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Les conclusions de deux récentes...
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Question orale de Monsieur le Député Philippe FONTAINE à Jean-Claude MARCOURT, Ministre de l’Economie, sur:
« Les conclusions de deux récentes études sur l’économie wallonne »
Monsieur le Ministre,
Deux études réalisées récemment ont retenu toute mon attention tant par leur contenu que par le caractère « étonnant » de leurs conclusions.
La première, dont la presse économique s’est fait l’écho mais qui n’a - à ma connaissance - pas été rendue publique, a été réalisée conjointement par l’UCL, l’ULB et PriceWaterhouseCooper. Elle porte sur les synergies à développer entre Bruxelles, la Wallonie et la Communauté Française.
La seconde émane de l’IWEPS (Brèves de l’IWEPS n°3) et porte sur l’analyse des comptes régionaux 1995-2006 publié en mars dernier par l’ICN.
Au vu de la qualité des rédacteurs, on ne peut douter du sérieux de ces réflexions.
Penchons-nous d’abord sur la première.
D’après les informations parues dans le presse, les auteurs considèrent comme inéluctable le processus de métropolisation en cours de l’économie mondiale (et a fortiori belge) et constate, indicateurs à l’appui, le rôle central de Bruxelles sur l’économie du pays.
« Nier cette évolution ne sert à rien », affirment les rédacteurs, pour qui il apparaît que les saupoudrages subtils et équilibres provinciaux des aides nuiraient à la croissance wallonne.
Il en résulte que selon cette étude, « la recherche de l’efficacité globale du territoire réclame parfois une forte concentration des moyens dans les sous-régions les plus dynamiques ».
En clair, les pouvoirs publics wallons devraient miser sur les régions qui vont bien et donc axer leurs efforts sur l’axe Wallonie-Namur pour atteindre une masse critique apte à « capter les bénéfices de la métropolisation liés à Bruxelles ».
Le rapport reconnaît que ce positionnement pourrait être jugé « politiquement insatisfaisant » mais il insiste sur le fait que, ce faisant, les moyens dégagés par le surcroît de croissance pourraient ensuite être utilisés pour soutenir les disparités sous-régionales.
Plus loin, constatant la « faiblesse de l’armature » urbaine wallonne, les auteurs recommandent une intensification des liaisons frontalières pour des communes comme Liège, Tournai ou Arlon.
Enfin, ils appellent de leur vœux une mise en commun des stratégies de développement entre la Wallonie et Bruxelles, décelant dans les plans de développement respectifs des « rivalités potentielles » (ex : biotechnologie).
La formation est considérée comme l’exemple-type du domaine où cette coopération devrait être intensifiée.
Les conclusions de cette étude, surtout celle concernant la nécessité de tout miser sur les « meilleurs élèves », s’inscrivent en contradiction avec la politique menée par le gouvernement en matière d’aides publiques.
Le récent débat sur la répartition des fonds européens, le fait que le Brabant wallon soit exclut de la plupart des aides, la mise en place de Zones Franches urbaines et rurales,…en témoignent.
Il m’apparaît dès lors intéressant d’entendre le ministre sur cette critique – à peine – voilée de l’orientation de la politique économique wallonne.
- Comment le ministre réagit-il à cette étude ? En dispose-t-il ?
- Que pense-t-il du bien-fondé de la suggestion de « tout miser sur les meilleurs » ?
- Dispose-t-il d’une cartographie des aides publiques aux entreprises ?
- Où en est-on, concrètement, en matière de synergies avec Bruxelles ?
- Le Plan Marshall et son équivalent bruxellois seront-ils modifiés pour prendre davantage en compte la nécessaire coopération entre les deux régions et éviter les rivalités potentielles relevées par l’étude ?
J’en viens maintenant à l’étude réalisée par l’IWEPS,
La brève de l’IWEPS revient sur la mise à jour, parues fin mars dernier, des comptes régionaux établis par l’ICN.
