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La position du Gouvernement wallon au Sommet
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Question orale de Monsieur Philippe Fontaine, Député wallon, Président du Groupe MR au Parlement wallon à Monsieur
Michel Foret, Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et de l’Environnement, concernant:
«La position du Gouvernement wallon au Sommet de Johannesburg»
A ma connaissance, et cela ne m'étonne nullement, Monsieur le Ministre, vous avez représenté dignement - si Mme Servais
était là, elle vous dirait de manière exceptionnelle - le Gouvernement wallon au Sommet mondial du développement durable
qui s'est déroulé à Johannesburg du 26 août au 4 septembre.
Le Gouvernement vous avait mandaté pour le représenter avec, sous le bras, une note d'orientation qui précisait clairement
ses intentions.
Comme exemple, on pourrait parler du cas de la demande d'objectifs quantifiés respectant un échéancier précis en ce qui
concerne, en particulier, la disparition de ressources naturelles et d'une certaine biodiversité.
Ce sommet s'inscrivait, en fait, dans le prolongement de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement qui s'est déroulée à Rio en 1992.
Dix années les séparaient donc.
Le sommet initial avait surtout permis de définir les grandes lignes nécessaires à tout développement durable.
Le Sommet de Johannesburg devait donc permettre une certaine «évaluation», mais également une réorientation devenue
quelque peu nécessaire suite aux nouveaux défis de demain et à la sans cesse croissance des atteintes à l'environnement
en général.
Ce sommet était également la possibilité de nouer des liens privilégiés avec les différents membres de la communauté
internationale en matière de développement durable.
Le sujet était très large.
Avez-vous décidé de privilégier un certain nombre de thèmes et la Wallonie a-t-elle une position proactive dans ces domaines?
Mes autres questions sont les suivantes.
Estimez-vous, tout comme il en a été fait état dans la presse, que ce sommet n'a débouché sur aucune avancée réellement
significative pour le développement durable?
Que doit-on concrètement retenir de ce sommet, au-delà de l'attitude difficilement acceptable des États-Unis?
Quels sont les enjeux prioritaires pour le développement durable?
Que doit faire la Région wallonne pour les satisfaire?
Au sujet du dossier des énergies renouvelables, quelle a été la position de la Belgique?
Avez-vous défendu le fait que les États signataires doivent atteindre un objectif préalablement fixé?
Et enfin, concernant le plan de mise en oeuvre de Johannesburg, y a-t-il une grande différence avec le plan d'action 21
qui avait été élaboré à Rio?
Réponse du Ministre Foret,
Je voudrais dire à Monsieur Fontaine combien je suis heureux qu'il pose cette question, lui dire combien elle se trouve au
centre de problèmes essentiels et combien il me paraît important, effectivement, que notre Parlement soit renseigné sur ce
que les représentants de la Région wallonne ont pu faire de ce sommet.
Non pas que je considère que notre rôle était déterminant mais bien parce que d'une part, je pense qu'il est utile que tous
les parlementaires que nous sommes et que vous êtes, puissent être bien documentés sur notre travail et sur les résultats
du sommet et, d'autre part, aussi, parce que je trouve qu'il y a des choses très précises qui nous concernent et auxquelles
nous aurions probablement, dans les mois et les années qui viennent, à donner suite.
Je remercie à présent tous ceux et toutes celles qui sont encore là et je vous donne donc les quelques éléments qui me
paraissent importants.
Donc, Monsieur le Député, le Sommet mondial du développement durable qui s'est déroulé du 26 août au 4 septembre 2002 était
le premier sommet mondial rassemblant à la fois le monde économique, social et environnemental.
Simplement pour l'anecdote, je voudrais rappeler que pas moins de 104 chefs d'État et de Gouvernements étaient présents,
qu'il n'y avait pas moins de 300 ministres et qu'il y avait entre 30.000 et 50.000 délégués représentants tous les milieux
possibles et imaginables.
Je ne les ai pas comptés personnellement mais je peux témoigner qu'il y avait effectivement beaucoup, beaucoup de monde.
La version finale de la Déclaration de politique et du Plan de mise en oeuvre qui sont survenus au terme des travaux peut
effectivement à mon sens susciter certaines déceptions, particulièrement en regard des ambitions européennes.
En effet, les plus pessimistes prétendent que Johannesburg n'a fait que confirmer Rio, mais sans aucune avancée
substantielle, ce qui se résume par la formule lapidaire: «Johannesburg = Rio + O».
