Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 22/05/06

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Libre circulation des personnes handicapées ...

Question orale du Député Philippe FONTAINE à Madame Christiane VIENNE, Ministre des Affaires sociales et de la Santé concernant:
« Le risque de mise en péril de la libre circulation des personnes handicapées ».


Monsieur la Ministre,
Chers collègues,
Je suis déjà intervenu sur le sujet un certain nombre de fois lors de la précédente législature mais il semble que les choses n’aient guère avancé depuis lors. Je reviens donc vers vous.

La libre circulation des personnes handicapées entre les Régions et le libre accès aux institutions spécialisées ont longtemps été difficiles en raison, notamment, de la scission du Fonds national des personnes handicapées. Néanmoins, les cas malheureux connus entre 1994 et 1996 paraissaient résolus grâce à l’accord de coopération du 19 avril 1995 conclu entre la Région wallonne et la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale visant à garantir la libre circulation des personnes handicapées. Cet accord approuvé par le décret du 4 avril 1996 transcrivait le souci des francophones de ne voir aucune discrimination liée au domicile se produire dans cette matière.

Ainsi, une personne handicapée domiciliée en Wallonie pouvait désormais accéder librement aux institutions spécialisées bruxelloises et vice-versa. Cet accord constituait un pas en avant d’autant plus important qu’un certain nombre d’institutions spécialisées d’une Région n’ont pas leur pendant dans l’autre Région. Les personnes handicapées risquaient de faire les frais de la fédéralisation du Pays.

Il semble néanmoins que l’accord conclu reste inexécuté par la Région wallonne depuis quelques années, ce que déplore la Commission communautaire française. Sous la précédente législature, Messieurs TOMAS et DRAPS ont pris de nombreux contacts avec Messieurs DETIENNE et VAN CAU. Ces démarches sont cependant restées vaines : ils remettaient en cause le système de compensation financière établi à partir du nombre de prises en charge sans pour autant proposer de nouveau système. Qu’en est-il aujourd’hui ?

S’il est peut-être utile, voire nécessaire de modifier quelque peu cet accord de coopération, je ne pense pas que cela exonère la Région wallonne d’honorer ses obligations jusque-là, notamment sa contribution financière pour le secteur de l’accueil et de l’hébergement. Qu’en pensez-vous ?

De plus, le solde dû pour 1997 a été fixé par la commission de coopération prévue par l’accord en date du 29 mai 2001 mais il apparaît que Cette commission ne s’est plus réunie depuis, ce qui rend impossible la validation des soldes pour les années 1998 et suivantes. Quelles en sont les raisons ?

La Commission communautaire française n’exclut pas une révision de l’accord de coopération néanmoins elle exige logiquement l’apurement de ce solde comme préalable à la révision.

J’aimerais savoir où en est ce différend qui vous oppose à la Commission communautaire française concernant ces remboursements des prises en charge respectives des personnes handicapées entre Régions ?

Quels sont les montants réclamés par la Commission communautaire française ?

Le chiffre de 1.880.000 euros pour 1996-1997 a été avancé par votre homologue à la Cocof. Qu’en est-il ?

Pouvez-vous estimer le montant dû par la Région wallonne si l’accord actuellement en vigueur était appliqué ?

Si on se réfère au montant de l’année 1997 pour calculer les sommes dues pour les années 1997 à 2003, on arrive pas loin des 500 millions de francs belges ! Comptez-vous inscrire des sommes permettant d’honorer le montant de cette dette à votre budget ?

Si je comprends bien que le système imaginé à l’époque ne serve pas les intérêts de la Région wallonne, qu’un système qui prenne en considération les frais réels encourus par chaque Région tel qu’appliqué dans l’accord de coopération avec la Communauté germanophone mais ne pensez-vous pas que c’est une raison de plus pour accélérer le règlement de ce conflit traînant depuis plus de 5 ans de manière raisonnable ?

Or, d’après mes renseignements, vous voudriez faire rétroagir le nouvel accord, qui modifierait le mode de calcul en faveur de la Région wallonne. Pouvez-vous me le confirmer ?

Ne pensez-vous pas que cette volonté de rétroaction soit inconcevable tant juridiquement sur le plan du principe ?

Et en tout cas tout à fait inacceptable pour la COCOF ?

Accepteriez-vous une telle situation à leur place ?

Plus grave, ne risquons-nous pas que la COCOF suspende l’accord de coopération vu son inapplication – financière en tout cas – par la Région wallonne, avec les conséquences dramatiques que cette situation pourrait impliquer pour les personnes handicapées wallonnes fréquentant des institutions spécialisées bruxelloises ?

