|
|
-
|
L’inquiétant inventaire du surendettement des wallons
|
Question orale de Philippe FONTAINE, Député wallon, Président du Groupe MR au Parlement wallon à Monsieur
Thierry DETIENNE, Ministre des Affaires sociales et de la Santé concernant
« L’inquiétant inventaire du surendettement des wallons ».
Il y a quelques jours, la presse a fait écho, des conclusions du rapport d’évaluation de l’Observatoire du crédit et de
l’endettement pour l’année 2003.
Ses conclusions sont très inquiétantes voire dramatiques.
Les dettes bancaires représentent 45,6 % de l’endettement total des ménages wallons surendettés.
Mais l’observatoire note que le nombre de personnes qui ne peuvent honorer leurs crédits bancaires a tendance à fléchir
tant en ce qui concerne le crédit à la consommation que pour le crédit hypothécaire.
Bien que beaucoup reste à faire en la matière, ce constat est la seule bonne nouvelle de cette étude.
Car, en revanche, les dettes non bancaires sont considérablement en hausse (défaut de paiement des factures médicales, des
loyers, des notes de téléphone…).
Non seulement le nombre de ménages surendettés confrontés à une dette de ce genre est en augmentation passant de 80 % en
1995 à 90 % en 2003 mais en plus, le montant des dettes s’est également fortement accru : passant de 4189 euros en 1995 à
5630 euros en 2003 soit une augmentation de plus de 34 % !
Le plus inquiétant, me semble-t-il, est l’évolution des dettes relatives aux soins de santé : en 1995, un quart des ménages
éprouvait déjà des difficultés à honorer leurs factures médicales, en 2003, c’est un ménage sur deux qui est confronté à
cette situation dramatique !!
De plus, le montant de la dette moyenne est passé de 836 à 1045 euros sur la même période soit une augmentation de 25 % !
Les loyers ne sont pas en reste, elles touchent à présent 23 % des ménages, soit une augmentation de 44 %.
Il suffit de connaître le nombre de demandes de logements sociaux qui restent insatisfaites en Wallonie pour ne pas s’en
étonner.
Ces 30 à 40.000 personnes, bien qu’étant dans les conditions pour entrer dans le logement social ne s’en voient pas
attribuer une faute de logements disponibles.
Ils sont alors obliger de louer dans le privé, à des montants qui – bien que raisonnable en moyenne par rapport à d’autres
pays ou région – sont toujours supérieur aux loyers sociaux !
Je ne reviendrai pas ici sur l’importance d’étudier la possibilité de mettre ne place un chèque-logement pour ces personnes
comme je l’ai imaginé dans une proposition de décret.
Les notes de téléphone ont, elles, véritablement explosé, l’apparition et le grand succès du GSM et de l’Internet y sont
pour beaucoup.
De 353 euros en 1995, on arrive en moyenne à 746 euros soit plus de 111 % d’augmentation !
Comment expliquer cette tendance à la hausse qui semble inexorable ?
Les politiques menées via les écoles de consommateurs pour l’aspect préventif du surendettement atteignent-elles réellement
leur but ?
Avez-vous réalisé une évaluation de l’adéquation de leur travail en regard des besoins de leur public cible ?
Dans l’affirmative, pouvez-vous nous en décrire les résultats ?
µ
Dans la négative, comptez-vous en réaliser une et quand ?
Les mesures ou structures préventives du surendettement ont-elles une visibilité suffisante pour leur public ?
Sont-elles bien perçues par ce public ?
Comment se déroulent les éventuelles collaborations avec les services sociaux (CPAS…) ?
Ne faudrait-il pas songer à obliger certaines personnes à suivre les séances de ces écoles ?
La mise en place d’une centrale positive des crédits, dont un des objectifs est de permettre aux prêteurs de connaître
de manière aussi complète que possible la situation financière de leurs clients devant permettre une meilleure évaluation
de la solvabilité des candidats-emprunteurs, constitue une avancée dans la bonne direction pour éviter le surendettement.
Qu’en pensez-vous ?
Je pense que le développement d’initiatives de crédit à taux réduits doit être généralisé et amplifié.
Certaines provinces ont une politique volontariste en la matière.
La Région wallonne, pour sa part, a lancé en septembre 2003 un projet pilote, le « prêt social 5/5 ».
Elle y a consacré un montant de 375.000 euros.
Via l’ASBL Osiris-crédal et en collaboration avec la banque de la Poste, il permet aux personnes précarisées d’avoir
accès à une formule de crédit dont le taux (5,25 et 4,25 %) et le montant (de 500 à 7500 euros en trois ans) sont adaptés
à leur situation et en lien avec un projet spécifique (réparation d’une toiture, achat d’une machine à laver…).
Un accompagnement social est également prévu tout au long du prêt.
Ce genre d’initiative permet à certaines personnes d’accéder au prêt à la consommation sans être confrontés à des taux
souvent très élevés et à des mensualités dépassant leur capacité financière.
Cette expérience se déroulera jusqu’en fin 2004.
Une première évaluation se déroulera durant le mois de mars et devrait permettre de dégager les pistes d’une
généralisation de l’outil.
Comptez-vous mettre en place d’autres structures préventives du surendettement ?
Je terminerai en vous demandant quels contacts vous avez eu avec les autres niveaux de pouvoirs ou avec d’autres
interlocuteurs pour mener une politique coordonnée réellement efficace en matière de surendettement tant préventivement,
qu’en ce qui concerne la médiation de dettes ou l’aspect « curatif » de cette problématique ?