Il est vrai que les engagements attendus en matière de biodiversité ou en matière d'énergies renouvelables n'ont pas été
acquis, alors que, nous le savons, les atteintes à l'environnement ne cessent de croître.
Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, je puis témoigner que l'Union européenne défendait, avec beaucoup
d'énergie et de talent, la position selon laquelle il fallait s'engager à atteindre le taux de 15% de sources d'énergies
renouvelables pour 2010.
Mais les États-Unis, le G77 et le Japon n'ont pu accepter un objectif global précis.
Le paragraphe 19, e., du programme d'actions, précise néanmoins qu'il est urgent d'augmenter sensiblement le taux global
des sources d'énergies renouvelables et qu'une évaluation régulière des données disponibles aura lieu pour voir les
progrès réalisés en la matière.
Dix ans après le Sommet de Rio, un bilan sur la mise en oeuvre concrète du programme d'actions s'imposait.
J'estime, pour ma part, que ce sommet peut, malgré toutes ces considérations pessimistes, certaines étant très réelles et
beaucoup d'autres, malheureusement, ne me semblant que très approximatives, être considéré comme une réussite.
Tout d'abord, parce que ce sommet, consacré à la mise en oeuvre d'engagements figurant dans l'agenda 21 qui a été adopté à
Rio, a permis d'ajouter 11 objectifs nouveaux dont 7 avec une date précise.
Déjà, le fait de confirmer les objectifs présentés à Rio il y a 10 ans, ne constituait pas une sinécure.
C'était vraiment déjà un enjeu en soi mais, en plus, ajouter de nouveaux objectifs et des dates, c'était très important.
Et, par exemple, on a décidé que la minimisation des produits chimiques interviendrait pour 2020 et que l'accès à des
systèmes sanitaires serait atteint en 2015.
Quand on sait qu'il y a 1,5 milliard de personnes qui ne disposent pas de l'eau alimentaire, élémentaire pour le moment,
on mesure quand même l'ampleur de cet engagement.
Je ne sais s'il sera tenu mais, néanmoins, il figure dans les engagements qui ont été pris à Johannesburg par les
participants.
Deuxième considération positive - Mme Cavalier l'a abordé tout à l'heure - c'est le fait que les principes de précaution
et de responsabilité commune mais différenciée, qui avaient été repris dans la déclaration de Rio, ont été réaffirmés.
Ces principes étaient pourtant fort contestés, mais ils ont été réaffirmés.
Troisièmement, le premier grand sommet organisé depuis la mouvance antimondialiste, s'est déroulé - cela devient tellement
rare qu'il faut le dire - non seulement sans manifestation violente mais surtout - cela, c'est ce qui est quand même fort
neuf- en présence de plusieurs milliers de personnes de la société civile qui avaient accès directement au bâtiment de la
conférence.
Ceci a donc permis d'obtenir des accords en toute transparence et avec la participation active des groupes de pression
pour l'aboutissement d'un consensus.
Constituant un précédent incontestablement positif, cette nouvelle tendance participative pourrait, je le crois, s'imposer
dans les sommets à venir.
Quatrièmement, les avancées obtenues lors des conférences de Doha et de Monterrey risquaient d'être rediscutées, remises en
cause, mais sur ce sujet, les objectifs de l'agenda ont été confirmés ou complétés, et les moyens financiers n'ont pas été
revus.
Les discussions sont restées centrées sur le développement durable et il n'y a pas eu de dérives par rapport à l'objet qui
était au centre de l'ordre du jour.
Cinquièmement, le sommet a été apprécié, et je crois qu'il est appréciable que le sommet n'ait pas été finalement perturbé
par des problèmes politiques horizontaux qui, pourtant, étaient nombreux.
Dois-je dire qu'on était déjà en pleine crise irakienne et que malgré ce fait, il n'y a pas eu, comme cela avait été le cas
à Durban lors de sommets précédents, d'obstacles à la solution des problèmes.
Sixièmement - et là, j'y suis, en ce qui me concerne, tout spécialement attentif - Johannesburg a permis d'engranger
l'accord qui avait été conclu, qui avait prépare à Carthagène sur la gouvernance mondiale en matière d'environnement.
Ceci veut donc dire qu'il y aura un renforcement financier du préprogramme des Nations Unies pour l'environnement, qu'il y
aura l'organisation d'un forum ministériel et un panel intergouvernemental pour se pencher sur les changements
environnementaux.
