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L’industrie pharmaceutique en Wallonie...
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Question orale de Monsieur le Député Philippe FONTAINE à Monsieur J-C MARCOURT, Ministre de l’économie et de l’emploi sur:
« L’industrie pharmaceutique en Wallonie »
La récente annonce du groupe Pfizer de ne pas investir 185 millions EUR et, en conséquence, de ne pas créer une centaine
d’emplois à Puurse a provoqué un certain émoi dans les milieux économiques et l’opinion publique.
L’entreprise pharmaceutique a expliqué cette décision par un climat qu’elle juge « peu favorable » aux investissements dans
son secteur d’activité et par une attitude, je cite, « peu conciliante » des autorités belges. Cette déclaration a plus
largement mis en lumière le malaise régnant actuellement – mais depuis déjà un moment en réalité - dans certaines
entreprises du secteur pharmaceutique en Belgique ; Secteur qui, rappelons-le, reste un acteur-clé de la recherche et
développement dans notre pays et un important pourvoyeur d’emploi. A cet égard, il n’est pas inutile de signaler que d'après
une enquête de Randstad auprès de 8.000 Belges, l'industrie pharmaceutique ressortirait comme l'employeur le plus attrayant.
Le malaise actuel, déjà latent depuis un certain temps, s’expliquerait principalement par la problématique de la taxe sur le
chiffre d’affaires que doivent payer les entreprises pharmaceutiques belges qui ont dénoncé une « véritable gifle » à leur
égard.
Selon « Pharma.be », les promesses faites n’auraient pas été tenues en continuant à taxer à près de 10% le chiffre
d’affaires des entreprises (pharma.be parle d’un montant de 193 millions EUR qui aurait dû être restitué1) et en affectant
la manne récoltée - qui jusqu’ici servait à rééquilibrer le budget médicament de la Sécu - au financement de la sécurité
sociale dans son ensemble. Le directeur de l’association des entreprises pharmaceutiques en Belgique assure même que
« toutes les entreprises belges seront dans le rouge cette année ».
Il ne me revient pas ici de me prononcer sur le fond d’un dossier relatif à un autre niveau de pouvoir. Je signalerai
cependant que les ministres Verhosfstadt et Demotte ont réagi à ces déclarations en rappelant la réduction depuis 2003 des
cotisations sociales à hauteur de 5 milliards EUR, notamment en faveur de la recherche ( 319 millions EUR), la fiscalité
favorable aux entreprises….(diminution ISOC, intérêts notionnels, etc…) et la décision de réduire graduellement à partir de
2007 la taxe sur le chiffre d’affaires de 1% par an.
Une rencontre a d’ailleurs été organisé avec le secteur à la mi-novembre. Suite à celle-ci, il a été notamment convenu que
l'exonération de 50pc du précompte professionnel pour l'engagement de chercheurs scientifiques liés à une institution
scientifique sera étendue aux docteurs en sciences et qu’une « plate-forme de concertation » associant le secteur
(Eli Lilly, UCB, Pfizer, Janssen, Glaxo, Pharma.be, FEB) et le gouvernement sera mise en place en vue de jeter les bases,
espérons-le, « d'une Pax pharmaceutica».
Je ne peux cependant manquer de m’inquiéter et de m’interroger sur le climat régnant actuellement dans un secteur pourtant
partie prenante du Plan Marshall qui – rappelons-le - a retenu parmi ses cinq pôles de compétitivité, le pôle « sciences du
vivant ». En effet, et bien qu’il s’agisse de relativiser de telles déclarations, certains ont été jusqu’à parler d’une
liste noire du secteur pharmaceutique sur laquelle figurerait la Belgique ! Monsieur le Ministre, au vu de l’importance
stratégique des entreprises concernées dans son tissu économique, vous ne pouvez rester indifférent à l’évolution de ce
dossier.
Dès lors, je désirerais, Monsieur le Ministre, vous poser les questions suivantes :
Estimez-vous les craintes du secteur pharmaceutique fondées ?
Avez-vous rencontré à la fois le ministre Demotte et les entreprises du secteur afin de cerner plus précisément les
tenants et aboutissants des remous actuels ?
Quelle analyse en retirez-vous ?
Pouvez-vous nous indiquer ce que représente le secteur pharmaceutique wallon en termes d’emplois, d’investissement et de
valeur ajoutée en Wallonie ?
Les entités fédérées seront-elles associés aux travaux de la « plate-forme de concertation » ?
Avez-vous fait une demande en ce sens au ministre de la Santé ?
Dans le cadre du Pôle de compétitivité « sciences du vivant » quelle mesure précise pourrait être envisagée envers
l’activité de l’industrie pharmaceutique en particulier ?
Réponse du Ministre J-C MARCOURT,
La décision de la firme pharmaceutique Pfizer a effectivement créé un certain émoi dans l’opinion publique et dans les
milieux économiques. Je voudrais néanmoins rappeler que tous les actes posés relèvent du Gouvernement fédéral.
Depuis 2003, celui-ci a pris de nombreuses mesures visant à soutenir la compétitivité de ces entreprises.
Entre 2003 et 2006, 1,5 milliard de réductions structurelles de charges sociales supplémentaires ont été concédés. Les
réductions structurelles de charges sociales atteignent actuellement 5 milliards d’euros. Toutes les entreprises bénéficient
de ces mesures.
