Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 03/12/03

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La restructuration annoncée de Sigma Coatings à ... 
Question orale de Philippe FONTAINE, Député wallon, Président du Groupe MR au Parlement wallon à Serge KUBLA, Ministre de l’Economie, des PME, de la Recherche et des Technologies nouvelles concernant
« La restructuration annoncée de Sigma Coatings à Manage »


La semaine dernière, nous apprenions par la presse que les ouvriers de l’usine SIGMA COATINGS, rejoints par les employés, avaient entamé une grève et séquestré la direction de l’entreprise manageoise.
En cause :
l’annonce par la direction du lancement d’une procédure Renault suite à la présentation d’un nouveau plan de restructuration d’une ampleur qui étonne et inquiète les observateurs.
Pas moins de 160 emplois seraient en effet menacés soit plus de la moitié de personnel (95 ouvriers, 65 employés), et plus du double que la perte de 73 emplois – par voie de prépension - annoncée en mai dernier lors de la présentation d’un premier plan de restructuration, finalement suspendu en juin en raison de négociations entamées avec un concurrent.
Les craintes n’ont cependant pas été apaisées bien longtemps.
En effet, il y un peu moins d’un mois, les négociation en vue d’un partenariat en vue de constituer une joint-venture échouaient, ce qui a conduit au nouveau plan qui nous préoccupe aujourd’hui.
Selon le plan présenté par la direction, la production de peinture industriel dite « coils » (utilisé en sidérurgie) serait arrêtée et transférée à l’usine allemande de BOCHUM.
Ne demeureraient dès lors à Manage qu’un ligne de polymères-résines, les peintures liquides et plastiques ainsi que les activités commerciales Recherche et Développement « coil ».
Au niveau de l’organisation, un regroupement de divers activités sous une direction unique serait envisagé ainsi qu’un réaménagement des horaires de travail.
La direction a en outre d’ores et déjà annoncé que les choses iront très vite et que l’absentéisme interviendra comme un critère essentiel.
Propriété depuis peu du groupe d’investisseurs BAIN CAPITAL, Sigma coatings est – comme je l’ai déjà précisé - spécialisé dans le marché de la peinture industrielle, marché fortement concurrentiel, particulièrement sensible à la conjoncture économique.
Or, depuis plusieurs années déjà ce secteur connaît une délicate situation de stagnation des volumes de vente entraînant une surcapacité qui place les clients en position de force au niveau des prix et met ainsi à mal les marges de l’entreprise.
Situation d’autant plus fragile que les regroupements dans la sidérurgie et les centralisation des services d’achats qui en ont résulté, ont encore accentué davantage la concurrence dans ce secteur et entraîné une nouvelle baisse des prix du marché.
Ces divers éléments - qui ont conduit à une perte de 4,5 Millions en 2002 qui s’est encore creusée de 2 millions EUR cette année - justifient, selon la direction, l’ampleur des mesures annoncées.
Bien que présenté par la direction comme la seule voie de pérennisation du site, les syndicats craignent pourtant que ce plan ne soit qu’un prélude à un scénario de fermeture programmée.
Ces inquiétudes sont fondées d’ailleurs sur des informations parues dans la presse selon lesquelles la direction du groupe financier propriétaire du site envisageait initialement un tel scénario.
Je suis bien conscient que la région ne dispose d’aucune participation, même indirecte, dans l’entreprise et que le gouvernement n’est pas – et ne peut être - impliqué dans les négociations.
Néanmoins, dans votre réponse à ma question sur ce sujet en mai dernier, vous m’aviez confirmé que l’entreprise bénéficiait bel et bien d’aides à l’expansion économique, au nombre de deux pour être plus exact.
Pour la dernière en date de ces deux aides, les conditions d’emploi y associé courait, selon vos dires, jusqu’au 31 décembre 2003.
De plus vous nous avez également appris qu’un nouveau dossier avait été introduit et qu’une décision était sur le point d’être proposée.
L’investissement en question courrait jusqu’au 25.10.2004 et la prime associé était alors estimée à 1 millions EUR.
Au vu de la catastrophe sociale et familiale qui s’annonce dans cette région déjà durement touché par le chômage, je ne pouvais rester indifférent sur ce dossier.
C’est pourquoi, monsieur le ministre j’aimerais vous poser les questions suivantes :
· Le dossier relatif à l’octroi d’aides à l’expansion économique que vous aviez annoncé en cours d’examen lors de votre réponse de mai dernier, a-t-il abouti ?
Si tel, est le cas, au vu des récents développements, ne serait-il pas utile de vérifier si les conditions y associés seront respectées ?
Si tel n’est pas le cas, exigeriez-vous la récupération des aides indûment perçues ?
· La direction a annoncé sa volonté d’ « aller vite ». Cependant des aides à l’emploi courent encore jusqu’à fin décembre.
Si les désengagements devaient s’opérer dès avant cette date, comptez-vous réclamer la récupérations des aides dont les conditions d’octroi n’auraient pas été respectée ?
· Avez-vous des éléments d’information nouveaux à nous fournir sur cette restructuration et ses modalités ?
· Le protocole d’accord conclu entre les organisations syndicales et la direction lors des négociations de juin dernier tient-il encore ?
Un nouveau plan devra-t-il être négocié ou complètera-t-on simplement le protocole initial ?