Cette publication livre les données définitives de 2005 et les prévisions de 2006.
Les résultats sont moins bons que prévus lors de la précédente édition.
L’IWEPS constate que la « hausse de l’activité wallonne reste (…) inférieure à celle enregistrée à Bruxelles et surtout en Flandre ».
Ce constat vaut pour 2006 mais aussi sur la période 2000-2006.
L’IWEPS relève également que la hausse des investissements, si elle atteint +5,2% en 2005, reste nettement moindre que celles que connaissent la Flandre et Bruxelles (+8,5% et +10,2%).
La moindre performance wallonne est encore épinglée en matière d’emploi, surtout en termes d’emploi dans le secteur marchand.
Par contre, en 2005, la hausse des rémunérations moyennes a été plus importante en Wallonie (pour la première fois depuis 2000).
L’institut – s’appuyant sur des modèles économiques reconnus (shift-share, quotient de concentration,…) - estime que les résultats relativement moins bon de la Wallonie s’expliquent en grande partie « par la spécialisation sectorielle de celle-ci », la Région wallonne étant davantage spécialisée dans les secteurs non marchands et moins orienté vers les secteurs tertiaires « en particulier les services aux entreprises », secteur dont la contribution à la croissance est nettement inférieure en Wallonie (40% de moins que la Flandre).
Est également pointé un portefeuille d’activités trop centrés sur des branches peu créatrices d’emplois.
L’industrie chimique et la construction sont par contre deux secteurs où l’IWEPS relève un réel avantage wallon.
En conclusion l’institut estime que la configuration de l’économie wallonne « nettement plus dépendante des activités non marchandes et pas assez en lien avec la demande externe (…) pèse sur le développement de la Wallonie ».
- Quelles sont les réactions du ministre par rapport à cette étude qui infirment en partie le discours sur la bonne santé de l’économie wallonne et la prétendue «plus grande compétitivité par rapport à la Flandre » ?
- Comment comptent-ils exploiter les résultats de cette étude ?
- Des réorientations dans la politique économique sont-ils envisagés ?
- Pourquoi le Plan Marshall n’a-t-il pas mis l’accent sur le secteur des « services aux entreprises » qui selon l’IWPES devrait être davantage développé dans notre région ?
- Idem pour l’industrie chimique, la construction ?
A cet égard, je rappellerai que l’année dernière, un représentant de l’IWEPS s’était déjà montré dubitatif quant au choix des domaines d’activités des pôles de compétitivité…
- Comment explique-t-il la moins bonne performance en matière d’investissements alors que dans le même temps le ministre-président prétend que la Wallonie a attiré plus d’investissements que les autres régions du pays ?
Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse du Ministre Jean-Claude Marcourt,
– En politique économique, personne n'a le monopole de la vérité et du remède miracle. Une brève
analyse des économies industrielles et des crises que nous subissons aujourd'hui suffit à le démontrer.
Tant dans la réflexion que dans la mise en oeuvre du Plan Marshall et des fonds structurels, le gouvernement
s'est appuyé sur les analyses de professeurs d'université et de jurys internationaux indépendants du monde
politique.
Je comprends qu'il peut être difficile pour n'importe qui d'entre nous de recevoir un mauvais bulletin. Mais
il est trop facile pour le mauvais élève de justifier sa mauvaise note sur une mauvaise évaluation du professeur.
Je constate également que la littérature économique et les professeurs d'économie régionale ne partagent pas
nécessairement la même vision du redéploiement wallon.
Qu'il faille miser sur les meilleurs, c'est ce que nous avons fait notamment avec les pôles de compétitivité.
Mais il faut également permettre l'émergence de nouveaux champions. Nous devons donc soutenir tout projet
économique porteur d'activité et d'emplois en Région wallonne. A vous entendre, seules les entreprises du
Brabant wallon auraient encore le droit de se développer et de bénéficier du soutien des pouvoirs publics. Je
vous invite à visiter la Wallonie et à découvrir les nombreuses entreprises de pointe dans les autres provinces
wallonnes.
