Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 19/04/05

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Laminoirs de LONGTAIN, Manage Steel Center...

Question orale de M. le Député Philippe FONTAINE à Monsieur le Ministre J-C MARCOURT sur:
« Les inquiétudes quant à l’avenir du site des laminoirs de LONGTAIN et la situation de Manage Steel Center et Longtain Inox »


– Monsieur le Ministre, c’est en tant qu’administrateur de la Communauté urbaine du Centre, mais aussi en tant qu’élu de la commune de Manage, que je vous interpelle aujourd’hui, tant sur les «laminoirs de Longtain», comme mon Collègue, Maurice Bayenet, que sur la situation de Manage Steel Center et de Longtain Inox dans la Région du Centre. Ces deux entreprises ayant aussi quelques problèmes.
En octobre dernier, Monsieur le Ministre, je vous avais interpellé et ce n’était d’ailleurs pas la seule interpellation sur le sujet, je pense que je suis déjà revenu sur le dossier de Longtain sous la précédente législature, au moins quatre ou cinq fois. Je vous avais interpellé sur les inquiétudes qui pesaient sur l’avenir des «laminoirs de Longtain». Votre réponse à l’époque s’était voulue confiante et rassurante. L’actualité récente m’oblige pourtant, malheureusement, à revenir sur ce dossier. En effet, les rumeurs que j’évoquais quant à la volonté du tubiste espagnol de renforcer ses unités lorraines au détriment des laminoirs de Longtain sont aujourd’hui appuyées par des éléments objectifs qui ne peuvent que nous inquiéter davantage. Ainsi, depuis la prise en main par Condessa, Longtain qui a connu, fin 2004, une restructuration ayant coûté 40 emplois, s’est vu restreindre son périmètre «clientèle», décapiter son service commercial et a été contrainte à s’approvisionner à des coûts importants, alors que Duferco pourrait être un fournisseur intéressant, puisqu’il est situé pratiquement à côté, ce qui ne manque pas de se répercuter sur les prix, donc sur la position concurrentielle de l’entreprise.

Preuve de l’aggravation, la situation financière qui avait retrouvé une certaine vigueur s’est considérablement dégradée avec trois premiers mois catastrophiques en 2005. Dès lors, il n’est pas insensé de croire qu’il s’agit d’une baisse artificielle de la production. De plus, contrairement aux sites de Lorraine, aucun investissement important n’a été réalisé. Tout semble fait pour que les points faibles identifiés lors de la reprise (situation financière, délais de fabrication trop longs, manque de cash-flow et coûts de transformation élevés) soient davantage accentués.

On ne s’étonnera donc pas qu’aujourd’hui, que les organisations syndicales craignent une stratégie visant à la mort programmée du site de Longtain qui, rappelons-le, occupe toujours 105 personnes dans une région où l’emploi est tout sauf abondant, comme le rappelait d’ailleurs mon Collègue à l’instant. L’attitude attentiste que vous avez défendue jusqu’ici doit à mon avis cesser. La Région ne peut se permettre de se voir bafouée et la Région du Centre ne peut se permettre un nouveau drame social d’autant plus que la situation des sites de Manage Steel Center, tout proche, et de Longtain Inox ne sont pas non plus sans poser quelques inquiétudes.

Dès lors, Monsieur le Ministre, je voudrais vous poser les questions suivantes.
Selon la presse, vous deviez rencontrer les syndicats – je sais que votre Cabinet l’a fait – mais je ne sais pas si vous les avez rencontrés ? Quels éléments avez-vous retiré de votre rencontre ? Que comptez- vous mettre en œuvre pour apaiser les craintes légitimes des travailleurs?

Lors de la séance du 6 octobre, vous m’aviez affirmé que la Sogepa suivrait de très près l’évolution de ce dossier. Quelle analyse la Sogepa fait-elle de la situation ? Quels étaient les termes de l’accord, si accord il y a eu, entre Condessa et la Sogepa qui ont conditionné le nihil obstat ? Il semblerait que des investissements soient prévus pour 800.000 euros. Confirmez-vous cette information? Dans le même temps, confirmez-vous la volonté de Condessa de récupérer une avance sur fonds de roulement de 4 millions d’euros ces prochaines semaines, obligeant ainsi Longtain à financer ses investissements par des fonds propres? Avez-vous des contacts avec Condessa afin d’évaluer les possibilités de développement de ce site au sein du groupe espagnol ?
La piste de la reprise du site par un autre repreneur est-elle ou peut-elle être envisagée puisqu’il y avait, à l’époque où Condessa a repris l’entreprise, un autre candidat qui était un groupe d’origine turque? Concernant Manage Steel Center, disposez-vous maintenant d’éléments nouveaux depuis ma question d’octobre dernier? Il m’est revenu en effet que Bombardier ne respectait pas ses engagements et notamment ne versait pas les compensations qu’il devait verser suite à une baisse de commandes importantes. Et si tel le cas, que compte faire la Région wallonne ?

Enfin, disposez-vous d’informations sur la situation actuelle de Longtain Inox qui, elle aussi, ne manque pas de susciter quelques inquiétudes.

