Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 17/05/05

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L’Incinérateur de l’ICDI à Pont-de-Loup...

Question orale de M. FONTAINE, Député Wallon à M. LUTGEN, Ministre de l’Agriculture, de la Ruralité et de l’Environnement et du Tourisme sur:
"L’Incinérateur de l’ICDI à Pont-de-Loup"


– Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
le 17 juillet 2003, le Gouvernement wallon, au terme d’une importante évaluation de la situation, et après de nombreuses discussions, adoptait une importante série de mesures relatives à la gestion des déchets ménagers.
Parmi ces décisions importantes, figurait une stratégie régionale en matière d’installations de traitement des déchets ménagers. Cette stratégie visait à assurer une valorisation maximale des déchets ménagers résiduels, réduisant ainsi la mise en CET aux seuls déchets ultimes. Elle visait également à avoir une gestion parcimonieuse des deniers publics en assurant à la fois un décloisonnement de certaines installations de traitement et en soutenant également, pour ce qui concerne les déchets industriels banals, un engagement du privé dans une nouvelle unité de valorisation énergétique à créer dans la région de Mons.

Une stratégie de financement avait également été définie et un audit financier avait été réalisé à cet effet, dont les conclusions, rendues en juin 2004, devaient permettre l’élaboration d’un nouveau décret relatif au financement des services de gestion de déchets.

Le changement de majorité, après les élections de juin 2004, a cependant quelque peu bouleversé la situation. Depuis maintenant près d’un an, c’est le flou le plus complet qui semble régner sur le devenir de la gestion des déchets. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à m’en inquiéter, puisqu’il y a une question de M. Wesphael sur le même sujet qui va suivre. Je souhaiterais ici évoquer la situation de l’incinérateur de Pont-de-Loup.

Dans le contexte de la décision du Gouvernement du 17 juillet 2003, une des mesures visait la réduction de la capacité de l’incinérateur de l’ICDI à Pont-de-Loup de 173.000 tonnes à 110.000 tonnes avec deux fours au lieu de trois. Cette décision se justifiait par la vétusté de l’outil, par sa mauvaise localisation – je vous invite à aller voir, c’est en plein village et c’est dans une vallée – par son lourd passif environnemental qui avait défrayé la chronique à la fin des années nonante avec, en particulier, des émissions importantes de dioxines.

Votre prédécesseur avait en conséquence pris la décision de fermer le four n° 1.
Il est utile de rappeler, dans ce dossier, que le conseil d’administration et le président de l’ICDI avaient programmé, avant même le feu vert des autorités régionales, un investissement visant à réhabiliter le four n° 2, mettant ainsi les autorités régionales devant le fait accompli.

Pourtant, au vu de l’âge et des investissements encore à consentir à Pont-de-Loup, l’objectif du précédent Gouvernement était bien, à terme, l’abandon de ce site pour une nouvelle unité plus performante, moins polluante et mieux située. L’ensemble du Gouvernement avait alors marqué son accord sur cette option.

Il me revient cependant que la COPIDEC, à laquelle vous avez demandé de vous fournir un plan stratégique pour la gestion des déchets ménagers, souhaiterait réorienter une partie du flux de déchets d’INTERSUD vers l’ICDI et revoir à la hausse la capacité de cet incinérateur. Outre l’investissement déjà réalisé sur le four n° 2, un nouvel investissement pour un nouveau four n° 3 devrait être opéré.

La capacité ne serait plus limitée à 110.000 tonnes comme prévu par le Gouvernement précédent, mais portée à 140.000 tonnes.
Confirmez-vous, Monsieur le Ministre, cette nouvelle orientation ? Avez-vous déjà remis votre accord pour celle-ci ? Quel en serait le coût tant pour la Région que pour les communes partenaires de l’ICDI ? Allez-vous dès lors pérenniser l’activité sur le site de Pont-de-Loup et l’accroître en remettant en cause la décision du 17 juillet 2003 ? Les riverains ont-ils été informés de cette option ? Le comité d’accompagnement qui doit être convoqué et présidé par l’un de vos représentants a-t-il été réuni et a-t-il eu l’occasion d’évoquer cette proposition ?