J’ai cru comprendre que vu l’impossibilité de trouver une issue par la négociation, elle envisageait de saisir le comité de concertation. Ce serait quand même un comble qu’un conflit entre francophones soit arbitré par M. Verofstadt mais bon, s’il faut qu’un libéral – fut-il flamand – s’en mêle pour que ces deux majorités sans libéraux s’accordent. Soit !

Votre homologue à la Cocof a affirmé avoir pris contact avec vous mais rien ne bouge depuis le début de la législature. Quelle est l’état d’avancement de vos discussions ?

Vous orientez-vous vers un système de prise en charge des coûts réels plus favorables à la Région ?

Pour conclure, je regrette qu’il n’y ait pas entre francophones une volonté d’agir mieux au profit des personnes handicapées. J’espère que cette partie de ping-pong cessera rapidement et que ce dossier ne s’enlisera pas comme celui du chèque mazout pour les résidents de maison de repos ou les écoles de devoirs notamment.

Pour les personnes handicapées et leur famille, il importe peu de savoir qui a tort ou raison. Ce qui est essentiel par contre c’est que ces jeux politiciens n’ajoutent pas des difficultés supplémentaires à leur vie déjà éprouvantes.

Il est donc plus que temps de régler ce problème.

Je vous remercie.
Réponse de la Ministre Christiane VIENNE,
Je souhaite d'emblée apporter un correctif à vos constats : en effet, l'accord de coopération du 19 avril 1995 conclu entre la COCOF et la Région wallonne garantit bel et bien la libre circulation des personnes handicapées.

Il ne me paraît pas concevable que ce principe soit remis en cause par qui que ce soit et, à ma connaissance, contrairement à ce que vous laissez entendre, cela n'est pas à l'ordre du jour.

Par ailleurs, au cours de la législature précédente, le caractère pour le moins inéquitable, pour ne pas dire absurde, du mécanisme de compensation financière basé sur des données de fréquentation des services figées en référence à l'exercice 1994. Aussi, le Gouvernement wallon a, en sa séance du 18 avril 2002, chargé le Ministre-Président et le Ministre de l'Action sociale de renégocier avec la COCOF ledit accord.

Dans la perspective de cette renégociation, deux courriers ont été expédiés respectivement les 13 juin et 11 juillet 2002 : le premier était adressé à M. E. Thomas, alors Président du Collège de la Commission communautaire française et le second à M. Willem Draps, alors Ministre de la Région de Bruxelles-Capitale. Il s'agissait de modifier le mécanisme de compensation financière qui devait désormais être basé, à l'instar de l'accord de coopération conclu avec la Communauté germanophone, sur la simple réalité des flux de personnes handicapées en Région wallonne.

Suite notamment à ces courriers, une réunion s'est tenue au Cabinet du Ministre Detienne le 14 juillet 2003. Si la COCOF a accepté d'envisager de revoir l'accord, elle a toutefois exigé comme préalable le remboursement par la Région wallonne du montant relatif à l'exercice 1997, en l'occurrence 1.575.847,04 euros et la reprise des travaux de la Commission de coopération pour effectuer les décomptes afférentes aux exercices 1998 à 2002.


En termes de remboursements et d'échanges de données, la situation se présente, à ce jour, comme ceci :

+ les décomptes afférents à l'exercice 1995 ont fait l'objet , en date du 19 janvier 2000, d'un remboursement par la Région wallonne à la COCOF à raison de 514.980,62 euros;

+ les décomptes afférents à l'exercice 1996, pour les ETA et les CFP, ont fait l'objet, en date du 19 janvier 2000, d'un remboursement par la Région wallonne à la COCOF à raison de 51.388,45 euros. La liquidation du montant afférent à l'accueil et l'hébergement, approuvé par les deux Gouvernements, a cependant été suspendue par le Cabinet de M. le Ministre Detienne;

+ la liquidation des sommes afférentes à 1997 pour les ETA et le CFP, approuvées par les deux Gouvernements, a, elle aussi, été suspendue par le Ministre Detienne ; le montant relatif à l'accueil et l'hébergement a été entériné par la Commission de coopération, mais n'a pas fait l'objet d'arrêtés d'approbation ;

+ pour l'année 1998, les montants n'ont pas été déterminés par la Commission de coopération puisque l'AWIPH conteste les décomptes établis par la COCOF et relatifs à la formation professionnelle ; pour l'accueil et l'hébergement, la COCOF n'a pas transmis ses chiffres ;

+ enfin, pour les exercices 1999 à 2005, le COCOF n'a, à ce jour, transmis aucune donnée et les plus récents contacts avec elle en la matière démontrent qu'elle n'est pas encore en mesure de nous les produire.

Dans ces circonstances, il n'est dès lors pas possible d'estimer, sur base du mécanisme actuel de compensation financière, la somme qui serait due pour les années 1998 à 2005.

