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L’influence de la qualité des passes à...
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Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Benoit Lutgen, Ministre de l'Agriculture, de la Ruralité, de l'Environnement et du Tourisme, concernant :
« L’influence de la qualité des passes à poissons dans leur cycle de reproduction : le cas du saumon »
Monsieur le Ministre,
Il n’est jamais inutile de rappeler qu’il est maintenant avéré qu’il y a bien une forte érosion de la biodiversité des poissons causée par l’activité humaine. L’altération de la qualité des eaux de surface par les pollutions en est la première cause mais la destruction des habitats de circulation, de reproduction, d’alimentation ou de refuge par des travaux d’aménagements hydrauliques concourt également à cette détérioration. Il ne faut pas oublier non plus une troisième cause plus insidieuse qui provient des conséquences de repeuplements halieutiques et de l’introduction incontrôlée de poissons non indigènes.
Le bilan de la situation est un grave appauvrissement de l’ichtyofaune wallonne avec seulement 38% des 44 espèces qui ne connaissent pas de problèmes majeurs.
Je veux plus particulièrement consacrer cette intervention au cas des poissons migrateurs anadromes, comme le saumon, dont la plupart des espèces est éteinte. En effet, pour se reproduire, ces poissons remontent les cours d’eau pour venir frayer en eaux calmes avant de reprendre le chemin de la mer. Les barrages et écluses leur sont donc fatals s’ils ne sont pas équipés de passes à poissons fonctionnelles. Or, s’il est inévitable d’effectuer ce type d’aménagements pour la circulation des bateaux, tous ne sont pas dotés de cette fonctionnalité.
La Meuse est dotée d’une vingtaine d’ouvrages d’art dont une partie aux Pays-Bas. A une exception près, tous les barrages situés aux Pays-Bas sont dotés de passes à poissons modernes dont le dimensionnement convient pour tous les poissons dont les migrateurs. Une fois passé Liège, en amont, il ne reste plus que 30% de passes fonctionnelles, avec un goulot situé entre la Sambre et la Lesse où pour 100% des passes, le dimensionnement doit être revu pour les grands poissons rhéophiles et les migrateurs, ces passes étant situées juste après trois passes non fonctionnelles entre l’Ourthe et la Sambre.
Cette situation bloque donc les grands migrateurs très en aval de la Meuse, en clair juste après la frontière avec les Pays-Bas, et donc des zones de reproduction restent inaccessibles privant pratiquement l’Ourthe, la Sambre, la Lesse et la Semois de leur présence.
Le plus surprenant est qu’en 1987 est lancé le projet « Meuse Saumon 2000 » qui vise la réintroduction du saumon atlantique dans le bassin mosan, projet mené par la Région wallonne avec des universités (liège et Namur). L’objectif de ce projet est bien de rétablir le cycle de vie complet du saumon atlantique dans le bassin de la Meuse et donc de rétablir aussi la migration normale des saumons.
« La réintroduction durable du saumon atlantique dans nos cours d’eau nécessite impérativement le rétablissement du libre passage des poissons au niveau de toute barrière physique susceptible de bloquer ou freiner la remontée des géniteurs vers les frayères. C’est ainsi qu’une série de barrages présents sur la Meuse et sur divers affluents ont été équipés d’échelles à poissons modernes afin d’améliorer la libre circulation des poissons migrateurs. » peut-on lire dans les objectifs du projet « Meuse Saumon 2000 »
Ce projet est coûteux mais nécessaire et je rappelle que j’ai plusieurs fois interpellé pour savoir où en étaient l’état des populations de saumons, l’avancement des projets d’échelles à poissons et le coût de l’opération repeuplement.
Mes questions sont les suivantes Monsieur le Ministre :
- Confirmez-vous les chiffres d’appauvrissement de l’ichtyofaune en Région wallonne ? La situation , sur ce critère, s’est-elle améliorée ou détériorée ?
- Confirmez-vous la non fonctionnalité de la plupart des passes à poissons belges situées sur la Meuse ?
- Comment expliquez-vous cette situation dans le cadre du projet « Meuse Saumon 2000 » ?
- Voulez-vous me dresser un panorama de la fonctionnalité des passes à poissons sur la Meuse BELGE ?
- Cette situation ne ruine-t-elle pas d’office une partie des efforts scientifiques et financiers consacrés dans ce projet depuis 1980 ? En d’autres mots, ne fallait-il pas commencer par là puisque l’objectif de ce projet est de rétablir le cycle complet de reproduction du saumon ?
- Des saumons en reproduction venant de la mer ont-ils été observés dans l’Ourthe, la Lesse, la Semois et la Sambre ? Combien ?
