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Décision de la Cour de justice des ...
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Question orale de Monsieur le Député Philippe FONTAINE à Michel DAERDEN, Ministre des Finances, sur:
« La récente décision de la Cour de justice des communautés européennes concernant l’article 60bis du Code des droits de succession flamand »
Suite à une question préjudicielle du tribunal de première instance d’Hasselt, la Cour de justice des communautés européennes a rendu, le 25 octobre dernier, un arrêt qui devrait faire jurisprudence à l’avenir.
L’affaire en question concernait un litige relatif aux dispositions de l’article 60bis des droits de succession applicables aux transmissions d’entreprises en Flandre. Des droits de succession d’un peu plus de 800.000 EUR étaient ainsi contestés.
Bien qu’il s’agisse ici de fiscalité directe relevant des Etats membres, il n’en reste pas moins que ces derniers doivent respecter le cadre du droit communautaire
Sans rentrer dans les détails de cette affaire, il s’agissait ici d’un héritage portant sur les parts de deux sociétés dont le siège était aux Pays-Bas et qui y occupaient chacune plus de 5 travailleurs dans ce pays. Ces parts étaient possédées en totalité par un couple résident en Flandre depuis 13 ans et, donc, soumis aux droits de succession en Flandre.
Or, la législation flamande impose dans un tel cas l’occupation d’au moins 5 travailleurs sur le territoire flamand pour accorder l’exonération des droits de succession sur une telle transmission.
La question préjudicielle portait sur la compatibilité de cette condition de « territorialité » en ce qui concerne l’occupation des travailleurs avec les règles européennes relatives à la liberté d’établissement (art 43 CE) et à la libre circulation des capitaux (art 56 CE).
Si la Cour n’a pas pris en compte le critère « libre circulation des capitaux », elle a par contre considéré que la liberté d’établissement était bel et bien restreinte par les dispositions contestées.
En effet, elle a estimé que les dispositions attaquées avantageaient les sociétés employant des travailleurs dans l’Etat membre par rapport à celles occupant un travailleur dans un autre Etat membre. Selon elle, l’égalité de traitement était ainsi bafouée, l’obligation d’occuper des travailleurs sur le sol flamand créant une discrimination (même dissimulée) étant donné que, dans les faits, les sociétés ayant un siège en Flandre étaient avantagées par cette limitation.
Le prétexte de la promotion et de la préservation de l’emploi sur le territoire régional comme éléments d’intérêt général pouvant servir de justification à une discrimination n’a pas été retenu par la Cour. Pas plus que la justification avancée par les autorités flamandes d’efficacité en matière de contrôle fiscal.
Par ailleurs, la Cour a également mis en avant, dans le développement de son arrêt, qu’une telle disposition pouvait être assimilée à une aide d’Etat (pas nécessairement de minimis) et a ainsi avancé que le régime établi aurait dû, à tout le moins, être soumis à l’autorisation de la Commission.
Finalement la Cour a estimé qu’en l’absence de justifications valables, la disposition discutée enfreignait l’article 43 CE en conditionnant l’accès à l’exonération à une occupation de personnel uniquement dans la région concernée.
Mutatis mutandis, une telle obligation d’occupation de travailleurs sur le sol wallon1 existe également dans notre code des droits de succession en ce qui concerne l’exonération (ou plus exactement l’application d’un taux « 0 ») des droits de succession et de donation d’entreprises (même si un seul travailleur suffit en Wallonie). Le cas de figure qui a été soumis à la Cour de justice européenne pourrait donc également être rencontré dans notre région.
Même si cet arrêt de la Cour n’entraîne pas d’annulation automatique de telles dispositions, il n’en reste pas moins que la jurisprudence qui en découle confortera toute plainte similaire.
Dès lors, Monsieur le Ministre, j’aimerais vous poser les questions suivantes :
- Avez-vous eu connaissance de cet arrêt de la Cour de Justice européenne ?
- N’estimez-vous que la législation wallonne en la matière pose le même problème – mutatis mutandis – que celui sur lequel la Cour s’est prononcé ?
- Une réforme rapide des conditions d’application du taux « 0 » en matière de transmission d’entreprises (tant en matière de succession que de donation) n’est-elle pas indiquée afin de se prémunir de toute mésaventure en la matière ?
- Que pensez-vous du raisonnement de la Cour en ce qui concerne l’assimilation à une aide d’état d’un dispositif fiscal favorable conditionné à une occupation de travailleur sur le sol du territoire régional ?
- Combien de demandes d’application du taux « 0 » ont-elles été adressées à l’administration ? Quelle est la part respective des refus et des acceptations ?
- Des contestations suite à un éventuel refus ont-elles déjà été portées devant la justice ?
Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien me fournir.
Réponse du Ministre Michel Daerden,
– Je vous remercie pour votre
intervention et pour la qualité de vos références.
Il n'y a pas de doute possible, nous sommes dans le même cas d'application. Nous allons très vite modifier
le texte. Il n'existe pas d'autre alternative pour éviter le problème.
Pour ce qui concerne l'autre partie de votre question, à savoir le nombre de dossiers introduits dans le cadre
de l'article 60bis, les chiffres des dossiers introduits et de dossiers refusés, ou pour lesquels il y a eu
renonciation, sont respectivement les suivants :
en 2001, 1-0 ;
en 2002, 9-1 ;
en 2003, 14-2 ;
en 2004, 23-7 ;
en 2005, 41-3 ;
en 2006, 55-3
et en 2007, à la date du 16 novembre 2007, 68-4.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je remercie M. le Ministre pour sa réponse.
Je prends acte que tout sera
mis en oeuvre pour que ce texte soit modifié.