Dès lors qu’un projet de nouvelle unité de valorisation énergétique est à nouveau proposé à Mons, dans le cadre d’un partenariat public-privé, ne serait-il pas préférable de maintenir la limitation de la capacité de l’unité de Pont-de-Loup à 110.000 tonnes et de diriger le reste des déchets ménagers vers cette nouvelle unité ?
Réponse du Ministre M. LUTGEN,
– Monsieur le Président,
Monsieur le Député,
je vous remercie vraiment pour cette question qui va permettre de remettre un peu les points sur les i.

Vous rappelez très justement qu’en juillet 2003, le Gouvernement wallon dévoilait son plan des déchets après quatre ans d’études diverses, de silences et de flous, pour utiliser votre expression.

Cela me laisse donc encore trois ans pour faire aussi bien que mon prédécesseur mais soyez rassuré, je ne compte pas prendre autant de temps pour prendre des décisions en la matière et surtout financer des plans d’intention, notamment celui de juin 2003 auquel je faisais référence.

Je voudrais d’abord rappeler un constat fondamental dans cette épineuse problématique des déchets. La gestion des déchets était historiquement de compétence communale et puis, par délégation, elle a été progressivement prise en mains par les intercommunales qui exercent cette activité maintenant depuis près de 30 ans pour la plupart. C’est à elles que revient la responsabilité de traiter au jour le jour les quantités de déchets produits par la population et par là même, de choisir la filière qui assure cette évacuation journalière et ce, bien sûr, dans le respect des normes environnementales qui sont, reconnaissons-le, de plus en plus strictes et tant mieux.

J’ai pu constater un certain délabrement, une paralysie du secteur en la matière, puisqu’il n’y avait pas eu de décision. En plus, le plan qui avait été déposé souffrait cruellement, et vous le reconnaîtrez, de réalisme économique, ce qui se traduit par l’abandon d’un maillon majeur de l’édifice, le projet du PEMH de Mons, comme vous devez le savoir.

Plus grave, contrairement à ce que vous prétendez, mon prédécesseur a quitté le navire sans le moindre euro pour financer la politique des déchets ménagers. Zéro ! Sachant que cela allait coûter 3 à 400 millions d’euros en juin 2003.

J’ai donc mis à profit les neuf premiers mois, le temps d’une grossesse comme disait M. Borsus tout à l’heure, pour reconstruire les bases d’une politique que je souhaite la plus dynamique possible, qui est axée sur la responsabilisation accrue des acteurs en place et plus transparente pour les élus locaux, la population et l’ensemble des opérateurs de terrain.

Pour répondre plus précisément à vos questions, il ne m’appartient pas aujourd’hui d’arbitrer des projets à caractère industriel comme dans une économie dirigiste. J’ai par contre à contrôler que les conditions environnementales réunies autour d’un outil de traitement procurent des garanties indispensables à la population quant à la préservation de sa santé, la protection de l’environnement, dans son ensemble, pour l’ensemble des citoyens des régions concernées.

Il est également de ma responsabilité de trouver les moyens financiers pour que le traitement des déchets assuré par les intercommunales puisse se faire avec les meilleures techniques pour le résultat escompté dans des conditions et à des coûts comparables pour tous les citoyens wallons où qu’ils se trouvent sur le territoire.

Il ne m’appartient donc pas de décider des capacités de traitement dans l’un ou l’autre centre de Wallonie, mais d’apporter une solution globale en favorisant la complémentarité que les intercommunales ne manqueront pas de saisir pour arriver à réduire les coûts. Le plan des investissements sera donc bien revu, comme le prévoit la DPR, à la lueur de quelques compléments d’investigation en cours.

Via la COPIDEC, la région de Charleroi ne manquera pas de faire part au Gouvernement de l’ensemble de ses intentions et pour compléter votre information, je vous signale qu’à ce jour, aucun dossier relatif à un incinérateur dans la région de Mons ne m’a été déposé, ni par un acteur privé, ni par un acteur public. Je ne nie pas pour autant avoir été informé d’une intention dans ce sens, puisque j’ai pu m’exprimer là-dessus, mais c’est par rapport à des informations qui me sont parvenues par d’autres biais.

