Parlement wallon

Questions orales

     

 Questions du 16/02/00

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La problématique des déchets dans la Région de  ...
Question orale de Monsieur Philippe Fontaine, député wallon, Président du Groupe MR au Parlement wallon à Monsieur Michel Foret, Ministre de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et de l’Environnement, concernant:
« La problématique des déchets dans la Région de Charleroi »


Le 27 janvier dernier, suite à un incendie accidentel survenu à la cheminée, le four 3 de l'usine d'incinération de l'ICDI (Association intercommunale pour la collecte et la destruction des immondices) à Aiseau Presles a été mis à l'arrêt.
C'est donc l'ensemble de l'activité d'incinération de l’ICDI qui est aujourd'hui complètement bloquée pour une durée d'au moins six semaines.
S'il faut se féliciter que la cheminée soit tombée du côté de la Sambre, on ne peut que constater que l'endroit choisi pour installer les incinérateurs n'est certainement pas le plus judicieux car ils sont situés dans une cuvette et en zone urbaine.
Nous sommes donc malheureusement tributaires de décisions peu réfléchies, prises par les gestionnaires de l'époque de cette intercommunale.
Le 20 décembre 1999, le Conseil communal d'Aiseau-Prestes a examiné le plan stratégique déposé par l'ICDI de manière très critique et insiste, je cite, pour que: «Les administrateurs de l’ICDI, dans leur ensemble, prennent eux aussi leurs responsabilités.
Les dioxines et autres furannes, pour ne parler que d'elles, ne s'arrêtent pas, comme par enchantement, aux limites d Aiseau-Presles.
De plus, le coût de la gestion des déchets se répartit immanquablement sur l'ensemble des communes affiliées.
À l'aube de l'an 2000, peut-être n'est-il pas trop tard pour repenser ensemble notre politique des déchets, dans un sens positif, prenant en compte ces deux types de considérations.». Fin de citation.
Cet accident met en évidence la faiblesse de la politique poursuivie depuis de nombreuses années par l'ICDI, qui semble croire à l'incinération comme à un dogme en vouant aux gémonies ceux qui ont l'audace de prétendre que l'incinération n'est pas nécessairement la seule., ni la meilleure des solutions pour détruire les déchets.
Le plan stratégique de l'ICDI est assez éclairant en la matière et il est surtout très décevant puisque l'intercommunale continue à tout miser sur l'incinération.
La capacité d'incinération autorisée étant de 127 kilotonnes/an, l’ICDI veut donc absolument utiliser l'incinérateur au maximum et trouver dans sa zone un maximum de déchets à incinérer.
Alors que les autres intercommunales collaborent avec Fost +, l’ICDI persiste à refuser le ramassage sélectif des P.M.C. en porte à porte et donc de réduire le coût pour les habitants qui pourraient, dans l'autre solution, bénéficier d'un sac à 5 francs pour le P.M.C. au lieu du sac classique à 35 francs.
Il y a bien une campagne de sensibilisation visant à produire moins de déchets, prévue dans le plan stratégique, mais si le principe en est louable, l'objectif à atteindre est dérisoire puisqu'il se limite à une diminution de 10 à 15 kg par habitant, soit 4.000 tonnes par an.
Actuellement, en Région Wallonne, le porte à porte récolte 278 kg par an et par habitant, tandis qu'il ne récolte que 242 kg par an et par habitant en zone ICDI.
Comme l'un des objectifs de la campagne de sensibilisation des habitants est, en réduisant les déchets produits, de diminuer, voire supprimer, le porte à porte, on ne peut que conclure que l’ICDI veut s'en tenir en fait à une politique d'incinération, avec les risques que cela comporte.
Pourtant, la sensibilisation, la prévention et le tri sélectif ne sont pas opposables, mais complémentaires.
Il faut constater également que rien n'est prévu pour le ramassage sélectif des déchets organiques.
Enfin, il faut remarquer que l’ICDI ne se départit pas de son isolement sous-régional, alors qu'il est admis par beaucoup que la technicité de plus en plus pointue et le coût prohibitif des infrastructures imposent une collaboration et peut-être même un regroupement des opérateurs intercommunaux en matière de traitement des déchets.
C'est ce que je souhaite voir mis en place en Hainaut, notamment pour une plus grande efficacité, un meilleur respect de la santé des habitants et une utilisation plus responsable des deniers publics.
L'ICDI ne peut de toute façon tout résoudre seule.
Elle a besoin des autres en cas d'accident, comme actuellement en envoyant la totalité de ses déchets à Mont-Saint-Guibert, et elle ne dispose pas de décharge de classe 2 sur son territoire.
Il est temps, comme le demande le Conseil communal d'Aiseau-Presles, de repenser sérieusement la politique des déchets dans l'arrondissement de Charleroi.