Il faut également noter la politique d’exonération fiscale et parafiscale des primes à l’innovation ; des dispenses de
versements de 50% du précompte pour les entreprises qui investissent au moins 15% de leur chiffre d’affaires dans la
recherche et développement ; les déductions fiscales pour les investissements en recherche et développement ; et les
intérêts notionnels.
Cependant, toutes ces mesures ne doivent pas altérer l’accès à des soins de santé de qualité pour tous. Rappelons que le
Gouvernement fédéral se doit de maîtriser ces dépenses. Pour cette raison, des mesures ont été prises dans le cadre de la
loi « Santé ». Ces objectifs ont été rappelés aux principaux acteurs du secteur pharmaceutique lors d’une réunion avec le
Ministre Demotte. Par ailleurs, l’accord signé le 20 janvier 2004 avec Pharma.be stipulait que le Gouvernement s’engageait
à réaliser un budget « réaliste » pour les médicaments d’ici 2007 ; un objectif qui sera atteint dès 2006.
En outre, le Plan Marshall sera l’ultime bras de levier du développement de ces entreprises en Wallonie grâce à la création
d’un pôle de compétitivité des « sciences du vivant ».
Nous n’avons pas attendu ces remous pour travailler en concertation étroite avec le Ministre Demotte. Il sera nécessaire de
développer davantage de collaborations entre les différentes administrations, voire les agences concernées par le secteur
pharmaceutique.
Vu l’absence de données statistiques précises, il est difficile de répondre à la question de l’honorable Membre. En effet,
ce secteur se situe au carrefour de plusieurs activités industrielles (la chimie, la bio-chimie, la pharmacie voire le
phyto-sanitaire). De plus, le secteur n’est pas intégré au sein d’une grande fédération professionnelle. Dès lors, les
données sont très éparpillées.
On peut toutefois affirmer que le secteur de la « pharmacie-santé » est particulièrement bien représenté en Wallonie. On
note une concentration importante de grands groupes belges et internationaux. Sur la base de données provenant du
« répertoire de l’actionnariat des entreprises wallonnes » comparées avec les données de la Banque nationale de Belgique
compilées dans le logiciel Bel-First et compte tenu du chevauchement des activités, on peut déterminer que le secteur
génère 24.307 emplois et un chiffre d’affaires de 14,2 milliards d’euros, soit près de 10% du chiffre d’affaires réalisé
par l’ensemble des entreprises en Wallonie. Il contribue aux investissements internes de recherche et développement avec
près de 716 millions d’euros. Enfin, il crée une valeur ajoutée proche de 4 milliards d’euros.
Ces chiffres agrégés confirment les critères repris par le Professeur Henri Capron dans son approche des pôles de
compétitivité. En effet, le secteur « pharmacie-santé » se positionne en tête des critères d’analyse sélectionnés (emplois
directs et indirects, propension à l’exportation, effets multiplicateurs sur l’économie locale, dépôts de brevets,
participations aux programmes européens, potentiels de croissance et leaders mondiaux dans le secteur).
Dans le cadre du Plan Marshall, l’axe I prévoit de mettre en œuvre des pôles de compétitivité. Comme vous le savez, ceux-ci
sont définis comme la combinaison d’entreprises, d’organismes de formation et d’unités de recherche publiques et privées
engagées dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets communs au caractère innovant.
Ce partenariat s’organise autour d’un marché et d’un domaine technologique et scientifique et doit atteindre une masse
critique afin de devenir plus compétitif à l’échelle de l’Europe, voire du monde.
Le 30 août dernier, le Gouvernement wallon a déterminé 5 domaines pouvant être érigés en pôles de compétitivité. Il s’agit
des sciences du vivant, l’agro-industrie, le transport-logistique, le génie mécanique et l’aéronautique-spatiale.
Lors du Comité ministériel de décembre, je déposerai les propositions de mise en œuvre permettant de lancer l’appel à
propositions des pôles. À dater de la publication de l’appel à propositions (décembre 2005), les porteurs de projets auront
alors un délai de 3 mois pour soumettre leur dossier de candidature. Par la suite, un jury composé des autorités publiques
et d’experts régionaux et internationaux analysera les propositions. Sur la base de l’avis de ce jury, le Gouvernement
sélectionnera des projets dans le courant du mois de mai. Ceux-ci bénéficieront alors de l’apport financier régional.
À propos des sciences du vivant, je puis déjà vous dire que les principaux acteurs du secteur travaillent activement à la
mise en œuvre du pôle de compétitivité et ont lancé un grand appel à projets concrets. Il existe donc une forte probabilité
qu’une proposition soit soumise au Gouvernement et bénéficie d’un soutien financier de la Région wallonne.
Philippe Fontaine,
Je remercie le Ministre pour sa réponse détaillée. Les chiffres d’affaires et le nombre d’emplois générés par ce secteur
montrent son importance. Il y a donc lieu d’être attentif aux petits énervements qui pourraient surgir dans ce milieu.
Lorsque de telles annonces sont faites, même si elles n’ont pas lieu directement en Région wallonne, il faut s’assurer
qu’elles ne correspondent pas à un changement de mentalité. Nous devons donc rester très attentifs.