Réponse du Ministre J-C MARCOURT,
– Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
le dossier des «laminoirs de Longtain» effectivement présente des caractéristiques qui ont légitimement inquiété les travailleurs puisqu’ils ont constaté qu’en Lorraine, un certain nombre d’investissements étaient réalisés, que la production du deuxième semestre 2004 atteignait 18.000 tonnes seulement et qu’il y avait effectivement des modifications de comportement en ce qui concerne la trésorerie.
Alors, qu’avons-nous fait ?
Effectivement, mon Cabinet a rencontré les travailleurs. Une réunion est prévue pour que j’aie un entretien personnel avec eux, mais le calendrier ne m’a pas permis d’être présent, lors de la première réunion.
En outre, nous avons – je le confirme – demandé à la Sogepa de suivre ce dossier qui est important pour la Région.
Enfin, j’ai eu des contacts directs avec Condessa et les dirigeants de Condessa.

Alors, en ce qui concerne le problème des investissements en Lorraine, il faut savoir que Condessa est propriétaire de plusieurs unités en Lorraine et qu’ils ont restructuré leur pôle d’activités en Lorraine conduisant à un certain nombre de fermetures et de réinvestissements dans le cadre de cet investissement. Il est indiqué – je le prends pour un fait annoncé par la direction – qu’il n’y a pas de relation entre les deux.
2. Il y a une volonté de maintenir la production aux «laminoirs de Longtain» au niveau voulu qui est normalement de 80.000 tonnes par an pour rester dans les critères de rentabilité. La volonté de Condessa n’étant pas seulement de prendre la réserve qu’ils font, tout en indiquant que pour l’année 2005 il y aura une amélioration substantielle, puisque 18.000 tonnes sur un semestre, ça veut dire qu’il en manque 22.000 pour atteindre 40.000 (par l’arithmétique est compréhensible).

La restriction que Condessa fait, c’est qu’ils ne veulent pas prendre de commandes à perte ou de mauvaise qualité. Ça, on peut effectivement se dire que, économiquement, il y a une certaine logique. Ils s’engagent néanmoins à remonter le carnet de commandes de manière significative.

3. Il y a la volonté effectivement de changer la politique qui était celle d’Arcelor. Arcelor avait une gestion centralisée du cash donc ils faisaient un cash pooling. Ce qui voulait dire qu’ils faisaient, à l’intérieur de ce cash pooling, entre leurs filiales, des avances de trésorerie et Condessa considère que chaque entité doit être self supporting. Donc il y a une politique financière différente. Nous avons obtenu néanmoins – et je ne sais si c’est une concession de leur part ou si c’était une volonté réelle préexistante – que Condessa puisse assister les «laminoirs de Longtain» dans la mesure où cette ouverture de crédit auprès du secteur bancaire pourrait avoir deux effets :
le premier, c’est évidemment de dégrader éventuellement la situation financière à tracer avec leur entreprise ;
le deuxième effet pouvant être une restriction d’un certain nombre de lignes de crédit pour faire autre chose, puisque si vous les utilisez pour financer votre fonds de roulement, vous ne l’avez plus pour financer éventuellement d’autres éléments.

Quatrième élément que nous avons abordé, la politique commerciale.

Condessa a une politique commerciale intégrée. Ce qui pouvait faire craindre que les «laminoirs de Longtain» ne soient plus qu’un atelier de fabrication dépourvu d’une capacité de trouver des clients et donc être dépendant de la répartition de clientèle en fonction du bon vouloir des commerciaux. Il a été indiqué qu’il y aurait une autonomie donnée aux «laminoirs de Longtain» avec la volonté de spécialiser en partie, donc il y aurait une mutualisation entre les différents éléments, mais une spécialisation par entreprise de manière à leur garantir des clients – quand je dis spécialisation, c’est sur des espaces géographiques permettant d’assurer mieux l’avenir des «laminoirs de Longtain» –.

Nous continuons à avoir des contacts réguliers avec les «laminoirs de Longtain» et, avec Condessa plus exactement, et donc je suis cette situation.
Nous aurons des contacts avec les travailleurs et la direction, a posteriori.

Il y a un Conseil d’entreprise où le patron de Condessa viendra personnellement en Belgique pour s’expliquer avec les travailleurs et donc j’aurai encore l’occasion de suivre ce dossier et, le cas échéant, de vous en faire rapport, si vous le souhaitez.

Pour les deux autres dossiers, Manage Steel Center. Effectivement, nous avons des difficultés avec Bombardier. Autant il avait été possible, jusqu’en 2003, de voir Bombardier respecter les engagements, autant aujourd’hui il y a un certain nombre de difficultés.
Des négociations sont toujours en cours aujourd’hui, mais effectivement, il y a une difficulté réelle sur l’exécution de l’accord qui avait été pris lors de la fermeture de Bombardier à Manage.
Je dirais que des compensations, non pas par Bombardier, mais par Duferco, jouent de manière à maintenir une activité. Mais je dois reconnaître que, au jour d’aujourd’hui, nous n’avons pas finalisé ces négociations qui ne sont pas faciles et nous devrons à un moment donné, effectivement, examiner la réalité de la situation.

