Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 09/05/06

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La situation à la SONACA ...

Question orale de Monsieur le Député Philippe Fontaine à Monsieur Jean-Claude MARCOURT, Ministre de l’Economie et de l’Emploi sur:
« La situation à la SONACA »


Déclenchée à la mi-mars dernier, la situation de blocage que traverse aujourd’hui la Sonaca entrera ces prochains jours dans une phase cruciale avec un nouveau scrutin, prévu pour le 15 mai prochain, relatif au protocole d’accord issu des rencontres entre les syndicats et le président du Conseil d’administration Pierre SONVEAUX.

Le premier vote sur cet accord a en effet donné des résultats négatifs avec - fait rare - un commun rejet des ouvriers, employés et cadres. Cette unanimité témoigne d’un malaise d’une amplitude jamais atteinte jusqu’ici et fait craindre le pire pour l’avenir de la Sonaca.

La confiance entre la direction et le personnel est au plus bas. Si la nécessité du plan « défi 2007 »1 semble partagée par tous (en ce compris les syndicats), les critiques des organisations syndicales portent aujourd’hui tant sur la gestion et sur la politique industrielle du management que sur la prétendue (il ne nous appartient pas de nous prononcer au stade actuel) politique de népotisme et de « passe-droit » qui aurait cours dans l’entreprise. Les mises en cause ad hominem, qui ont entraîné les démissions que vous savez, sont un fait nouveau dans l’entreprise et témoigne d’un pourrissement de la situation qui ne peut que nous inquiéter.

Face à ces accusations, vous avez accepté le lancement d’un audit interne et externe qui devrait permettre de faire toute la lumière sur la situation et de mettre fin à un climat délétère peu propice à un dénouement positif de la crise.

La priorité des priorités doit être l’apaisement et le rétablissement de la confiance mutuelle. Il y va sans doute de la survie même de l’entreprise et des centaines d’emplois concernés. En effet, il semblerait que la SONACA connaisse actuellement des difficultés financières inquiétantes (elle perdrait pas moins de 3 millions EUR mensuellement depuis janvier 2006) dues en grande partie à la fin des contrats de couverture de change du dollars (qui influencerait à hauteur de 25 à 30 % le Chiffre d’Affaires) et à une extrême pression sur les prix dans de ce secteur d’activité.

A l’heure où les vertus du plan Marshall sont vantées tous azimuts par le Gouvernement, un échec dans ce dossier apparaîtrait immanquablement comme un échec dans la gestion de cette entreprise participée par les pouvoirs publics wallons à 98%. La Sonaca, dois-je vous le rappeler, constitue un maillon indispensable à la réussite du Pôle de compétitivité aéronautique et spatial. Notre région, et le bassin de Charleroi en particulier (où le chômage atteint parfois près de 30%), ne peuvent se permettre un climat d’affrontement social qui déboucherait sur un nouvel « AGC Automotive ». Il en va de l’image de la Wallonie et du redressement de notre Région.

Le 27 avril dernier, à la sortie du gouvernement, vous avez annoncé votre volonté de restaurer le dialogue au sein de l’entreprise, la viabilité de la Sonaca étant votre priorité numéro 1. Les syndicats réclamaient un geste fort de votre part. Mis à part l’audit externe annoncé, vous vous êtes borné à signaler que les modalités de mise en œuvre du Plan défi 2007pourraient être rediscutées.

J’aimerais dès lors, Monsieur le ministre, vous poser les questions suivantes :

La semaine dernière, vous deviez rencontrer les syndicats et la direction de la Sonaca. Quels ont été les résultats de ces rencontres ?

Quels sont les points d’achoppement qui subsistent ?

Une solution vous semble-t-elle possible pour le vote du 15 mai ? Quid en cas de vote négatif ?

Les résultats de l’audit interne et externe vous sont-ils parvenus ?

Si oui, quels en sont les enseignements ? Si non, quand peut-on espérer ces résultats ?

Quels sont les conséquences économiques pour la Sonaca du conflit actuel ? Des chiffres sont-ils disponibles ?
Lors du regroupement de TECHSPACE AERO, de la SONACA et de la FN au sein de Wespavia en juillet 2005, une recapitalisation de la Sonaca, à hauteur de 50 millions EUR, avait été évoquée. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Quel rôle peut jouer la Wespavia dans le contexte actuel ?

Fin 2005, devant le Parlement, vous avez reconnu que « les grands ensembles aéronautiques exigeaient de plus en plus d’avoir des « masses critiques » en face d’eux », tout en vous montrant assez réservé sur cette question. L’idée d’une ouverture du capital à d’autres investisseurs, voire d’une introduction en bourse, est-elle définitivement écartée ?

De telles pistes ne sont-elles à l’étude ?

Plus généralement, j’aimerais vous entendre sur la problématique de la participation publique dans les entreprises privées. En effet, un récent rapport du bureau du Plan mettait en avant des éléments qui interpellent. Il apparaît ainsi que dans l’ensemble de l’Union européenne, la Belgique fait partie du peloton de tête pour de telles participations, en grande partie en raison de la situation an Wallonie.. Cette intervention publique marquée dans nos entreprises pose question. Si l’on peut admettre et même soutenir les participations en capital-risque dans certains secteurs, on ne peut que s’interroger sur la pertinence d’une intervention durable de la part d’un pouvoir public qui n’a pas vocation à se comporter en industriel. Par ailleurs, le fait qu’un pouvoir public soit ultra-majoritairement actionnaire d’une entreprise influe quoiqu’on en dise sur plusieurs paramètres de la vie de l’entreprise et pas toujours dans un sens favorable à son développement et sa dynamique commerciale et industrielle. A long terme, de telles pratiques faussent le « jeu » économique (puisqu’aucun dividende n’est versé aux actionnaires) et laisse un vaste champ d’influence aux organisations syndicales.

