministre des Affaires sociales et de la Santé relative à:
« L’avant-projet d'Arrêté du Gouvernement wallon relatif à l'autorisation de prise en charge des personnes handicapées par des personnes physiques ou morales qui ne sont pas agréées par une autorité publique».


Monsieur le Ministre,
Chers collègues,
En date du 14 mars 2008, le Gouvernement adoptait en première lecture un avant-projet d'arrêté du Gouvernement wallon relatif à l'autorisation de prise en charge des personnes handicapées par des personnes physiques ou morales qui ne sont pas agréés par une autorité publique.

Cet avant-projet d'Arrêté a été soumis au Comité de gestion de l'Agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées (AWIPH) et au Conseil consultatif wallon des personnes handicapées.

Il est passé le 24 avril à l’AWIPH pour avis.

Plusieurs acteurs du secteur ont récemment attirer mon attention sur les conséquences de l’adoption de ce projet d’arrêté :
- Conformément à l’article 29 du décret « AWIPH », les services en question ne disposent que d'une autorisation de prise en charge, autorisation délivrée par le Comité de gestion de l'AWIPH. Elles ne sont donc ni agréées ni subventionnées.
- Ces services dit "Article 29" sont apparus à partir de 1995, non pas par choix mais bien suite au moratoire limitant les subsides aux établissements agréés existants.
- Sur le principe, je pense qu’on ne peut qu’applaudir la volonté de contrôler davantage le secteur, afin de garantir le bien-être des personnes accueillies et d’en améliorer la qualité.

- Certains points couverts par ce projet sont tout à fait louables notamment l'introduction ou le renforcement d'obligations relatives au projet et à la prise en charge des personnes handicapées : projet pédagogique, règlement d'ordre intérieur, registre d'activités, projet individuel en collaboration avec le résident et sa famille, obligation de concertation, tenue d'un dossier médico-socio-pédagogique, création d'un conseil des usagers, etc.

Par contre, les représentants du secteur que j’ai rencontrés sont terriblement déçus que cet avant-projet soit discuté sans aucune concertation avec les établissements concernés, qui tentent, pour la plupart, d'assurer un service de qualité, et qui sont depuis plusieurs années diabolisés par certains – jusqu'au sein de l'AWIPH – sous prétexte que ces établissements sont commerciaux. Q’en est-il exactement ?

Ce manque de concertation ne génère-t-il pas des inconséquences ou imprécisions sérieuses que les représentants de ces structures privées aimeraient voir corrigées ?
Ainsi, notamment, l'Article 20, paragraphe 2: "La norme minimale de prestations de personne d'encadrement éducatif est fixée à 0.6 équivalent temps plein rémunéré par personne handicapée hébergée".

Ces structures font, actuellement, très souvent appel à un personnel en nombre différent suivant par exemple le type de handicap des résidents accueillis, leur âge, ou encore le type d'activités organisées.

- En outre, certains collaborateurs sont employés dans ces centres mais beaucoup d'intervenants extérieurs sous statut indépendant. Ils passent de nombreuses heures avec les résidents (infirmiers, psychologues, psychiatres, kiné, ergothérapeutes, apiculteurs, potiers, musiciens, etc.). pourquoi ne pas en tenir compte dans l’arrêté ?

Beaucoup de ces établissements visent également une amélioration qualitative de la prise en charge :
engagement d'éducateurs A1 majoritairement ;
engagement d'éducateurs expérimentés, payés à des salaires plus élevés car intégrant cette maturité et cette expérience ;
engagement d'ergothérapeutes, d'instituteurs, et de personnes aux talents divers (poterie, artistes, apiculteurs, musiciens,…) qui permettent d'insuffler de la diversité dans la vie quotidienne des résidents ;
collaboration avec les universités pour former des collaborateurs à de nouvelles méthodes pédagogiques plus à même d'assurer le bien être des résidents ;
projets pilotes en musicologie, hippothérapie, etc
amélioration des bâtiments afin d'assurer un environnement journalier lumineux, calme et moderne.