Cela veut donc dire, si on veut lire au-delà du texte, que la gouvernance mondiale en matière d'environnement est vraiment
en train de s'installer, et au même titre qu'il y a des gouvernances en ce qui concerne le social avec l'O.I.T., ou en ce
qui concerne le commerce avec l'O.M.C., on voit maintenant réellement que l'UNEP prend vraiment la place d'organismes
en matière de gouvernance mondiale en environnement, ce qui est évidemment la solution qu'il faut pratiquer dans le cadre
du développement durable, dès le moment où on respecte le triangle de trois piliers.
Enfin, et ce n'est pas non plus le moindre des acquis de Johannesburg, des résultats de Type II, à savoir des partenariats
avec la société civile, ont été obtenus et différentes initiatives ont été lancées à tous les niveaux.
Je tiens à dire que la Belgique et la Région wallonne n'ont pas été en reste à ce niveau et que nous avons pu témoigner de
partenariats très intéressants, qui ont été repris dans les conclusions de la conférence.
J'ajouterai un dernier acquis qui était pourtant très incertain mais qui sera probablement celui qui nous marquera le plus
dans les mois et les années à venir:
à savoir, les déclarations fermes de la Russie, du Japon, du Canada et de la
Nouvelle-Zélande suivant lesquelles leurs plus hauts responsables ont déclaré qu'ils allaient ratifier le Protocole de Kyoto.
Ces quatre engagements, qui devraient être concrétisés avant la fin de l'année, signifient, donc, que le Protocole de Kyoto
va entrer en vigueur, puisque le seul fait de la ratification par 55 États représentant 55 % de l'émission des gaz à effets
de serre qui sont repris dans l'annexe du protocole, suffira pour l'entrée en vigueur du protocole.
Ce sera donc le cas dans les mois à venir, peut-être même aux alentours du 1 er novembre, au moment où se tiendra la
huitième Conférence des partis à New Delhi qui devrait finaliser l'ensemble des mécanismes flexibles prévus dans le
Protocole de Kyoto.
Donc, on avance très, très fort sur ce plan et je dirais que, évoquant avec vous ce matin les questions d'inondations,
chacun mesure combien il était urgent qu'on avance aussi sur ce sujet.
L'histoire retiendra donc peut-être que c'est effectivement Johannesburg et parce qu'il y avait Johannesburg, que les
derniers États se sont manifestés et ont permis ou vont permettre l'entrée en vigueur du Protocole de Kyoto.
La principale volonté qui animait le Sommet de Johannesburg était la mise en oeuvre concrète du développement durable.
Mais vous le savez, pour nous, les enjeux prioritaires de ce développement durable, c'est penser globalement mais aussi,
agir localement.
Donc, c'est sur ce plan que, principalement, j'ai tenu, avec tous ceux qui m'accompagnaient au nom de la Région wallonne,
à me manifester.
Nous avons donc bien été présents dans les manifestations qui regroupaient les représentants de la francophonie.
Nous avons été présents dans ce qu'on appelle les réunions qui regroupaient les États ou les Régions de pouvoir
sous-national, donc, les Régions comme la nôtre.
Et au même titre qu'il existe en Europe le Conseil des Régions de l'Europe, il est maintenant, progressivement, en train
de se mettre en place, au niveau des Nations unies, un organisme comparable et cela nous a permis, mais oui, de discuter
d'égal à égal dans des réunions extrêmement pointues et intéressantes, avec, par exemple, la Californie
(54 millions d'habitants), Java (84 millions d'habitants) et d'avoir sur ce plan des échanges qui sont absolument
fructueux, je crois, pour chacun.
En parlant de la francophonie, je voudrais vous dire combien j'ai été impressionné par la demande extraordinaire des pays
de l'Afrique francophone spécialement, pour recevoir l'aide et l'assistance des pays de la francophonie, tant ils se
sentent dépourvus d'informations, de connaissances par rapport aux grandes thématiques qui sont à l'ordre du jour.
Je vous parlais de Kyoto et vous savez que déjà dans la langue maternelle, il faut avoir de solides accroches pour
comprendre les éléments de ces protocoles et de ces mécanismes, que dire lorsque l'on doit souffrir le handicap de la
traduction et que l'on a donc ce double problème à accumuler.
Et donc, nous avons, avec d'autres États francophones, d'autres Régions francophones, participé de manière très positive
à la mise en place de lexiques, de glossaires, destinés à aider nos autres amis de la francophonie.