Votre approche, Monsieur le Ministre, par rapport à cette problématique a-t-elle évolué à la faveur des récents événements ?

Je vous remercie de votre réponse.
Réponse du Ministre Jean-Claude Marcourt,
La question posée par les deux parlementaires est une question fondamentale.

En quelques mots, j'aimerais faire le point de la situation.

Depuis 2005, nous savons que les prévisions budgétaires de la SONACA pour 2006 sont mauvaises. Pour faire bref, je dirais qu'en 2005 la SONACA recevait un euro pour un dollar alors qu'aujourd'hui il faut 1,20 dollar pour recevoir un euro. Le chiffre d'affaire diminue donc de 20%.

Parmi les raisons de ces difficultés, il y a « l'effet dollar», mais aussi une pression très forte de la part des grands donneurs d'ordres sur les prix et aussi le fait que de nouveaux programmes industriels (nécessaires) ont été lancés et consomment donc des moyens.

Cette situation explique donc que l'on se retrouve aujourd'hui avec, sur la table, un plan «Défi 2007». À côté de cela, il faut savoir que 10% du personnel quitte l'entreprise et qu'un effort salarial de 10% est demandé aux travailleurs restants. Ceux-ci ont l'impression d'une douche froide, ils ont une perception tronquée de la santé économique de l'entreprise qui, pour des raisons de délais, engage lorsqu'elle dit manquer d'argent et licencie lorsqu'elle obtient de nouveaux contrats. Il y a donc une grande tension entre les travailleurs très compétents et le management.

J'ai eu des contacts avec les différentes parties concernées dans cette «affaire». J'ai demandé à ce que le dialogue soit rétabli entre les différents interlocuteurs et à ce qu'une expertise interne soit réalisée. Nous avons constaté qu'il était préférable de faire appel à un Commissaire-réviseur d'entreprise, Gérard Delvaux, afin d'examiner les pièces déposées par les organisations syndicales.

Le Conseil d'administration devra se réunir cet après-midi. Dans les jours qui viennent, je serai en contact avec les représentants du Conseil. L'objectif poursuivi est de faire la transparence, d'examiner si le plan «Défi 2007» est réalisable et voir si des choses au sein de celui-ci peuvent être changées.

Ce matin, M. Delvaux est venu présenter le contenu de ses constatations. Il a tout d'abord déclaré qu'il n'y a aucune illégalité dans aucun des éléments signalés par les organisations syndicales. Il a ensuite indiqué qu'il aurait été préférable de mieux appliquer le principe de l'indépendance et qu'il serait d'ailleurs bon à l'avenir qu'une plus grande transparence soit faite.

En outre, j'ai fait part aux organisations syndicales que je demanderai au conseil d'administration que la SONACA applique le mieux possible le code Buys de façon à faire preuve d'une plus grande transparence. La SONACA applique le mieux possible le Code Buys. Je pense également qu'au moment où l'on demande au personnel de fournir des efforts significatifs, il faut faire en sorte que l'équilibre règne.

Par ailleurs, cet après-midi, le Conseil d'administration, sur base des chiffres comptable arrêtera les comptes 2005 de la société. Ceux-ci laisseront a priori, apparaître une perte.

Face au constat qu'il y a effectivement une perte récurrente qui se creuse de mois en mois, le Conseil d'administration fera une projection sur le budget 2006 et donnera son avis sur le plan «Défi 2007».

En ce qui concerne la Région wallonne, nous sommes prêts à assister le redéploiement de la SONACA mais pas à suppléer des cash drain récurrents. Nous assumerons notre rôle d'actionnaire et j'ai déjà mentionné à plusieurs reprises que si quelqu'un venait avec un projet industriel qui conforte le développement de la SONACA par l'entrée d'un opérateur privé, j'étais tout à fait disponible à ouvrir le dossier. L'une de nos priorités est de développer l'économie à Charleroi.

Philippe Fontaine.
Je comprends les déclarations rassurantes du Ministre, je comprends aussi que celles-ci soient prudentes. Il reste toutefois des inconnues.

À travers l'audit, vous avez rassuré les organisations syndicales sur les événements du passé. Je pense que c'est important pour négocier de manière sereine.

En ce qui concerne les différentes raisons des pertes financières de la SONACA, on sait depuis longtemps que, dans l'aéronautique, il y a toujours eu un problème lié au change et que la pression des autres opérateurs est effectivement très forte.

Je ne peux qu'espérer que les négociations puissent reprendre dans la sérénité. J'ai quand même un peu peur que les critiques sur le management ne continuent même s'il est cependant vrai que de gros changements dans le management peuvent se révéler être un handicap par rapport à l'étranger. Reconnaissons tout de même qu'il y a eu, au niveau du management, des erreurs d'appréciation.

J'enregistre volontiers votre volonté de participer au redéploiement de la SONACA mais pas à n'importe quel prix. J'enregistre aussi que vous êtes ouvert à une éventuelle collaboration privée.

Pour le Plan Marshall, pour la région de Charleroi et pour la Wallonie, il s'agit d'un dossier essentiel.