L'accident du 27 janvier doit être source de réflexion et d'action.
Je sais, Monsieur le Ministre, combien vous êtes actif, depuis votre installation, dans le dossier des déchets en Région Wallonne et à Charleroi en particulier.
Je souhaite donc savoir si une collaboration, avec échange de capacités, va pouvoir s'établir en Hainaut et si une concertation est envisagée en la matière afin d'examiner la fusion de certaines intercommunales ?
Je souhaite savoir également si l'afflux soudain de déchets de la région de Charleroi a un impact sur l'avenir de la décharge de Mont-Saint-Guibert, surtout si d'autres accidents du même genre se produisaient.
Enfin, s'agissant de l'intercommunale (l’ICDI, j'espère que vous pourrez faire quelques recommandations qui inviteraient cette intercommunale à envisager de manière positive la multiplicité des solutions de traitement des déchets ?
Réponse du Ministre Michel Foret,
Monsieur le Président,
mes chers Collègues,
Mesdames et Messieurs les Députés,
cher Monsieur Fontaine,
l'accident qui est survenu récemment à l'incinérateur de I'ICDI à Pont-de-Loup constitue un épisode de plus, devrais-je dire, dans les difficultés de la Région wallonne à assurer une gestion durable des déchets ménagers.
Je voudrais d'abord confirmer que, dès l'annonce de cet accident, je me suis rendu immédiatement sur place et j'ai pu vérifier la qualité des services rendus par la police communale et par le service d'incendie.
J'ai pu également vérifier qu'il n'y avait effectivement pas de risque de quelque nature que ce soit pour la santé des riverains.
L'accident avait bien été maitrisé quant aux conséquences sur la santé.
Le problème était et restait, bien entendu, complet, quant au traitement des déchets ménagers provenant de cette zone de Charleroi et d'autre part, à plus long terme, sur la façon dont il conviendrait d'envisager ou de réenvisager le traitement général.
Une solution de secours a donc dû être trouvée en raison de l'impossibilité de continuer à utiliser le four 3.
C'était le seul four en fonctionnement à Pont-deLoup puisque les fours 1 et 2 de cet incinérateur ont dû être mis à l'arrêt suite au constat, fait précédemment dans le cadre d'analyses menées par l'ISSeP (Institut scientifique de service public), de rejets trop élevés de dioxines au niveau de ces fours.
Donc, la mise en conformité de ces fours par rapport aux impératifs «dioxine» est en cours.
On se trouvait alors avec un seul four qui fonctionnait déjà à rythme extrêmement réduit et qui, du jour au lendemain, s'est retrouvé complètement à l'arrêt.
L'arrêt du four 3 a donc entraîné l'impossibilité de traiter les déchets ménagers qui, jusqu'alors, étaient encore traités à cet incinérateur.
La seule solution qui a pu être mise en place pour traiter ces déchets a été de les diriger vers le centre d'enfouissement technique de Mont-Saint-Guibert, voie bien connue puisque déjà empruntée par une partie significative des déchets ménagers de la zone ICDI depuis l'arrêt des fours 1 et 2.
Un contact avait été préalablement pris, non seulement par les responsables de l'intercommunale mais également par mes soins, avec les responsables du Cetem (Centre: d'enfouissement technique de MontSaint-Guibert) en vue de voir si une telle solution était possible, si elle était compatible avec le permis d'exploiter du Cetem, et en vue de s'assurer que cette solution n'impliquait pas de nuisances supplémentaires pour le voisinage de la décharge.
II fallait également s'assurer, que le centre de Mont-Saint-Guibert était capable d'absorber les quantités nouvelles qui lui seraient imposées.
Il a été confirmé que la solution était possible et c'est celle qui fonctionne aujourd'hui, confirmant en cela que la totalité des déchets ménagers de la zone ICDI sont aujourd'hui conduits par camions vers la décharge de Mont-Saint-Guibert.
Je tiens à dire que cette situation ne peut, bien sûr, qu'être temporaire.
Cette solution doit permettre de gérer la période transitoire nécessaire pour permettre la réparation des dégâts et la remise en fonctionnement du four 3.
Pour les flux consécutifs à la fermeture du four 2, la situation est quelque peu différente puisque l'arrêté de fermeture est légalement lié au respect par l'exploitant des normes de rejets et par conséquent ce n'est que dans l'hypothèse d'un respect de toutes ces normes que l'arrêté de fermeture pourrait être levé.
Ces flux - et on l'a compris - qui concernent le four 1, le four 2, le four 3 ne peuvent - je l'ai dit il y a quelques instants - indéfmiment se diriger vers le centre de Mont-Saint-Guibert.