Je voudrais simplement ajouter une chose. Dans tout le développement et dans tout le choix de la gestion des déchets, le premier élément qui ne se retrouvait pas non plus de façon dynamique – et je suis très content que nos amis d’Écolo soient là – c’est tout le plan de prévention. Que faisons-nous pour la prévention ?

Deuxièmement, c’est l’étude réelle de faisabilité et de coût pour les citoyens où qu’ils se trouvent en Région wallonne.

Troisièmement, par rapport aux unités de traitement, c’est le réel bilan environnemental de chaque unité de traitement, le réel bilan environnemental et pas des espèces d’idées préconçues en la matière.

Quatrièmement, c’est de faire en sorte, par rapport à un plan, quel qu’il soit, que les intercommunales travaillent davantage ensemble, qu’on puisse organiser le flux des déchets, de respecter les échéances telles que celle de 2010, par rapport aux déchets ultimes qui ne pourront plus que se retrouver en CET, et donc, avec une augmentation de toute façon prévue de l’ensemble du gisement des déchets et de la gestion de ceux-ci, sans tomber dans le travers des surcapacités de traitement où on serait obligé de saturer les outils et de produire de plus en plus de déchets pour rentabiliser, pour trouver en tout cas un certain équilibre au niveau budgétaire, au niveau financier.

Tous ces éléments-là et tous ces principes-là ne se retrouvaient pas dans le plan déposé par mon prédécesseur en juin 2003. S’ils s’étaient retrouvés en juin 2003 dans le plan d’intention qui avait été approuvé par le Gouvernement wallon, ce plan serait opérationnel aujourd’hui et nous ne serions pas en train de discuter, on n’aurait pas perdu neuf mois de plus, par rapport à l’ensemble de la problématique.

C’est parce qu’ils ne s’y retrouvaient pas, notamment sur le plan financier, et pas uniquement, qu’aujourd’hui, malheureusement, nous sommes encore dans l’attente.

Mais je peux vous garantir que dans les prochaines semaines, les prochains mois au plus tard, l’ensemble du plan, en ce compris la partie prévention qui n’existait pas, sera repris et sera déposé.

Réplique de Philippe Fontaine,
Je regrette, Monsieur le Ministre, j’ai entendu surtout une critique de la politique du Gouvernement précédent. Vos partenaires au Gouvernement qui ont agi de manière très ferme pour qu’on ne puisse peut-être pas aller jusqu’où on voulait aller en matière de traitement des déchets apprécieront.

Parce que, finalement, c’était un plan de l’ensemble du Gouvernement et pas simplement un plan de votre prédécesseur.

Je n’ai pas entendu non plus de réponses à mes questions précises en ce qui concerne l’ICDI, parce que l’inquiétude, là-bas, elle est très grande. Vous dites que c’est la responsabilité des intercommunales, soit, mais vous avez à donner une autorisation.

Je vous ai posé la question de savoir si, effectivement, la capacité pourrait être portée à 140.000 tonnes.
Je n’ai pas reçu de réponse. Or, actuellement, dans le Plan wallon des déchets tel qu’il est en vigueur, ce n’est pas possible.

Par ailleurs, vous nous dites ne pas avoir d’information concernant le projet de Mons. Écoutez, vous n’avez pas encore de dossier déposé, mais c’est un peu facile de refuser de donner un avis sur un dossier comme celui-là alors qu’il est partout dans la presse et que pas plus tard qu’hier, à l’IDEA, ce dossier a été évoqué, et la grande crainte qu’on a, c’est de voir arriver une décision de votre cabinet, allant en faveur d’une augmentation des capacités d’IPALLE pour permettre – et vous venez d’en parler – une surcapacité.

J’espère dès lors que vous en tiendrez compte lorsque les décisions arriveront chez vous parce que le nouveau projet a le gros avantage de permettre d’incinérer uniquement ce qui est à haute valeur calorifique, ce qui n’est pas du tout le cas à IPALLE.

Donc, ce projet est plus intéressant et il est plus intéressant aussi en coût pour les communes de la zone ITRADEC et j’espère, Monsieur le Ministre, que Lutgen II ne détruira pas ce qui était un des projets essentiels de Lutgen I en ce qui concerne la biométhanisation et que vous permettrez, de manière objective que ce dossier puisse aboutir et puisse prouver que c’était un bon dossier et que, finalement, votre père avait eu raison.