Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 18/03/08

-

   La pénurie de gradués wallons dans  ...

Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Marc Tarabella, Ministre de la Formation, concernant :
« La pénurie de gradués wallons dans le secteur biopharmaceutique »


Monsieur le Ministre,
Lors du premier bilan de Biowin, le pôle de compétitivité santé de Wallonie, il a été constaté une pénurie récurrente de personnel dans les entreprises wallonnes du secteur biopharmaceutique. Ce sont les gradués tels que techniciens de laboratoire et de production qui manquent le plus.

Il semble que les formations dispensées dans le supérieur ne soient pas suffisamment adaptées aux besoins des entreprises et quelque chose est à faire en urgence de ce côté. J’interpellerai votre collègue de l’enseignement supérieur en d’autres lieux.

Biowin a de grandes ambitions et veut devenir un leader mondial en matière de traitement du cancer et de maladies du cerveau mais souffre d’un important déficit du capital humain.

La formation devient donc un vecteur important de développement du pôle.

Mes questions sont les suivantes Monsieur le Ministre :

- Le pôle Biowin existe depuis 2006. N’existait-il pas une analyse des besoins de formation des secteurs concernés par le pôle ?
- Pourquoi n’a-t-elle pas donné lieu plus tôt à la mise en place de formations destinées à ne pas devoir faire ce triste constat aujourd’hui ?
- Le pôle a cependant jusqu’ici axé ses efforts sur la formation. Pouvez-vous me dire ce qui a été mis en place comme formations pour rencontrer les besoins des entreprises ?
- Pourquoi fallait-il attendre septembre 2008 pour mettre en place de l’immersion professionnelle ? Pourquoi - accessoirement – doit-il s’agir d’une expérience pilote plutôt que de la mise en place de formations en immersion professionnelle effectives ?
- Dans vos déclarations vous opposez la formation en alternance avec l’enseignement qui forme des jeunes aux besoins des entreprises. Pouvez-vous m’expliquer ce que vous entendez par là ? Ne doivent-ils pas être complémentaires ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse du Ministre Marc Tarabella,
– La première de vos questions concerne l'analyse des besoins avant la création de Biowin.

Au travers de la réalisation d'une étude de type « écosystème », le Forem avait déjà mis en évidence, avant 2006, certains besoins de formation de l'industrie chimique et pharmaceutique ainsi qu'une vraie difficulté pour le secteur de trouver de la main d'oeuvre qualifiée, que ce soit pour la Recherche et Développement ou pour la production.

Alors que les causes évoquées pour le personnel de production sont relativement classiques (lacunes professionnelles ou personnelles), on se trouve confronté à des problèmes très spécifiques en ce qui concerne le recrutement de scientifiques :

• tout d'abord, certaines spécialisations sont absentes des cursus scolaires. Il semble que l'enseignement ne se soit pas adapté à la rapidité de l'évolution des connaissances, notamment au niveau des graduats ;
• ensuite, problème plus fondamental encore, le manque d'intérêt des jeunes pour les études scientifiques se traduit par une pénurie quantitative de scientifiques sortant des universités et hautes écoles.

La deuxième de vos questions concerne la mise en place des formations.

Nous n'avons évidemment pas attendu 2006 pour agir !

Citons tout d'abord la collaboration entre l'asbl Nivelles laboratoires et le FOREM : lancée en 2000, l'asbl Nivelles Laboratoires s'est investie dans plusieurs secteurs d'activité qui ont pour thème commun les sciences de la vie et les biotechnologies.

Grâce au soutien du FOREM, Nivelles Laboratoires dispense des cycles de formation professionnelle aux demandeurs d'emploi qui se destinent aux secteurs biopharmaceutique et biotechnologique. Le programme proposé couvre divers thèmes dont la biologie moléculaire et le génie génétique, les tests immunologiques, la culture cellulaire, la virologie, etc ... Le centre forme chaque année 40 à 50 techniciens de laboratoire.

