Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 17/10/06

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Airbus, l'impact des ...

Question de Monsieur le Député Philippe FONTAINE à Monsieur Jean-Claude MARCOURT sur:
« L’impact du retard dans les livraisons de l’A 380 sur les entreprises wallonnes participant au programme »


Ces dernières semaines, Airbus et sa maison mère EADS ont – à leurs dépens – fait les grands titres de la presse économique internationale.

L’annonce d’un troisième retard, d’environ dix mois cette fois, dans les livraisons de l’avion géant A 380 et les pénalités financières y associées ont plongé le groupe dans une nouvelle tourmente. Celle-ci, outre les changements dans la direction qu’elle a induite, a notamment accéléré le lancement du plan de restructuration baptisé « Power 8 ».
On soulignera toutefois que les qualités techniques de l’appareil ne sont pas remises en cause et que les problèmes actuels sont surtout d’ordre industriels.

Ces nouveaux déboires n’iront sans doute pas sans conséquences sur les entreprises wallonnes étroitement associées à cet ambitieux projet que constitue l’A 380, à savoir la Sonaca, la Sabca et Techspace aero.

La Sonaca, à travers le consortium Belairbus, est en effet partie prenante au programme à travers la conception des bords d’attaque des ailes de l’avion et celle d’un élément de liaison du Fuselage au cockpit de l’appareil. Il n’est pas inutile de rappeler que la Sonaca est depuis environ un quart de siècle un partenaire privilégié d’Airbus avec laquelle elle réalise près de 50 % de ses ventes et prestations.
L’entreprise de Gosselies se présente d’ailleurs comme un «sous-traitant de premier ordre ».

La direction, pour l’instant,  se veut rassurante: les effets sur les chaînes de montage seraient minimes, du moins à court terme. En effet, grâce à de nouvelles commandes(ex : Embraer) et à l’accélération d’autres programmes (A 320), le site tournerait aujourd’hui à plein régime….
Néanmoins, on ne peut que s’interroger sur l’impact négatif que pourrait avoir les nouveaux développements sur, notamment, la situation de la trésorerie de l’entreprise. On se rappellera que le plan défi 2007 vise aussi répondre aux problèmes récurrents de trésorerie. Les propos du président de Belairbus, Claude Bolette, était d’ailleurs moins optimistes, déclarant que « la situation est préoccupante (..) pour 2006 nous anticipons un chiffre d’affaires en recul de 10% par rapport à ce qui était prévu et de 15% en 2007 (…) Il a ajouté que « Les choses devraient être rétablies à l'horizon 2010 où nous retrouverons la cadence prévue  ».

La Sabca, quant à elle, partenaire depuis le début des années nonante d’Airbus2 et dont la part dans le secteur « aviation civile » augmente au fil du temps (30% aujourd’hui), est impliquée dans la conception d’un élément du fuselage central.
Là aussi la direction semble relativiser les soubresauts actuels mais, d’après la presse, le chiffre annuel généré par l’A 380 atteindrait 20 millions par an et occuperait une centaine de travailleurs.

En ce qui concerne Techspace Aero, l’entreprise est impliquée indirectement dans le programme via le motoriste américain Pratt et Withney. Vu la montée en puissance d’autres types de moteurs, la direction n’anticiperait cependant pas de problèmes majeurs, ni en termes de revenus, ni en terme d’emplois. A terme toutefois, elle devrait participer à la production de 1.500 moteurs sur 20 ans pour un chiffre d’affaires de l’ordre du milliard d’euros.

S’il apparaît donc que les premières réactions des dirigeants des entreprises wallonnes impliquées dans le programme ne sont pas alarmistes, on peut toutefois s’interroger sur l’impact des ajustements en cours au niveau d’Airbus tant au niveau industriel que financier.

En effet, le plan de restructuration important que j’ai évoqué, outre l’annonce de suppressions d’emplois, prévoirait, selon certains, une diminution du nombre de sous-traitants (10.000 actuellement) et une délocalisation accrue. A cet égard, il convient de noter que les sous-traitants européens sont désavantagés en raison du taux de change du dollar et que le volet politique (franco-allemand) des négociations en cours pourraient venir polluer le dossier.

Par ailleurs, EADS doit également se prononcer sur le lancement du programme de long courrier A 350 (qui devrait concurrencer le 787 dremaliner de Boeing) auquel participerait les entreprises aéronautiques wallonnes. Alors que certains annonçaient une suppression pure et simple du programme, les dernières déclarations sont cependant beaucoup plus rassurantes.

Je ne reviendrai pas sur les dernières crises sociales intervenues, plus ou moins récemment selon les cas, dans les trois entreprises concernées mais il est évident qu’une mauvaise nouvelle dans ce dossier de l’A 380, ou une annulation de commande, serait source de très grosses difficultés pour notre secteur aéronautique.

