Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 29/03/06

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Les éditions DUPUIS...

Question orale de Monsieur le Député Philippe FONTAINE à Monsieur Jean-Claude MARCOURT, Ministre de l’Economie et de l’Emploi, sur:
« Les éditions DUPUIS »


Monsieur le ministre,
Les éditions Dupuis, cédées en juillet 2004 par le groupe CNP d'Albert Frère à la société française Media-Participations et occupant pas moins de 160 personnes sur les sites de Marcinnelle et de Martinou (Fleurus), sont aujourd’hui dans la tourmente.

A l’origine de cette « affaire », la démission du directeur-général pour, je cite, « divergences de vue profondes » avec les actionnaires français. Ce dernier reprocherait surtout à la maison-mère de menacer l’autonomie éditoriale et l’ancrage régional des éditions ; le spectre d’un démantèlement, morceaux par morceaux, n’étant, selon lui, pas à écarter.
Devant le refus de Media Participations de garantir une totale liberté à Dupuis, le directeur général démissionnaire avait avancé la possibilité de racheter les éditions via un management buy out (MBO). 9 cadres ont alors suivi leur ancien directeur sur ce point et une offre a été proposée aux actionnaires. Le montant mis sur la table par les cadres, qui annoncent être soutenu par plusieurs investisseurs potentiels, s’élève à 102 millions EUR, soit le même montant mis par «Media Participations » pour racheter Dupuis à l’époque.
Les événement se sont alors précipité avec le licenciement de deux directeurs pour faute grave, suivie d’un mouvement de grève de l’ensemble du personnel, d’une proposition de réintégration refusée par les intéressés, d’un mouvement de solidarité des auteurs et, enfin, de la nomination d’un directeur-général ad interim.

Une fois n’est pas coutume, la crise ne trouve pas son origine dans une restructuration et dans l’annonce de dégâts sociaux imminents. En effet, la situation financière des éditions Dupuis est des plus encourageantes. Après une année 2004 difficile, les éditions Dupuis ont connu en 2005 une année relativement faste. Communiquant sur ses résultats en février dernier, le directeur général sortant se félicitait d’ailleurs de ce que le chiffre d’affaire consolidé de la maison avait augmenté de 2 millions d’euros en 2005, le portant à 74 millions d’euros. Le résultat net pour l’exercice 2005, quant à lui, avoisinait les 4,5 millions d’euros après impôts, marquant une croissance de 50% par rapport à l’exercice précédent.

Il s’agit donc ici, de ce que j’aurais envie de nommer une « crise d’identité » doublée d’une « crise de confiance ». Dupuis est plus qu’une entreprise pour la Région de Charleroi. Il s’agit d’un patrimoine économique certes mais aussi d’un véritable patrimoine culturel et cet élément est essentiel dans ce dossier.  Il suffit de se promener à Charleroi pour ce rendre compte de l’importance culturelle de la BD dans cette ville.

Le discours des responsable de Media-Participation se veut rassurant. Son CEO a d’ailleurs déclaré vouloir « assurer l’âme de Dupuis et la pérennité de cette maison d’édition » et a annoncé son intention « d’avancer les moyens nécessaire pour assurer l’autonomie éditoriale de Dupuis et le maintien de l’école de Marcinelle à Marcinelle ». On en peut qu’espérer qu’il en soit ainsi.

Face à ce dossier, vous avez déclaré dans la presse que la Région n’avait « pas de droits subjectifs à faire valoir  ». Il n’en reste pas moins que les sérieux problèmes de compréhension et de confiance entre le management et les actionnaires pourraient, si la crise se poursuit, aboutir à un pourrissement de la situation qui ne sera positive pour personne.  

J’aimerais dès lors, Monsieur le Ministre, vous poser les questions suivantes :

Avez-vous rencontrer l’équipe de direction des éditions DUPUIS et les actionnaires français de Media-Participations ?
Si oui, quelle est votre analyse de la situation ?

Disposez-vous d’éléments tendant à confirmer la perte d’autonomie éditoriale des éditions DUPUIS ?

La piste d’un management buy out vous paraît-elle plausible ?