· Des problèmes de sécurité ont été évoqués pour ce site « SEVESO 2 ».
En cause, l’abandon du site par la direction.
Avez-vous des éléments à nous fournir sur ce point ?
Réponse du Ministre Kubla
Je remercie les trois intervenants de me permettre de faire le point sur cet important et délicat dossier dont je me suis occupé activement ces derniers jours.
Mon cabinet a été contacté le week-end précédant la réunion extraordinaire du Conseil d'entreprise au cours duquel l'arrêt de la production de peinture industrielle à Manage et les 160 licenciements qui en découlaient ont été annoncés.
En mai dernier, une première restructuration avait été en effet annoncée, assortie de la perte de 73 emplois.
La procédure prévue par la loi RENAULT avait été entamée puis suspendue en raison de négociations initiées avec une firme concurrente, négociations qui ont échoué voici une quinzaine de jours et ont précipité la décision concernant cet arrêt d'activité.
Je voudrais brièvement évoquer la difficulté du marché dans lequel opère SIGMA COATINGS.
Ses concurrents sont par exemple des géants de la chimie tel AKZO et BASF.
Auparavant, SIGMA COATINGS faisait partie via, sa maison mère SIGMA KALON, du groupe PETROFINA, lequel s'est associé à ELF et à TOTAL, le nouveau groupe ne considérant plus son activité peinture comme faisant partie de sa stratégie prioritaire et a donc cédé l'ensemble du groupe SIGMA KALON à des investisseurs américains, la société BAIN CAPITAL située à Boston.
Parallèlement à ce changement d'actionnariat, on a assisté à un regroupement des clients de SIGMA dans l'industrie sidérurgique puisque COCKERILL SAMBRE, USINOR, SIDMAR, ARBED et BREMENWERK sont tous regroupés maintenant dans le groupe ARCELOR qui était devenu le principal client de SIGMA.
Il en est résulté une coordination et puis un regroupement des services d'achats qui a abouti inévitablement à une pression énorme sur les prix.
L'usine SIGMA de Manage a enregistré des pertes de 4 mios d' euros en 2002 et les prévisions pour 2003 augurent d'une perte de 6,5 mios d'euros.
Suite à la mission que m'a confiée le Gouvernement wallon après la discussion qu'il a eu avec les représentants du personnel de l'entreprise, j'ai pris contact avec la haute direction de SIGMA KALON que j'ai rencontré vendredi dernier à Bruxelles.
Celle-ci m'a confirmé que sa décision quant à l'arrêt de la production de peinture à Manage était irréversible et que les clients seraient approvisionnés à partir de son usine de Bochum près de Dusseldorf.
La Direction m'a également déclaré qu'il ne s'agissait pas pour elle d'une délocalisation en raison d'une différence des coûts salariaux, puisque ceux-ci étaient légèrement supérieurs en Allemagne par rapport à la Belgique.
Toutefois, l'usine de Bochum assurerait un meilleur service aux clients, lesquels travaillent tous en flux tendu, en raison d'une meilleure organisation interne, d'un meilleur climat social et d'un moindre taux d'absentéisme. Je ne fais ici que vous répéter ce que m'a dit le numéro deux du groupe SIGMA KALON.
Comme vous avez sans doute appris par la presse, j'ai tenu personnellement à me rendre compte sur place de la situation et j'ai donc visité l'usine ce lundi en compagnie des responsables syndicaux et d'un membre de la direction.
A l'issue de cette visite, j'ai fait part à la délégation syndicale et aux permanents de prendre des contacts tant avec les actionnaires américains du groupe qu'avec les clients les plus importants tels USINOR et CATERPILLAR, mais aussi avec des sociétés du secteur chimique qui pourraient soit utiliser à leur propre compte une partie des installations de production de peinture soit de consolider l'activité résine qui subsistera à Manage.
J'ai par ailleurs pris contact avec la SODIE, cette société filiale D'ARCELOR qui a pour but de guider et de financer des projets menés par des personnes victimes d'une restructuration d'entreprise.
Initialement active uniquement dans le domaine de la sidérurgie, cette société accepte maintenant de faire profiter de son savoir-faire et de ses sources de financement des projets consécutifs à des restructurations émanant de tous les secteurs.
En ce qui concerne les aides octroyées à l'entreprise, je dois vous signaler que celle-ci a renoncé à son dernier programme d'investissement et donc à la prime y afférente.
Une aide précédemment accordée d'un montant de 400.000 euros avait comme condition d'emploi le maintient de 280 équivalent temps plein jusqu'au 31 décembre 2003.
J'ai d'ores et déjà demandé à mon administration d'examiner les possibilités juridiques de récupération de cette aide ainsi d'ailleurs que pour une aide à la recherche développement qui avait été accordée par la DGTRE sous forme d'avance récupérable.
Je m'en voudrais de terminer sans évoquer brièvement quelques réflexions qu'a suscité l'acuité du conflit social qui avait débouché sur (la retenue pendant deux jours et deux nuits d'une partie de la direction.
II faut tout d'abord constater que la revendication syndicale portait principalement sur des engagements en matière de volet social et non pas sur la restructuration proprement dite.
II faudrait à cet égard amender la loi RENAULT puisque celle-ci prévoit toute une procédure où le volet social éventuel ne peut intervenir qu'en bout de course alors qu'il a été constaté par toutes les parties que la restructuration initialement prévue était inéluctable.