Cette orientation de quantités accrues de déchets vers la décharge de Mont-Saint-Guibert, conduit à accélérer encore le rythme de remplissage de cette décharge, rythme qui, je dois vous le confier, est déjà inquiétant en ce qu'il conduit à rapprocher le délai de saturation de cet outil qui est actuellement le seul site d'enfouissement disponible pour les déchets ménagers produits par les deux tiers des Wallons et qu'aucun site nouveau n'est prévu en Brabant wallon par le plan des C.E.T. pour les déchets ménagers.
Ceci démontre une fois de plus, si besoin en était, les impasses importantes que connaît la Région wallonne en ce qui concerne les infrastructures de gestion des déchets ménagers développés par les pouvoirs publics et l'impérieux besoin de faire face à cette problématique.
Pour rappel, face à ce constat de carence et d'impasses prévisibles de la gestion des déchets en Région wallonne, j'ai déjà rappelé à cette tribune que le véritable pouvoir de décision, la véritable responsabilité se situait au niveau des communes et des intercommunales, la Région ne disposant actuellement, dans ce domaine, que d'un pouvoir réglementaire général et d'un pouvoir de subsidiation des outils développés par ces acteurs.
J'ai cependant souhaité inscrire le pouvoir de subsidiation en Région wallonne dans une plus grande perspective et surtout dans une véritable stratégie de manière à utiliser ce pouvoir de subsidiation pour orienter davantage les choix opérés en Région wallonne en matière de gestion des déchets ménagers.
Pratiquement au moment de mon installation dans mes responsabilités ministérielles, j'ai donc demandé à l'ensemble des intercommunales de la Région wallonne de me présenter un plan stratégique à l'horizon 2005.
J'ai fait de même auprès des grands groupes privés qui sont actifs dans le secteur.
Pour ce qui concerne les intercommunales, je voudrais vous dire que tous ces plans me sont parvenus dans les délais demandés.
Ils sont, disons-le, après un premier examen, d'un contenu fort variable.
Certains ne manquent pas de faire des propositions tout à fait innovantes, d'autres mettent en lumière des problèmes majeurs.
Parfois, il s'agit de maintenir un statu quo sans guère de volontarisme. Ou encore de se limiter à lister des demandes de subsides, ce qui est, à mon sens, un peu court, pour faire fonction de plan stratégique.
La plupart des intercommunales cependant, je dois bien le dire, ont répondu de manière très positive, permettant ainsi à la Région de mieux mesurer l'état de la situation.
Pour aborder ces différents plans qui m'ont été transmis et défmir une politique régionale, j'ai choisi une démarche en deux phases: la première phase consiste à réaliser une synthèse de tous ces plans stratégiques.
Cette synthèse a été accompagnée de contact avec toutes les intercommunales et ce en vue de disposer d'une photographie de la gestion des déchets ménagers en Région wallonne en vue d'en dégager les urgences.
La seconde phase consiste, elle, en une analyse approfondie des plans stratégiques devant permettre de définir la stratégie globale et je l'espère, défmitive, de la Région en la matière.
Il me plait à vous informer que la première phase de cette étude, donc cette photographie qui est née de la communication des différents plans stratégiques est aujourd'hui terminée.
Elle apporte, d'ailleurs des conclusions intéressantes et celles-ci seront présentées au Gouvernement wallon lors de la séance de jeudi prochain.
Des propositions de décision seront présentées dans ce cadre pour apporter ce qui me semble être une première réponse à certaines urgences.
La seconde phase devrait débuter incessamment, puisqu'elle est la continuation logique de la première.
Donc, faire la photographie de la situation, mesurer si le plan wallon des déchets, les composantes, les différentes hypothèses de celui-ci sont toujours d'actualité.
De voir aussi comment, en fonction des impératifs qui sont fixés dans la Déclaration de politique régionale et dans le Contrat d'avenir, que vous approuverez tout à l'heure, j'espère si ces différentes hypothèses tiennent la route et comment on peut veiller à les mettre en oeuvre.
Je rappelle notamment, que nous avons pris l'engagement d'expérimenter un certain nombre de technologies nouvelles, que nous avons pris l'engagement de réaliser un moratoire sur l'incinération jusqu'au 1er janvier 2002 et de respecter aussi la mise en oeuvre de C.E.T. en respectant les priorités, les classements qui figurent au plan C.E.T.
Tout cela fait partie, évidemment, des contraintes.
La photographie est prête et donc la question est: comment faire face aux unes en respectant les autres?
Cela fera donc: l'objet de cette présentation au Gouvernement la semaine prochaine.
Et je confirme que je proposerai en même temps un certain nombre de décisions qui me paraissent indispensables, pour faire face rapidement à des problèmes qui se poseront à certaines sous-régions de Wallonie où les outils sont tout à fait insuffisants et aussi pour faire en sorte que la solidarité puisse jouer.