Autre exemple, Cefochim, qui est le centre de formation aux métiers de production de l'Industrie Chimique et Pharmaceutique. Depuis le 12 mai 2006, ce centre est labellisé « Centre de Compétence ». Géré paritairement par les entreprises du secteur chimique, par les organisations syndicales et depuis peu par le FOREM, les publics ciblés par Cefochim sont à présent, non seulement des entreprises du secteur, mais aussi des demandeurs d'emploi, des enseignants et des étudiants. Le centre organise des formations en génie chimique, biotechnologie/pharmacie, instrumentation.

En matière de biotechnologie et pharmacie, le centre organise principalement des formations dans le domaine de techniciens de production.

Nouvel exemple, le Centre de Formation en Biotechnologie FOREM-GIGA : né en 2005 d'un partenariat étroit entre FOREM Formation Liège/Huy et le Groupement Interdisciplinaire de Génoprotéomique Appliquée de l'Université de Liège, ce centre de Formation vise principalement le métier de technicien de laboratoire, sans oublier celui de chercheur.

Les publics cibles du centre sont de quatre types : les demandeurs d'emploi, les étudiants des Hautes Ecoles et leurs professeurs et, enfin, les employés des entreprises de biotechnologie/pharmaceutique qui viennent y parfaire leurs connaissances dans le cadre de la formation continuée.

Le centre propose un ensemble complet de formations spécifiques à destination de ces différents publics. Votre troisième question concerne les formations dans le cadre de Biowin.

Deux projets sont en cours dans le cadre de Biowin.

Le premier est le projet « Formations spécifiques ». Celui-ci vise à favoriser l'acquisition des compétences nécessaires au développement économique du pôle par l'organisation de modules courts dans les domaines « Qualité, Etudes cliniques, Techniques de laboratoire-Production, Imagerie médicale, Propriété intellectuelle et Entrepreneurship ».

A terme, ces programmes devraient se retrouver dans le cursus de base des Universités et des Hautes Ecoles. Ce projet s'adresse aussi bien aux travailleurs des entreprises membres de Biowin qu'aux enseignants, chercheurs, étudiants, stagiaires et demandeurs d'emploi.

Au niveau des résultats, on dénombre entre novembre 2006 et novembre 2007 : 47 modules différents — 95 sessions organisée, 1.700 participants, 17.400 « heures stagiaires ».

Il est important de noter que les principales bénéficiaires de ce projet sont les PME, puisque la participation de leur personnel représente proportionnellement 77 % des heures de formation suivies.

J'en viens à présent au deuxième projet développé dans le cadre de Biowin : le projet « Pénuries ».
L'objectif de celui-ci est de lutter contre la pénurie de techniciens de laboratoire et de techniciens de production par l'organisation de formations destinées à des demandeurs d'emploi à profil scientifique.

Ainsi, entre novembre 2006 et novembre 2007, 9 sessions de formation longue (35 à 90 jours) ont été organisées, ce qui a permis de former 114 personnes.

Le taux de réinsertion des demandeurs d'emploi ayant suivi cette formation est de 65 à 85 %.
Ce très bon résultat s'explique notamment par une présélection des stagiaires et l'adéquation existant entre les programmes des formations dispensées et les besoins rencontrés par les entreprises du secteur.

Votre quatrième question concerne l'immersion professionnelle, et en particulier le projet pilote de formation en alternance.

Une enquête qualitative réalisée par le pôle Biowin auprès de ses entreprises membres a mis en évidence que celles-ci souhaitent disposer de bacheliers professionnels ayant une meilleure connaissance de leurs attentes. Ainsi, Biowin a introduit, dans le cadre du 1er appel à projets, un projet visant à ajuster les formations initiales aux attentes spécifiques de ses entreprises.

Le projet « Formation en alternance » du Pôle Biowin s'insère dans ce cadre et a pour objectif de mettre en place des formations en alternance dans le supérieur.

C'est l'absence de cadre légal pour la mise en place d'un programme de formation en alternance dans le supérieur qui a nécessité le montage d'un projet « pilote ».