Personne n'a jamais nié le rôle de Bruxelles pour le développement de la Wallonie. On peut également
s'interroger sur la capacité de Bruxelles à maintenir son niveau d'activité sans les deux autres régions du pays,
leur capital humain et leurs aides aux entreprises mais aussi aux universités. Au niveau économique, cela fait
longtemps que les entreprises et les centres de recherche des deux Régions travaillent ensemble et nous
travaillons avec le gouvernement bruxellois pour susciter davantage encore les collaborations.
En avril 2008, la Banque Nationale de Belgique a en effet publié les statistiques pour les comptes
régionaux, définitifs pour 2005 et provisoires pour 2006.
Les chiffres annoncés pour 2006 sont provisoires et doivent être interprétés avec toute la prudence nécessaire.
Ces premières prévisions montrent une accélération de la croissance en Wallonie en 2006. Il en ressort aussi
que le différentiel de croissance entre la Région wallonne et la Région flamande s'est accru.
Une analyse plus fine des chiffres permet de voir que c'est dans le secteur des fabrications métalliques que la
Région Wallonne a connu une perte de la croissance de la valeur ajoutée contrairement à la Flandre qui y marque
une croissance importante.
Il faut mettre en évidence que ces statistiques n'ont pas pu être corrigées pour tenir compte des répartitions
de l'emploi dans les entreprises disposant de plusieurs sièges d'exploitation en Belgique.
Or, il semblerait que, suite à la réorganisation de certaines activités d'Arcelor-Mittal, reprises sous le
pavillon du groupe SIDMAR, en 2006, les emplois wallons de Liège ont été statistiquement englobés dans les
statistiques flamandes.
Il s'agirait de près de 2.000 emplois qui disparaîtraient de la Région wallonne, avec la valeur ajoutée qu'ils
génèrent, pour être comptabilisés indûment en Flandre.
Ces statistiques provisoires ne peuvent donc être considérées comme réalistes tant que nous ne disposons
pas des statistiques de l'ONSS permettant de répartir la valeur ajoutée entre les différents sièges d'exploitation
des entreprises belges. Il serait, scientifiquement, dangereux de construire des politiques économiques sur des
données provisoires. Un des objectifs du Plan Marshall était de mettre en oeuvre des politiques structurelles
soutenues par les économistes même si certains effets ne seront vraiment identifiables que dans le moyen et le
long termes.
Néanmoins, par rapport à 2005, on peut se réjouir du chemin positif de croissance que la Wallonie a
entamé. De plus, en termes de développement économique, ce n'est pas le chiffre absolu mais la tendance qui
doit être interprétée. Si vous estimez le différentiel de croissance sur la période 2000-2005, vous constaterez que
la Wallonie a comblé son retard.
Pour ce qui est du service aux entreprises, je dirais que Bruxelles constitue davantage un inconvénient qu'un
atout pour la Wallonie. Si vous considérez le développement durable, la concentration que connaît Bruxelles,
par exemple dans le secteur bancaire est handicapant alors que les moyens informatiques dont nous disposons
aujourd'hui permettraient de procéder à des externalisations de l'information. À cet égard, je rencontrerai
prochainement les dirigeants des trois grandes banques belges pour débattre de la question.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je n'ai pas dit que je faisais miennes les conclusions des études
mentionnées. Il est naturel que différentes orientations voient le jour mais il est de notre rôle d'interroger le
Gouvernement sur ses positions lorsque diverses études les contredisent.
Je partage votre avis sur le rôle de Bruxelles. Toutefois, quels que puissent être à l'avenir des
développements institutionnels de notre pays, nous ne pouvons nous passer de la force que constitue Bruxelles.
Il est également surprenant de constater que le secteur de la fabrication métallique est en déclin chez nous
alors qu'il se développe en Flandre.