Nous venons de vivre ici le cas le plus marquant de nécessaire solidarité.
Il ne suffit pas de dire qu'en Hainaut, il faut avoir, ce qui est le cas, à la fois des outils d'incinération et peutêtre aussi certains outils de mise en décharge.
Si l'un ou l'autre ou les deux connaissent un ennui technique ou un ennui juridique, il faut évidemment dans l'heure, pratiquement, trouver une solution alternative.
On l'a trouvée ici, en direction de Mont-SaintGuibert.
Demain, le problème pourrait se poser exactement en sens inverse si d'aventure nous avions une décision juridique qui, sait-on jamais, opposerait une suspension ou une annulation des autorisations de fonctionnement.
Je prie tous les cieux pour qu'il n'en soit rien, parce que le problème serait considérable mais je crois que gérer, c'est aussi, c'est peut-être d'abord prévoir et c'est à cela qu'il convient de s'appliquer.
Je voudrais dire qu'un des objectifs principaux de mes démarches - je crois que vous l'avez compris - sera d'essayer de faire en sorte que nous comprenions bien le nécessaire décloisonnement de la gestion des déchets ménagers en Région wallonne: décloisonnement entre sous-régions et donc entre intercommunales, décloisonnement entre acteurs publics et acteurs privés et enfin décloisonnement dans les filières de gestion des différentes catégories de déchets afin de voir quelles sont les synergies et complémentarités à développer.
C'est-à-dire, en clair, faire face à la nouveauté et accepter ce principe de recherche de solution alternative à l'incinération et à la mise en décharge.
Ce sera l'un des axes de l'analyse approfondie des plans stratégiques qui sera entamée.
Je ne peux donc, Monsieur le Député, vous comprendrez, aujourd'hui, préciser dans le détail, quelles seront les collaborations entre les intercommunales et les différentes pistes précises retenues par le Gouvernement.
D'abord, parce que je souhaiterais réserver la priorité de celle-ci au Gouvernement et parce que je crois aussi qu'il faut évidemment négocier avec les opérateurs que sont les intercommunales en la matière.
Néanmoins, ce qui est certain et répondant à la question précise que vous me posiez, c'est que les besoins de décloisonnement sont indéniables en Hainaut.
Dans cette région aujourd'hui, il faut bien le dire qu'aucune intercommunale ne pourra se contenter je le pense, d'un strict statu quo.
Si l'on avait dû procéder ainsi, les déchets ménagers se seraient amoncelés depuis six mois dans les rues des communes de l'ICDI et la solution aurait été intenable.
Fort heureusement, l'intelligence et la solidarité ont déjà prévalu en la matière.
Je crois que ce principe devra encore être renforcé.
Je tiens à dire que cet exemple que je cite pour le Hainaut, pourrait hélas être aussi cité dans bien d'autres régions de Wallonie.
Le problème est fort comparable à peu près partout.
Ce sera, bien sûr, aux acteurs et donc principalement aux intercommunales à être conscients de leur responsabilité en la matière.
Nous veillerons avec le Gouvernement à apporter notre soutien, à faire cette image de synthèse qui est nécessaire.
Nous essaierons aussi d'apporter les fonds indispensables pour réaliser les investissements nécessaires.
Mais que ceux qui sont à la base de la décision et de la réflexion, que ceux qui sont au plus proches des citoyens soient bien conscients qu'il y a encore beaucoup à faire pour qu'en Région wallonne la problématique des déchets et singulièrement celle des déchets ménagers puisse progresser.
Voilà les quelques éléments de réponse que, à ce stade-ci de la réflexion je voulais apporter.
Pour le reste, je crois qu'il est plus sage, dans mon chef, de m'abstenir de réagir aux considérations que vous avez apportées sur la gestion de l'ICDI ou sur la façon dont certaines décisions antérieures ont été prises en la matière.
Je ne crois pas que c'est en remettant de l'huile sur le feu que l'on arrive, nécessairement, à négocier les dossiers les plus difficiles. (Applaudissements.)

Réplique de Philippe Fontaine,
Je voudrais remercier M. le Ministre pour la réponse détaillée qu'il a bien voulu me faire.
J'en retiens essentiellement, qu'il y a bien au niveau du Gouvernement et de M. le Ministre une volonté de mettre en couvre ou en tout cas de faire tout ce qu'il peut pour que les synergies existent entre les différents opérateurs en matière de déchets.
En ce qui concerne les remarques un peu acides que j'ai faites, à propos du fonctionnement de l'ICDI, je ne demande évidemment pas à M. le Ministre de les partager mais en tant que député de l'arrondissement de Charleroi, je persiste et signe.