J’aimerais dès lors vous poser les questions suivantes :

Avez-vous entrepris des démarches dans ce dossier ? Si oui lesquelles ?
Quels apaisements pouvez-vous apporter aux diverses craintes que j’ai évoquées concernant la sous-traitance et la poursuite du programme A 350 ? Avez-vous eu des contacts avec EADS ?
Quels seront les impacts tant en termes financiers qu’industriels pour les entreprises wallonnes associées au programme de ce nouveau retard ?
A court mais aussi à moyen et long terme (surtout pour la Sonaca) ?
Ces nouveaux développements ne compromettront-ils pas la participation des entreprises citées au de Pôle de compétitivité « Aerospace » ?
S’il apparaît que le retard relatif à l’A-380 n’a aucun n’impact en terme de suppression d’emploi, ces évènements n’ont-ils pas empêché la création d’emplois supplémentaires ?
Réponse du Ministre Jean-Claude MARCOURT,
– Je souhaite remercier M. le Député pour la synthèse qu'il a réalisée des récentes difficultés rencontrées par le groupe Airbus.
Je voudrais compléter son analyse par quelques éléments.

Les retards de livraison des avions A380 seraient dus, d'après Airbus, à des problèmes d'organisation industrielle touchant la production des appareils et ne remettraient pas en cause ni les performances de l'avion, ni son adaptation aux besoins du marché. On devrait obtenir comme prévu la certification de l'avion.
J'ai pu voir l'avion lors d'un salon en Angleterre et je peux vous dire qu'il modifie la perception que nous avons des déplacements aériens. Le volume de ses réacteurs est beaucoup plus important que ce qu'on connaît, il s'agit d'une révolution technologique.

Il est vrai qu'on entend un certain nombre de grognements, mais il n'y a pas d'annulations pures et simples de commande. S'il y a un retard important dans l'exécution des chiffres d'affaires, ceux-ci ne devraient pas être réduits, mais étalés sur une base de temps plus étendue.

J'ai pu rencontrer les industriels wallons lors du salon en Angleterre et ceux-ci ont des points de vue différents. Certains veulent faire appel à de nouveaux bureaux d'études, d'autres non. Ils verront se réduire leur chiffre d'affaires annuel relatif à l'A380, par rapport à leurs prévisions, cette année et les deux prochaines années, mais le chiffre d'affaires ainsi perdu serait reporté en 2010.

Pour la Sonaca, cet événement doit être intégré dans son plan Défi 2007, qui visait à replacer l'entreprise dans une situation de compétitivité et qui comportait un vaste plan d'investissement en partie lié au programme Airbus A350.

L'impact négatif du ralentissement des commandes Airbus sur le chiffre d'affaires de l'entreprise sera plus que compensé par l'augmentation du chiffre d'affaires du côté d'Embraer.

Techspace Aero, quant à elle, disposant d'autres programmes de moteurs et équipant également les avions Boeing, est moins sensible aux variations des commandes Airbus.

Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que d'autres programmes Airbus sont en croissance et que nos industriels sont engagés avec d'autres avionneurs tels qu'Embraer et Dassault qui ont des programmes d'avions remportant aujourd'hui beaucoup de succès.

Airbus fournira cette année 440 avions tous équipés de bords d'attaque, conçus et fabriqués par Sonaca. Ce chiffre devrait être dépassé l'année prochaine. Airbus a également un carnet de commandes de plus de 2.000 avions lui assurant plus de quatre ans de production au rythme actuel.

La réduction momentanée du chiffre d'affaires A380 chez nos industriels sera donc limité en valeur relative. Il semble également que l'emploi actuel ne devrait pas diminuer dans les sites wallons.

Concernant le pôle aéronautique et spatial, le but de celui-ci est d'augmenter la compétitivité à moyen et long termes en créant un avion plus intelligent et plus composite, qui puisse, en étant allégé, aller plus loin avec le même carburant. Ce pôle va permettre de conforter nos entreprises dans ce secteur.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je ne suis pas de ceux qui prévoient le pire, mais il faut être réaliste et ne pas tomber dans un optimisme béat, ce que vous ne faites pas, j'en conviens.
Vous avez fait part de vos préoccupations dans ce dossier. Les risques existent.
Il est vrai que les carnets de commandes sont diversifiés, cela permet d'amortir le retard au niveau des livraisons de l'A380. Cependant, des problèmes se poseront en matière de frais d'études. De même, des compagnies aériennes, soumises à une évolution perpétuelle du secteur, pourraient renoncer à leur commande vu les retards constatés.

Tout cela dépasse le cadre des entreprises wallonnes. Il faut être attentif à ce que la diversification se poursuive en cas de suppression de commande.