Vous me demandez enfin d'expliciter mes propos au sujet de la formation en alternance.
Mon objectif n'est pas de mettre en concurrence la formation en alternance avec l'enseignement de plein exercice.
L'exposé que je viens de faire montre à lui seul que différents types de formation coexistent, sans compter la formation en alternance de l'IFAPME et l'enseignement en alternance (CEFA) de la Communauté française.

Cependant, j'estime que la formation en alternance, du moins pour ce qui relève des jeunes, n'a pas été assez développée jusqu'à présent, et je souhaite l'accentuer. Je m'y emploie non seulement au travers du Plan Marshall qui a permis de renforcer les moyens alloués au Plan d'action Alternance de l'IFAPME mais aussi en travaillant sur le statut du jeune, comme je viens de l'exposer auprès de votre collègue Monsieur Thissen.

Je conclurai cette longue réponse en soulignant que, si la stratégie du pôle Biowin a bien été définie par le Conseil de Gouvernance du Pôle, elle porte sur des éléments essentiels, tels que :

• l'anticipation des compétences et technologies pour le futur ;
• ou l'adaptation des formations diplômantes dans les Universités aux besoins des entreprises ;
• ou encore la facilitation des contacts entre les étudiants et les entreprises.

Nous pensons cependant, mon Collègue Jean-Claude Marcourt et moi-même, que les Pôles de manière générale ne sont pas assez audacieux dans leurs projets de formation.

C'est pourquoi nous avons décidé, en septembre dernier, d'inciter les pôles, leurs entreprises et leurs centres de recherche à élaborer et définir une stratégie de formation ambitieuse et pouvant vraiment contribuer à positionner les pôles de compétitivité wallons à une place importante au niveau mondial.

Ce travail de définition de la stratégie de formation des pôles est en cours de réalisation et sera finalisé d'ici la fin du premier semestre 2008. Comme vous avez pu le remarquer par les exemples précités, les formations en lien direct avec les projets de Recherche et Développement ne sont pas nombreuses. L'élaboration de la stratégie de formation des pôles vise entre autre chose à pallier cette faiblesse.

Régulièrement, j'entends des responsables de l'entreprise dire que les écoles doivent être là pour formater les élèves aux besoins des entreprises. Je m'insurge contre ce genre d'affirmations. Effectivement, il faut accentuer les contacts entre les élèves et les entreprises mais les écoles ne doivent pas devenir des centres de formatage.
L'enseignement a un objectif bien plus large.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je suis d'accord avec vous, Monsieur le Ministre, lorsque vous dites que ce n'est pas le rôle de l'enseignement de formater les jeunes à l'entreprise. En effet, l'enseignement doit former les jeunes générations pour qu'elles soient bien dans leur peau et qu'elles puissent s'insérer plus facilement. La formation plus qualifiante doit permettre aux personnes d'être insérées dans l'entreprise.

Certes, beaucoup de choses se font, mais les déclarations de quelques collaborateurs de GSK m'interpellent.
À cet effet, probablement que l'offre de formation doit être plus importante. En outre, il faut ajouter le manque d'intérêt pour les carrières scientifiques. Je prendrai pour exemple un reportage télévisé sur le salon du SIEP, où la Faculté polytechnique de Mons avait un stand ; le journaliste demande à une étudiante pourquoi elle a choisi cette filière, ce à quoi elle n'a pas pu répondre. Même les étudiants qui sont déjà dans le circuit doivent montrer une image plus accrocheuse.

Il y a encore un gros effort à faire car il est dommage que d'une part, le Plan Marshall mette en avant cet aspect et que, d'autre part, il n'y ait pas d'avancée par manque de personnes.

M. Marc Tarabella, – Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais il y a quand même un frémissement tant dans les écoles techniques que dans l'enseignement supérieur. Je me suis rendu au salon « Je m'informe, je choisis » à Huy et, selon les dires des organisateurs, les filières techniques étaient plus fréquentées, même si je n'ai pas les chiffres exacts. Je suis d'avis qu'il faut notamment supprimer les examens d'entrée pour les ingénieurs, qui sont de véritables rebutoirs à l'enseignement.