Réponse du Ministre Thierry DETIENNE,
Vous avez lu avec attention le rapport de l'Observatoire du Crédit et de l'Endettement ce dont je ne peux que me réjouir
tant ce rapport est de qualité et dresse avec minutie le tableau de la situation actuelle du surendettement en Région
wallonne.
Les informations retirées des conclusions du rapport de l'Observatoire du Crédit et de l'Endettement rappelées dans votre
question peuvent se résumer de la manière suivante
- diminution des dettes bancaires,
- augmentation des dettes non bancaires et plus particulièrement des dettes relatives aux soins de santé, aux loyers
et aux notes de téléphone.
La mise en place de la centrale positive des crédits a certainement eu une incidence non négligeable sur la diminution des
dettes bancaires.
Je dois bien reconnaître qu'elle a toute son utilité pour les banques et autres organismes prêteurs et qu'elle est un
outil pertinent de prévention et de lutte contre le surendettement.
Toutefois, cet outil préventif ne peut, et l'analyse des données présentées dans le rapport de l'Observatoire du Crédit et
de l'Endettement le confirme, être efficace que s'il s'associe à d'autres dispositifs préventifs et curatifs.
Pour rappel, les Ecoles de Consommateurs n'entrent cette année que dans leur troisième année de fonctionnement.
Je suis persuadé, preuve en est de la qualité des débats que j'ai pu mener avec des animateurs et participants à l'occasion
de la journée de la consommation, que les Ecoles de Consommateurs remplissent pleinement leurs objectifs de prévention
A l'occasion de cette journée j'ai pu me rendre compte, non seulement de la richesse des débats menés au sein des
différentes écoles, mais également et surtout de l'intégration d'une réflexion critique des participants sur la
consommation qui a fait passer ces derniers d'une position passive à une position de consom-acteur.
Je profite des questions posées sur les Ecoles de Consommateurs pour vous rappeler qu'elles sont soutenues au niveau de
leur pédagogie et de leur méthodologie par les Centres de Référence en médiation de dettes et que ces derniers veillent
à ce que les thèmes abordés par les animateurs restent bien dans la problématique de la consommation.
De même, annuellement, l'Observatoire du Crédit et de l'Endettement inventorie les thèmes abordés, les outils d'animation
créés et récolte un maximum d'informations sur leurs actions.
Vous me demandez si j'ai réalisé une évaluation de l'adéquation du travail des animateurs en regard des besoins du public
cible.
Permettez-moi d'insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'imposer un programme dans les Ecoles de Consommateur mais bien
que chaque Ecole en construise un en fonction des besoins de son public.
Estimer l'adéquation du travail des animateurs avec les besoins n'a donc de sens qu'au regard des techniques d'animation
utilisées et non en fonction des thèmes évoqués dans le groupe.
A titre d'information, des
journées d'intervisions sont réalisées par Province par les Centre de Références afin d'aborder entre les animateurs des
questions sur leur pratique.
Il est toujours difficile de donner une visibilité à des outils qui par essence doivent, pour l'action curative en matière
de surendettement, être discrets et respectueux du vécu des personnes en difficultés.
Depuis maintenant plus d'une semaine je mène en collaboration avec le numéro vert de la Région wallonne une vaste campagne
de sensibilisation sur la Consommation.
« Demandez à Raymond »- tel est le nom de cette campagne - aborde sous forme de prospectus, d'affiches et de spots radio,
la présentation de services ou projets tels que les services de médiation de dettes, les Ecoles de Consommateurs et le
Prêt 5 sur 5.
Cette campagne devrait permettre au public concerné par cette problématique d'avoir une meilleure perception des outils et
services présents sur le terrain.
Lors d'une de vos précédentes interpellations sur le sujet je vous apportais déjà une série d'informations quantitatives et
qualitatives sur les Ecoles de Consommateurs.
Je vous signalais entre autres à cette occasion que l'Ecole de Consommateurs est un dispositif qui fonctionne sur la
participation libre des usagers, sans obligation contraignante aucune.
Néanmoins, il est demandé aux usagers de s'engager dans le groupe qu'ils rejoignent car les réflexions collectives et
les actions développées reposent sur un vécu de groupe.
Il ne peut donc y avoir obligation de participation.
La personne contrainte risque même d'handicaper l'animation et de ne pas permettre l'expression, dans un climat serein,
des avis et suggestions des autres participants.
Je vous signalais également que les Centres de Référence en médiation de dettes, dans le cadre de leurs missions relatives
à l'organisation de la prévention du surendettement ont été chargés de l'encadrement des Ecoles de Consommateurs ce qui
englobait les aspects suivants
- accompagnement individuel de chaque école,
- stimulation et appui pour la construction de partenariats locaux autour de chaque école,
- contribution à l'évaluation du projet de chaque école au terme de l'année,
- contribution à la définition de l'avenir de l'Ecole de Consommateurs.
Vous mettez également en évidence dans votre question l'expérience pilote du prêt 5/5.
Je suis tout comme vous persuadé que cette expérience doit être généralisée et qu'elle constitue pour un public fragile
financièrement une solution très intéressante pour éviter la spirale du surendettement tout en répondant à leurs besoins.
Pour conclure, les collaborations avec les autres niveaux de pouvoirs sur cette matière sont loin d'être évidentes.
En effet, le Fédéral mène sans aucun concertation des entités fédérées des actions dans cette matière.
Dans le meilleur des cas elles sont complémentaires, dans le pire des cas elles sont contradictoires avec les dispositifs
que je défends au niveau de la Région.