Ce projet ne risque-t-il pas de les obliger à arrêter certains efforts qualitatifs car ils sont dans certains cas incompatibles avec les nouveaux ratio visant au quantitatif.

Dans ce contexte, ne conviendrait-il pas que le texte de l'article 20 soit revu afin :
- que le ratio choisi pour les services autorisés, plutôt que d'être fixe, soit "copié" sur le modèle des services agréés ;
- que le texte indique clairement que les heures prestées par des collaborateurs externes (non salariés) soient également intégrées dans le calcul de ratio ;
- que le ratio soit fonction du degré de handicap des résidents ?

Ces gestionnaires privés ne sont certainement pas opposé à un cadre administratif clair précisant des normes et organisant des contrôles mais n’est-il pas souhaitable qu’ils puissent ensuite librement entreprendre dans le strict respect de ces normes et surtout dans le respect du bien être des résidents et du personnel employé ?

Je n’arrive pas à m’empêcher de voir la dessous une certaine volonté de briser toute initiative privée en la matière ? Qu’en est-il ?

Je vous remercie pour vos réponses.
Réponse du Ministre DONFUT,
– Il s'agit d'un sujet éminamment important. Il importe d'être derrière ces travailleurs et les procès d'intention n'avancent à rien.
Le problème n'est pas entre nous.

Vous avez retracé un rapide historique relatif aux services dits « article 29 » ou « sous autorisation de prise en charge » en précisant que ces établissements sont apparus à partir de 1995 non par choix, mais en raison du moratoire limitant les subsides aux établissements agréés existants.

Vous me permettrez de corriger cette analyse. En effet, l'accueil de personnes handicapées principalement de nationalité française dans ces structures relève d'une longue tradition bien antérieure à l'adoption par le Conseil régional du décret du 6 avril 1995 relatif à l'intégration des personnes handicapées.

Pour comprendre cette situation, il faut remonter au début du XXème siècle. À cette époque, nombre de congrégations religieuses françaises ont quitté le territoire français suite à la séparation de l'Église et de l'État.
Celles-ci se sont alors établies à proximité de la frontière française avec leurs oeuvres sociales, médicales ou éducatives.
À partir du milieu du siècle, le déclin des vocations conduira, là comme ailleurs, à la fermeture d'un grand nombre de structures gérées par ces congrégations ou à la reprise de leurs activités par des associations belges qui continuèrent dès lors à bénéficier des subsides français.

Lorsque le Conseil régional wallon a approuvé le décret relatif à l'intégration des personnes handicapées, le législateur a prévu une disposition, en l'occurrence, l'article 29, stipulant que «i> toute personne morale ou physique qui prend en charge des personnes handicapées doit disposer d'une autorisation de prise en charge ».
Cette disposition équivaut, pour ces personnes, à devoir respecter des conditions minimales de sécurité, d'hygiène et d'encadrement pour les personnes handicapées accueillies. Le législateur a eu comme souci d'instaurer une mesure de police administrative destinée à prévenir l'exploitation de personnes vulnérables dans des structures qui, à l'époque, n'étaient ni agréées, ni subventionnées.

Il s'agissait aussi d'éviter l'existence et la « prolifération » de structures dites pirates. Cette disposition permet aux Pouvoirs publics de fermer ou faire fermer des structures qui fonctionneraient sans aucune reconnaissance.

La question de l'accueil de résidents handicapés français en Région wallonne a, ces dernières années, alimenté de nombreux débats. Ce qui a parfois eu comme effet de propager de fausses idées. En effet, il existe un moratoire pour les places subventionnées pour les Belges. Il n'y a donc aucune incidence quant aux places françaises.

Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le préciser devant cette assemblée, M. le Sénateur Philippe Monfils m'a adressé un courrier concernant cette situation par lequel il m'interpellait quant à une modification de la réglementation visant notamment à revoir les normes d'encadrement et à renforcer le contrôle de ces structures. Je vais, toutes les semaines, sur le terrain pour rencontrer des associations. Les deux associations que j'ai rencontrées m'ont dit que 0,6 est vraiment un minimum et qu'elles travaillent, quant à elles, dans le cadre de l'article 29, à 1. De prime abord, ceux qui font bien les choses ne sont pas enclins à du laxisme ni à la course au profit dans ce cadre.

Par ailleurs, j'ai reçu, le 11 juin dernier, Mme la Députée du Nord Cécile Gallez concernant l'accueil de résidents handicapés français en Région wallonne. Mme la Députée a été chargée par M. le Ministre Xavier Bertrand et Mme la Secrétaire d'État Valérie Letard d'une mission relative à cet accueil.

S'il apparaît clairement que les institutions wallonnes disposent outre-Quiévrain d'une excellente réputation en ce compris auprès des farnilles, j'estime qu'il est de mon devoir d'encore mieux garantir la qualité de la prise en charge de ces bénéficiaires ainsi que de renforcer le contrôle de ces structures. L'arrêté que j'ai présenté au Gouvernement wallon va dans ce sens et ne vise nullement à stigmatiser ces services.

Il est de l'intérêt de tous, en premier lieu des personnes handicapées fussent-elles françaises et des services eux-mêmes, que ceux-ci soient soumis à des normes qui garantissent réellement la qualité de la prise en charge plutôt que, comme c'est le cas actuellement des normes minimales de sécurité, d'hygiène et d'encadrement pour les personnes.

Ce projet d'arrêté a été examiné en première lecture par le Gouvernement et a été soumis aux différentes instances d'avis, en l'occurrence, le Conseil consultatif wallon des personnes handicapées et le Comité de gestion de l'AWIPH au sein duquel siègent des représentants du secteur : fédérations patronales, organisations syndicales et associations de personnes handicapées.

Je n'apprécie pas du tout le procès d'intention que vous me faites.

À mon sens, la meilleure chose à faire afin d'aider ces personnes et ce secteur est de créer un lien et un climat de confiance entre les subsidiants français et ces associations. Je suis favorable à ce qu'on discute avec les Français quant à la place qu'ils tiennent au niveau de l'AWIPH en leur permettant d'y siéger sous une forme à définir.

La concertation avec le secteur est donc en cours. J'analyserai les différentes remarques formulées dans la perspective de la présentation en seconde lecture au Gouvernement de ce projet d'arrêté.

Quant à votre considération selon laquelle vous voyez là-dessous une certaine volonté de briser toute initiative privée en la matière, il s'agit d'un procès d'intention.

Seul l'intérêt des personnes handicapées et même celui des services qui les prennent en charge ont guidé ma volonté de revoir cette réglementation. Je ne peux donc vous laisser proférer de telles affirmations.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je remercie M. le Ministre pour sa réponse et surtout pour ce qu'il a dit avant sa réponse.

Il s'agit de conserver notre expertise des institutions et de faire en sorte que les institutions françaises puissent rester en Wallonie.

Qui plus est, vous n'avez pas répondu quant à ma question relative à la problématique de l'article 20, § 2 quant au ratio avec les personnes qu'on prend en considération ou pas. Il s'agit de faire en sorte que le calcul du ratio soit le même pour tous. Les associations sont obligées d'avoir recours à des prestataires qui, eux, ne rentrent pas dans la calcul du ratio. Enfin, vos suggestions m'ont parues intéressantes.

M. Didier Donfut, – Au niveau du Gouvernement, nous sommes venus il y a deux semaines avec dix millions d'euros à investir au niveau de la personne handicapée. Deux projets d'extension de places ont été introduits et j'ai demandé à ce qu'on les retire car il y a un moratoire, d'une part, et il convient de voir l'impact au niveau de l'accueil français, d'autre part.
Avant une telle extension, voyons l'impact de l'article 29. Il serait idiot au niveau de la Wallonie de ne pas intégrer cette réflexion. J'espère que nous aurons assez rapidement un rapport afin de voir l'impact de la politique française.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je vous remercie.