Dernier point sur l’inox. À cet égard, je dirais, je n’ai pas d’informations particulières. En tout cas, il y avait une rumeur qui courait sur le désengagement de Longtain Inox et de faire en sorte que les travailleurs soient renvoyés sur Car Inox. Je tiens à dire que personnellement ces rumeurs ne m’ont pas été confirmées et que j’ai reçu des dénégations à cet égard.
M. Fontaine (MR). – Je remercie M. le Ministre pour ses réponses et pour le détail des contacts qu’il a eu avec Condessa.
J’enregistre – comme vous l’avez fait – un certain nombre de promesses ou d’affirmations faites par l’entreprise, mais évidemment on sait bien que, dans ce type de dossier, on a une tendance, souvent, à ne dire qu’une partie de la vérité. Vous n’y pouvez rien, moi non plus. Nous ne pouvons que prendre acte d’un certain nombre d’engagements, mais je suis persuadé que, malheureusement, on devra sans doute y revenir et que, si on ne redonne pas une réelle autonomie, notamment commerciale, à l’entreprise, pour moi, elle est condamnée à terme. Parce que, dans ce que vous avez dit, on a parlé du fait que Condessa ne voulait pas amener des commandes à pertes ou de mauvaise qualité. Quand j’entends parler de mauvaise qualité, j’ai un peu peur que ce soit un des motifs utilisé dans le futur alors que jusqu’à présent tout le monde avait reconnu la très grande qualité des produits de Longtain. Vous ne m’avez pas répondu non plus sur l’importance du périmètre qui était celui de Longtain jusqu’à présent et que, semble-t-il, Condessa a diminué.

Je crois qu’il faut rester attentif là-dessus parce que, si on spécialise trop, qu’on dit après que les produits sont de mauvaise qualité, qu’on réduit le périmètre et que l’autonomie commerciale est quasi nulle. Et bien, c’est la chronique d’une mort annoncée, ce que je ne souhaite pas et que je sais que vous ne souhaitez pas non plus. Je crois qu’il faut rester particulièrement attentif dans ce dossier.

En ce qui concerne Manage Steel Center, je crois que, là aussi, il faut être particulièrement attentif parce que, finalement, si Bombardier ne respecte pas ses engagements, c’est en prétendant que leur chiffre d’affaires, en ce qui concerne le ferroviaire, est en baisse – si je ne me trompe – de 50 %, mais – si j’ai bon souvenir – c’était la même argumentation qu’ils avaient utilisée à l’époque où ils se dégageaient de l’entreprise elle-même et où, effectivement, Duferco est venu au secours et a permis le sauvetage de l’entreprise.

Il ne faudrait pas, aujourd’hui, que l’entreprise Bombardier parvient finalement à se tirer d’affaires en ne respectant pas les accords. Parce que les accords qui ont été conclus, c’est ce qui permettait quand même à Bombardier de s’en sortir de manière relativement élégante. Cela a été très dur, à l’époque.

Maintenant, ils essayent tout simplement – me semble-t-il – de ne pas respecter les accords qu’ils avaient signés. Ils ont peut-être peur aussi que cela leur coûte finalement plus cher puisqu’ils n’amènent plus les commandes nécessaires. Cela leur coûte plus cher que s’ils avaient accepté les premières propositions qui étaient faites, à l’époque.
Mais cela, ils ont joué, ils perdent. C’est un peu dommage, mais c’est une entreprise, c’est une multinationale. Ils doivent connaître la loi du marché. À partir du moment où ils ont pris un engagement, ils doivent le respecter.

Ma crainte, c’est que les quelques dizaines de travailleurs, qui sont encore utilisés dans ce secteur-là, ne se voient privés relativement vite de leur emploi et qu’il n’y ait pas de possibilité de compensations dans l’autre partie de l’entreprise qui, elle, tourne apparemment bien grâce, notamment, à Duferco.

Je vous demande, Monsieur le Ministre, de rester particulièrement attentif sur cette affaire et de continuer à mener ces négociations avec la fermeté suffisante.

Je prends acte des déclarations que vous venez de nous faire sur Longtain-Inox. Vous dégonflez un peu, vous abattez un canard qui réapparaît de temps en temps.
M. Marcourt, – Simplement, un mot, quand je parlais de commandes de mauvaise qualité, ce n’était pas la qualité de sortie du produit, mais bien la qualité de la commande. Je ne tiens pas du tout, je voudrais quand même éviter qu’il y ait une confusion et qu’on dise que des travailleurs et l’unité de production produisent des choses de mauvaise qualité. Je pense que l’équivoque méritait d’être levée.
Pour le surplus, il faut maintenant suivre le dossier, il y a un certain nombre d’éléments qui ont été annoncés. Je suis comme vous. On peut mettre les indices, les cumuler. C’est soit une coïncidence malheureuse, soit un plan, mais je dirais à nous de suivre cela. En fonction de l’évolution des choses, je dirais: «Nous prendrons un certain nombre d’initiatives».