Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 17/03/04

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La disparition d’œuvres d’art acquises par la Région wallonne...

Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, Président du Groupe MR au Parlement wallon à Jean-Claude Van Cauwenberghe, Ministre-Président du Gouvernement de la Région Wallonne concernant :
« La disparition d’œuvres d’art acquises par la Région wallonne »


Dans son 15ème Cahier d’observations adressé au Parlement wallon, la Cour des comptes fait état de la gestion patrimoniale des œuvres d’art acquises par le Gouvernement wallon dans le cadre de la politique de financement d’acquisition d’œuvres d’art mise en place depuis 1987.
Destinée à servir de soutien à la création artistique wallonne, cette politique permet aux pouvoirs publics d’acheter des œuvres d’art de jeunes artistes prometteurs ou de reconnaître par là le talent d’artistes confirmés.
La Région s’est ainsi constituée, en près de 20 ans, un patrimoine riche de quelques 250 œuvres d’art , ce qui représente une valeur d’acquisition de près d’un million d’euros.
Ces œuvres d’art, financées par des fonds publics, viennent généralement agrémenter des lieux publics, mais aussi les cabinets ministériels et les administrations.
Ainsi disséminées aux quatre coins de la Wallonie, exactement 85 endroits différents, vous conviendrez qu’il est capital de s’assurer de la parfaite tracabilité de chacune de ces œuvres qui peuvent très bien voyager d’un bâtiment à l’autre, être prêtées pour une exposition temporaire, être enlevées pour faire l’objet de restaurations, être momentanément ou définitivement remisées, etc.
Dans son Cahier d’observations, et la presse s’en est fait l’écho, la Cour des comptes signale que 13 de ces œuvres d’art ne se trouvaient pas là où la fiche établie pour chacune des ces œuvres par la Direction de la Documentation et des Archives les localisaient.
Sans parler de mystérieuse disparition, de détournement, de vol ou de toute autre hypothèse du même acabi, il s’avère, à tout le moins, que la procédure de localisation des œuvres d’art acquises par la Région, ce que la Cour des comptes appelle le suivi matériel des œuvres, renferme de graves lacunes qui peuvent être lourdement préjudiciables à plus d’un titre :
- 1. dans l’hypothèse où ces œuvres ne seraient pas retrouvées, on doit évidemment évoquer la perte artistique que cela représente et donc l’échec partiel, dans son esprit, de la politique de mécénat artistique menée depuis 1987, l’objectif n’étant pas seulement de financer la création artistique en Région wallonne mais aussi, il faudrait dire surtout, d’assurer la visibilité de l’art et des artistes wallons ;
- 2. ces œuvres sont soustraites à la vue de tout public ;
- 3. même si la valeur d’acquisition cumulée des œuvres « égarées » n’est pas très élevée, puisqu’elle ne dépasserait pas les 15.000€, il est inacceptable que des fonds publics soient ainsi investis en sachant qu’il est possible que l’objet acheté se perde ;
- 4. sans savoir dans quelles conditions sont conservées ces œuvres, elles peuvent en effet se trouver n’importe où (endroit humide ou trop sec, pas ou mal protégées, etc), il est permis d’avoir quelques inquiétudes quant à leur état de conservation ;
- et enfin 5. dans ces conditions, il devient difficile de réunir tout ou partie de ce riche patrimoine pour l’organisation d’expositions ou, comme cela arrive parfois, de « prêter » ces œuvres en vue de l’organisation d’expositions temporaires, sans parler de la réponse à donner à l’artiste lui-même qui demanderait où se trouve telle de ses œuvres acquise jadis par la Région.
Mes questions sont les suivantes, Monsieur le Ministre-Président :
- quelles dispositions comptez-vous prendre afin de renforcer la tracabilité des œuvres d’art acquises par les pouvoirs publics ;
- vous annoncez « une circulaire pour encadrer la méthodologie d’inventaire des œuvres qui sont propriétés de la Région », quelles dispositions comptez-vous prendre afin d’assurer l’exhaustivité de l’inventaire des œuvres d’art particulièrement celles acquises sur crédits propres par certains cabinets ministériels sans en informer la Direction de la Documentation et des Archives ;
- ne pensez-vous pas que la mise en place d’une « commission d’acquisition », comme recommandé par la Cour des comptes, permettrait de rendre plus cohérente la politique d’acquisition d’œuvres d’art de la Région wallonne ;
- en ce qui concerne les œuvres « égarées », est-il possible que la destination finale de certaines de ces œuvres ait pu être changée en dernière minute sans que la Direction de la Documentation et des Archives n’en ait été avertie, pas plus d’ailleurs que l’attachée en charge de l’inventaire des œuvres d’art qui ajoute n’avoir jamais vu ces œuvres à l’endroit renseigné par la « fiche de suivi matériel des œuvres » ;
- ces œuvres qui se trouvent, à n’en pas douter, dans d’autres lieux publics, ont-elles été retrouvées à ce jour :
- que comptez-vous mettre en œuvre pour « remettre la main » sur ces quelques 10 œuvres toujours égarées ?