- Un saumon atlantique sauvage mâle adulte et en parfaite santé a été capturé dans la nouvelle échelle à poissons du barrage de Visé-Lixhe le 31 décembre 2007 et un deuxième saumon sauvage remontant la Meuse a été intercepté au même endroit le 24 janvier 2008. Si nous devons nous réjouir de ce retour, comment devons-nous interpréter ce résultat après 28 ans puisque les premières actions concrètes en faveur du saumon datent de cette époque ?
- Que pensez-vous du fait que ces deux poissons ont été observés à Lixhe ? Nous sommes là à la Frontière entre notre beau pays de Liège et les Pays-Bas avec en aval des échelles à poissons toutes parfaitement fonctionnelles. Il est donc logique que les poissons puissent remonter jusque là. Voudriez-vous me donner le nombre de saumons adultes qui parviennent à remonter jusqu’aux frayères situées très en amont de la Meuse ?
Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse du Ministre Benoit Lutgen,
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Contrairement à ce que vous affirmez, l'état de conservation des poissons s'est amélioré en Wallonie par rapport
au début des années 90 : 39 % des espèces ne connaissent pas de problèmes majeurs, elles n'étaient que 24 % en
1990.
L'appauvrissement de l'ichtyofaune wallonne est intervenu tout au long du 19ème et surtout du 20ème siècle à
la suite de la construction des barrages et des pollutions industrielles et domestiques. La tendance actuelle est à
l'amélioration, sauf pour le cas de l'anguille dont les populations sont en forte régression partout en Europe.
Cette situation n'est donc pas propre à la Wallonie. Un plan européen d'actions est en cours d'élaboration pour
sauver cette espèce.
En matière de passes à poissons, la politique de la Région wallonne est d'ouvrir prioritairement la voie de
l'Ourthe, car c'est dans ce sous-bassin que le saumon venait traditionnellement se reproduire. Ainsi, après la
construction des passes à poissons de Visé-Lixhe et de Monsin sur la Meuse, une passe à poissons est en phase
de construction sur le barrage des Grosses-Battes sur l'Ourthe. Ces aménagements rendront accessibles, dès
2009, certaines anciennes frayères à saumons situées sur l'Ourthe.
Le projet « Meuse Saumon 2000 » doit être considéré comme un projet à long terme. La construction des
dernières passes à poissons mosanes aux Pays-Bas est très récente, à savoir décembre 2007, alors qu'elle était
programmée pour 1996. On ne peut donc pas reprocher à la Région wallonne le manque de remontée de
saumons. Ces remontées de saumons adultes confirment le succès de cet ambitieux, mais réaliste programme
Meuse Saumon 2000, commencé dans les années 1980 et inscrit dans la mobilisation internationale pour sauver
le saumon de l'Atlantique des deux côtés de l'océan.
En ce qui concerne le programme de construction des autres passes à poissons sur la Meuse belge, des
projets existent à Andenne, Ampsin-Neuville et Hastière.
Les passes existantes sont utilisées par de nombreuses espèces de poissons et pas uniquement par le
saumon. Ainsi, de 1999 à 2005, au moins 71.000 poissons appartenant à 35 espèces ont été interceptés dans les
échelles du barrage de Visé-Lixhe. Le suivi scientifique des nouvelles passes à poissons de Wallonie montre
d'ailleurs globalement des résultats très positifs.
Le fait que des saumons n'aient pas été interceptés en amont du barrage de Visé-Lixhe ne doit pas être
compris comme un manque de fonctionnalité des passes à poissons qui se trouvent en amont de ce barrage.
Il s'explique très simplement par le fait que tous les saumons remontant dans l'échelle à poissons de Lixhe
sont interceptés pour le suivi scientifique et pour être reproduits artificiellement par le Service de la Pêche, les
alevins étant ensuite remis dans les rivières wallonnes.
Ces poissons adultes n'ont donc pas pour l'instant la possibilité de remonter plus en amont et ce n'est le
signe d'aucun manque de fonctionnalité des échelles situées en amont. En fonction du nombre de saumons à la
remontée et dès l'accessibilité des frayères naturelles sur l'Ourthe, cette politique sera adaptée.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je vous remercie pour la précision de votre réponse notamment en ce qui
concerne la destination des saumons qui apparemment n'iront pas plus loin que Lixhe.
Je suppose que l'objectif
final est de faire en sorte que les saumons viennent un jour frayer dans nos cours d'eau.
Il est par ailleurs important que les différentes passes à poisson promises soient mises en place.