Je vous informe toutefois que la Commission de coopération s'est réunie le 15 mai pour procéder à un échange de données sur la fréquentation des services. Ceci devrait permettre de relancer la négociation d'un nouvel accord de coopération.

Par ailleurs, Mme la Ministre Evelyne Huytebroeck ne m'a jamais adressé de demande formelle de renégociation de l'accord. Tout au plus, ai-je reçu en début d'année, un courrier relatif à la situation particulière de deux personnes handicapées et faisant état dudit accord. Je souligne que son directeur de Cabinet adjoint, à l'époque chef de Cabinet adjoint du Ministre Thierry Detienne et Président du comité de gestion de l'AWIPH, a lui-même dénoncé le caractère absurde et l'inéquitable mécanisme de compensation financière.

Pour en revenir à ce mécanisme, il instaure un mode de calcul qui engendre une iniquité flagrante faisant en sorte que la Région wallonne est redevable de sommes importantes à la COCOF alors qu'elle assure la prise en charge d'un nombre de bénéficiaires bruxellois nettement supérieur au nombre de Wallons admis dans des institutions de la COCOF.

Cela revient à dire que l'effort de la Région wallonne est supérieur à la réalité des flux de personnes handicapées entre Régions.


Dans ce cadre, la Région wallonne doit théoriquement verser un certain montant à la COCOF, dans les deux cas de figure :

+ si plus de personnes handicapées domiciliées en Région wallonne sont placées à Bruxelles, par rapport au nombre arrêté en 1994;

+ si moins de Bruxellois sont placés en Région wallonne, par rapport au nombre arrêté en 1994.

En outre, bon nombre de personnes handicapées buxelloises se domicilient en Région wallonne. Ceci a pour effet que la Région supporte ainsi une double charge. D'une part, l'AWIPH subventionne la prise en charge de la personne handicapée bruxelloise qui se domicilie en Wallonie et c'est vous dire toute la perversité du système, d'autre part, la Région wallonne doit, comme cette dernière devient wallonne, payer à la COCOF le coût d'un placement puisque l'AWIPH accueille une personne handicapée bruxelloise en moins en référence au chiffre pivot de 1994.

La Région wallonne a, ces dernières années, consenti d'importants efforts en termes de refinancement de la politique des personnes handicapées. Le processus de transformation des services d'accueil de jour pour jeunes a permis l'ouverture d'un nombre appréciable de places pour personnes handicapées adultes. Ceci a d'ailleurs également profité, par le biais de l'accord de coopération, aux personnes handicapées bruxelloises, ce qui n'empêche pas que les besoins restent à ce jour non rencontrés.

Dans ce contexte, il ne me paraît pas imaginable que la politique wallonne d'intégration des personnes handicapées fasse l'objet, dans l'hypothèse d'un transfert financier injustifié, de mesures d'austérité qui ne seraient d'ailleurs pas comprises par le secteur.

Je terminerai en insistant sur le fait, et contrairement à ce que vous affirmez, que ce différend n'a pas d'impact en termes de difficultés supplémentaires pour les personnes handicapées et leur famille.

Philippe Fontaine (MR).
Je remercie la Ministre pour sa réponse qui finalement ne m'apprend pas grand chose. En effet, le litige est toujours là. Vous m'accusez de catastrophisme, mais je ne fais que m'inspirer des déclarations de votre Collègue à la COCOF. Je pense qu'il ne faut pas laisser planer cette hypothèque sur la Région wallonne mais bien trancher le litige. Selon moi, il y a un accord qui existe et il est normal que la partie qui en bénéficie désire le voir appliqué. Le bloquer n'est pas une solution. Je suis heureux qu'une réunion ait eu lieu le 15 mai dernier et que le processus soit relancé.

Enfin, vous avez parlé des effets pervers de la domiciliation des personnes handicapées en Région wallonne. Même si j'ai compris vos propos, il faudrait prendre garde de ne pas donner l'impression que la Région ne voit pas d'un très bon oeil l'installation de ces personnes sur son territoire.

Christiane Vienne,
Si je reprends le texte que je viens de lire, il est inscrit que : « d'une part, l'AWIPH subventionne la prise en charge de la personne handicapée bruxelloise qui se domicilie en Wallonie et c'est vous dire toute la perversité du système, d'autre part, la Région wallonne doit, comme cette dernière devient wallonne, payer à la COCOF le coût d'un placement puisque l'AWIPH accueille une personne handicapée bruxelloise en moins en référence au chiffre pivot de 1994». Je n'ai donc jamais parlé de la personne mais bien du système.

Philippe Fontaine (MR).
J'ai clairement entendu parler de la personne handicapée et je ne pense pas être le seul.