Je vous remercie , Monsieur le Ministre-Président, des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse du Ministre-Président Jean-Claude VAN CAUWENBERGHE,
Je vous remercie, Monsieur Fontaine, de votre question qui me permet de re-préciser les règles applicables dans ce domaine, qui attise manifestement l'intérêt, de la détention d' oeuvres d'art.
Evoquons d'abord les oeuvres qui n'agrémentent pas un bureau particulier, mais qui sont intégrées dans les bâtiments construits par la Région wallonne, et donc visibles par l'ensemble des visiteurs de ces bâtiments.
Je pense par exemple aux fresques de LESKOCHIR qui agrémentent le hall d'accueil du siège du Ministère de la Région Wallonne, place de Wallonie, à la sculpture de Leon Wuidar qui surplombe l'entrée principale du bâtiment du Ministère de l'Equipement et des Transport, au-dessus de la gare de Namur .
Cette matière est réglementée de manière particulièrement précise.
Ces oeuvres sont choisies par la Commission des Arts de la Région wallonne, instituée par arrêté du Gouvernement et composée pour moitié d'experts en arts plastiques, et pour moitié de fonctionnaires.
Tout choix d'oeuvre est effectué dans le cadre d'un concours, tenant compte des spécificités du bâtiment, qui est organisé par cette commission.
Le budget de réalisation de ces oeuvres fait partie intégrante de la construction du bâtiment.
En outre, des prix en numéraire sont alloués aux trois premiers lauréats de chaque concours.
Venons-en maintenant aux oeuvres situées non pas dans la partie accessible au public d'un bâtiment, mais bien dans les bureaux des Ministres, de membres de Cabinet ou des hauts fonctionnaires.
En fait, la grande majorité des oeuvres sont mises en dépôt par le Ministère de la Communauté Française, qui en assure la gestion, en prend en charge l'assurance, et en contrôle l'inventaire de manière régulière.
La Communauté valorise ainsi, par des prêts à d'autres autorités, la politique d'achat d'oeuvres qu'elle mène, notamment pour soutenir nos créateurs.
Certains Ministres, dont je suis, ont également sollicité des prêts d'oeuvres de la part d'autres organismes, des musées par exemple, à des conditions fixées de commun accord.
Depuis une quinzaine d'années cependant, la Région Wallonne, dans le cadre d'une politique de soutien à la création régionale, de valorisation de son patrimoine artistique, ou plus largement dans le cadre de la politique d'accueil de visiteurs souhaitée par les différents Ministres, a elle-même procédé à l'acquisition de certaines oeuvres, notamment par le biais des crédits dévolus au fonctionnement des Cabinets.
En outre, une allocation spécifique, dotée en 2004 d'un crédit de 50 000 £, et située sur le budget « chancellerie », est également dédicacée à cet effet.
Dès le moment où ces achats sont souvent liés au goût des acquéreurs, ils ne font pas systématiquement l'objet d'un choix par une commission, mais sont évidemment soumis aux règles habituelles du contrôle administratif et budgétaire, notamment à l'avis de l'Inspection des finances, pour éviter tout prix surfait.
Pour ma part, comme le relève d'ailleurs la Cour des comptes, j'ai recours aux services d'un expert dans le cadre d'une politique d'achat qui n'est pas vraiment basée sur mes goûts personnels, mais qui vise plutôt à la constitution d'un patrimoine représentatif des différents courants de la peinture wallonne.
Toutes les caractéristiques des oeuvres achetées sont immédiatement transmises aux services concernés de l'administration, pour leur inscription dans l'inventaire, mais aussi en vue de les faire assurer.
Au vu des problèmes de traçabilité relevés par le récent rapport de la Cour des Comptes, j'ai fait établir une circulaire, qui sera d'ailleurs soumise à l'approbation du Gouvernement de ce jeudi.
Elle vise tant à actualiser l'inventaire des oeuvres d'art actuellement dans les Cabinets, qu'à formaliser de manière plus nette les procédures à suivre en cas d'achat de nouvelles oeuvres.
Un inventaire permanent, corrélé par les données en possession de l'administration, devra ainsi être tenu, qui fera partie intégrante de l'opération de remise-reprise intervenant en cas de changement de cabinet.
J'ai également demandé aux secrétaires généraux l'actualisation de l'inventaire des oeuvres actuellement localisées dans les bureaux de l'administration, ou en dépôt aux archives régionales.
J'espère que cette actualisation systématique des inventaires permettra de localiser à nouveau les 10 oeuvres réputées perdues par la Cour des Comptes, dont 3 ont d'ailleurs déjà été repérées.
A défaut, le champs de recherche pourra être élargi, notamment aux organismes para-régionaux.
En résumé, des procédures plus formelles vont être mises en place pour le futur, et un travail systématique va être entrepris pour le passé, qui devrait permettre de réconcilier l'inventaire complété avec les états de dépense.