L’ancien ministre-président a marqué son soutien à cette initiative… et vous, soutenez-vous cette démarche ?

Etes-vous interpellé par le fait que cette démarche soit soutenue par la quasi-totalité du management ?

Quel est votre réaction aux propos du directeur-général démissionnaire qui a appelé de ses vœux, par voie de presse interposer, un soutien de la Région wallonne ?

Quel démarche comptez-vous entreprendre afin d’éviter le gâchis d’un pourrissement de cette situation ?
Réponse du Ministre Jean-Claude MARCOURT,
Les interpellations des honorables Membres posent des questions de principe ainsi que des problèmes particuliers.

Tout d’abord, au niveau des principes. Lorsqu’une entreprise qui est de propriété et d’actionnariat belges et wallons est vendue à une société étrangère, le développement de cette société change de localisation dans la prise de décision. À partir du moment où l’on n’est plus propriétaire, on n’a plus rien à dire. Depuis les années ’60, beaucoup de fleurons wallons ont été transférés ailleurs et ont connu cette situation.

En dehors de tout protectionnisme économique, il est vrai que l’on est plus sensible à l’avenir d’une entreprise locale. Dans le cas de Dupuis, il y a une nuance tout à fait fondamentale. Il ne s’agit pas d’un dossier de la ville de Charleroi, ou du Hainaut, mais de toute la Wallonie, d’une certaine culture wallonne. Il concerne une forme de différence à l’intérieur même de la langue française.

Je n’ai pas à juger la façon dont M. Kennes remplit sa mission. Cependant, l’acte qu’il a posé est révélateur.

Tout ce qu’a présenté Média-Participations en termes de développement, d’autonomie et de politique des auteurs est clair. En 18 mois, et M. Van Cauwenberghe l’a rappelé, des actes ont été posés qui laissent croire qu’il y a une déperdition de l’autonomie du groupe Dupuis à Charleroi par rapport à la direction française. L’intégration est de plus en plus forte. Si cela peut se comprendre sur le plan économique, cela correspond, pour nous, à une perte d’identité.

Le dossier a pris une tournure étonnante, puisque des dirigeants sont entrés en opposition avec leurs actionnaires, en demandant un management by-out. J’ai eu des contacts avec les deux parties, M. Kennes et les actionnaires de Média-Participations. Pour qu’il y ait un acheteur, il faut évidemment un vendeur et tel n’est pas le cas aujourd’hui. Média-Participations a marqué son opposition à toute cession du groupe Dupuis.

La Région wallonne est prête à défendre un plan de développement industriel pour Dupuis à Charleroi. J’ai laissé le manager de crise, Mme Huguette Marien, prendre ses fonctions. C’est un poste intérimaire et le risque est qu’il manque d’autonomie. Je demanderai à la rencontrer personnellement pour lui rappeler que nous tenons absolument à cette entreprise et que nous voulons la voir se développer à Charleroi. Il est impératif qu’elle ne devienne pas, en Wallonie, un centre d’impression réduit dans son autonomie et son dynamisme. Dupuis pourrait se fragiliser fortement si des fonctions managériales n’étaient pas maintenues à Charleroi.

Je verrai, dans les jours, qui viennent le manager de crise et j’écouterai ce qu’il a à dire. Il faut maintenir le développement de la BD à Charleroi, c’est un élément essentiel du patrimoine culturel wallon.

Philippe Fontaine (MR).
– Je suis d’accord quant au principe émis par le Ministre. Je reste néanmoins très inquiet.
Je tiens à saluer le fait que l’équipe de direction de Charleroi a attiré l’attention sur ce dossier par la démission de M. Kennes.

Je ne sais pas si le manager de crise dispose d’une réelle autonomie. Il serait donc judicieux de rencontrer également Média-Participations car la clé du problème se trouve à ce niveau, celui où les décisions sont prises.

Il faut tout faire pour que Dupuis reste à Marcinelle, avec une autonomie éditoriale suffisante. Il en va de notre patrimoine culturel. De même, que serait Dupuis sans les créateurs ? C’est un élément important pour le futur.

J’espère que vous nous annoncerez de meilleures nouvelles à l’avenir.