Je pense que nous devrons rester très attentifs à l'appel qui nous est adressé et à la réponse qui a été adressée dans
des termes que je considère personnellement comme très brillants, par le président Chirac, qui a vraiment manifesté un
intérêt personnel et très réel pour la question.
Je crois qu'il y a un changement d'opinion qui est en train de s'opérer au niveau des autorités françaises sur le sujet,
soyons-y attentifs.
J'ai donc vraiment le plaisir de vous dire que nous en étions et que nous avons participé à ce mouvement.
Et puis, un troisième niveau de discussion a été très fructueux aussi.
C'est celui où, justement, on essayait de montrer quelles sont les actions que l'on peut mener au niveau local pour
mettre en oeuvre le développement durable.
Et c'est là qu'il faut bien se souvenir qu'agir localement, ce n'est pas seulement dans les communes et les villes, ce
n'est pas seulement dans les provinces, dans les départements, dans les préfectures, non, c'est aussi dans des régions
et notamment dans des régions comme les nôtres.
Vous le savez, même si les aspects du développement durable sont réfléchis au niveau national, au niveau européen, ils
doivent s'exercer dans des communautés ou des régions comme les nôtres.
La politique de l'eau, la politique de l'air, la politique des sols, qui sont au coeur de la problématique du
développement durable, trouvent leur exécution, leur application dans les régions.
Donc, il était intéressant de présenter notre expérience et aussi d'entendre ce que d'autres pouvaient nous présenter
comme atout et comment nous pouvions aller de l'avant, tous ensemble.
Le Contrat d'Avenir pour la Wallonie a été ressenti par tous les interlocuteurs que j'ai rencontrés à l'occasion de toutes
les présentations que j'en ai faites - et qu'on veuille bien considérer à cet égard que je ne suis pas, ici, en train de
faire une espèce de promotion du Contrat d'Avenir, mais que je vous relate, puisque tel est aussi, Monsieur le Député,
votre souhait comment les choses ont été ressenties - comme étant quelque chose de tout à fait fort et allant vraiment
dans le sens - je ne dis pas que c'est le développement durable - du développement durable.
Pourquoi?
Parce que des éléments comme la définition d'objectifs quantitatifs, la programmation pluriannuelle, la transparence,
la transversalité, la concentration des moyens et des actions sur des objectifs partagés, la culture de l'évaluation,
et la participation du public sont incontestablement des éléments que nous mettons en oeuvre mais qui sont ceux que
prescrit le développement durable.
Donc, si le Sommet de Johannesburg n'a pas mené à des objectifs chiffrés ou trop peu, en tout cas, ou à des consensus sur
tous les points, il a cependant confirmé et renforcé Rio, à mes yeux, mais surtout, il a sensibilisé le monde politique et
la société civile à cette notion du développement durable.
Nous avons pu valoriser cette expérience au travers notamment de la présentation du Contrat d'Avenir pour la Wallonie de
la diffusion d'un C.D. Rom, que j'ai intitulé «Développement durable, la Wallonie décolle», qui vous a d'ailleurs été
adressé.
Je crois que nous devrons poursuivre les efforts qui ont été entamés en Wallonie et faire prendre conscience à tous
les acteurs, que ce soient les différentes autorités publiques, les entreprises, les partenaires sociaux ou les citoyens,
que le développement durable se construit à tous les niveaux, que ce n'est pas un gadget mais que c'est probablement
une tendance forte qui me semble, pour ma part, tout à fait inéluctable et dans laquelle nous avons intérêt à nous
inscrire si nous voulons, effectivement, que la Wallonie puisse continuer à décoller, et pas seulement décoller
mais qu'elle s'envole réellement. (Applaudissements sur les bancs de la majorité.)
Réplique de Philippe Fontaine
Je voudrais remercier M. le Ministre.
Je pense qu'à l'occasion de cette question, il a pu nous brosser un tableau de ce qui c'était dit au niveau de la
Conférence de Johannesburg mais surtout nous expliquer comment la Wallonie s'inscrivait dans cette démarche et quelle
était notre place et comment les actions de la Région wallonne, notamment au niveau du Contrat d'Avenir, pouvaient
se situer dans cette perspective de développement durable.
Je crois que les informations que vous nous avez données sont particulièrement intéressantes et permettent en tout cas
de voir que notre Région n'est pas à la traîne dans ce domaine-là.