Parlement wallon

Questions écrites

     

Questions du 01/03/06

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La réintroduction du castor en Région wallonne...
Question écrite de Philippe Fontaine, Député wallon, à Benoît Lutgen, Ministre de l’Agriculture, de la Ruralité, de l’Environnement et du Tourisme, concernant :
« La réintroduction du castor en Région wallonne »


Monsieur le Ministre,
Le castor a été réintroduit à partir de la fin des années 90 et depuis sa population ne cesse de croître, elle dépassait en effet les 200 individus dès la fin de 2003, elle serait, aux dires des Rangers, d’environ 500 animaux aujourd’hui.

La cause de la disparition du castor chez nous fut, comme bien souvent, à cause de l’homme qui le chassa pour sa fourrure.

Malgré plusieurs projets de réintroduction, il semble qu’aucun à ce jour n’ait abouti ce qui explique l’initiative des Rangers sans attendre l’avis de la Division Nature et Forêt de la Région wallonne.

Décrié il y a encore quelques années, on parle aujourd’hui de pari réussi malgré leur réintroduction forcée par l’Allemagne, les Pays-Bas ou avec des animaux venant en fraude de Pologne.

Mes questions sont les suivantes Monsieur le Ministre :

Que pensez-vous aujourd’hui, après avoir introduit une action en justice contre les Rangers suite à la réintroduction des castors, du retour de cet animal dans nos vallées ?

Comment expliquer que la Région wallonne se soit retrouvée mise devant le fait accompli en perdant la maîtrise d’une initiative qui aurait pu nuire gravement à l’équilibre naturel régional ?

Comment expliquer que les études menées par la Région wallonne n’aient pas abouti avant l’initiative des Rangers permettant ainsi d’inscrire dans un processus contrôlé la réintroduction de cet animal ?

Aujourd’hui, d’aucuns se réjouissent de ce retour, cela veut-il dire que le suivi de l’évolution de la population de castors en Région wallonne a été repris en main par la DNF c’est-à-dire par vous, Monsieur le Ministre ?

La population de castor ne cesse de croître, pouvez-vous m’indiquer les critères de surveillance mis en place pour maintenir sous contrôle l’évolution de la population de castors ?

Etes-vous en mesure de contrôler le niveau de dégâts que pourrait engendrer un accroissement trop important de cette population ?

Quelles sont les projections d’évolution de la population de castors pour les décennies à venir et les conséquences sur le milieu ?

A contrario, certains disent que le castor, y compris ses barrages, est positif pour la nature, disposez-vous de statistiques, d’études, d’informations décrivant l’influence du développement du castor sur l’équilibre naturel de la Wallonie ?

Les dégâts causés par les castors sont-ils indemnisés et par qui ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse du Ministre Benoît Lutgen,
L'honorable Membre le sait comme moi, le castor a été réintroduit en Wallonie en dehors de tout projet officiel. Cela n'altère pourtant aucunement l'image que cette espèce peut drainer et il n'y a jamais eu aucune aversion dans le chef de la Région à l'égard de cette espèce.

Il y a donc d'emblée obligation de dissocier dans cette problématique :

- L'action judiciaire qui a été entamée contre les instigateurs de ces opérations illégales de lâchers la valeur patrimoniale et biologique d'une espèce animale. Menacé ou menaçant ?

Le castor européen est une des espèces animales dont la position dans la nature rivalise avec l'activité humaine. Si, dans certains endroits, par exemple dans de grands espaces naturels, il est admis que le castor apporte des avantages pour le milieu via la restauration de zones humides, il faut reconnaître aussi que des problèmes de cohabitation existent avec l'homme en de nombreux endroits.

La Région wallonne n'a pas été mise devant le fait accompli, puisqu'un projet de réintroduction du castor dans la Vallée du Viroin avait été remis par les Rangers au Ministre Guy Lutgen. Celui-ci avait sollicité l'avis du Conseil supérieur wallon de la conservation de la nature qui avait remis un avis défavorable pour le projet.

Motifs : étude préalable insuffisante et zone inadéquate.

La Région wallonne ne considérait pas la réintroduction du castor comme prioritaire. En effet, sa population est en expansion en Europe et les réintroductions dans les pays limitrophes pouvaient laisser pressentir un retour naturel du castor dans un délai raisonnable en Région wallonne. La stratégie de la Région wallonne en matière de conservation de la nature doit se focaliser d'abord sur les espèces encore présentes, mais menacées à l'échelle européenne ou locale.

Le suivi de l'évolution du castor est assuré depuis le début de sa réapparition par le Centre de recherche de la nature, des forêts et du bois (CRNFB), dépendant de la DGRNE.

En ce qui concerne l'évolution des populations et les dégâts :

- de premières traces d'occupation ont été décelées dans la région d'Houffalize en 1998. Différents lâchers successifs se sont poursuivis jusqu'en 2000 ;

- environ 100 castors auraient été relâchés dans nos cours d'eau. Globalement, la population est estimée actuellement à environ à 300-350 individus pour la Région wallonne ;

- en l'absence de prédateurs, la population de castors se développera jusqu'à ce qu'elle atteigne sa capacité d'accueil maximum ;

- les dégâts s'observent à trois niveaux :

abattage d'arbres ;

dégradation des berges d'étang ;

construction de barrage.

Pour les deux premiers, des mesures de protection sont envisageables : protection individuelle ou globale des arbres, protection de berges par des engrillagements. Pour les barrages, des essais de buse drainante sont en expérimentation. Pour des motifs de sécurité publique, des barrages ont parfois été démontés.

Concernant l'étude sur l'influence des castors sur les écosystèmes naturels :

- les différentes activités de construction affectent l'habitat physique de façon directe et indirecte, influençant l'essor de certaines espèces positivement ou négativement.
Par exemple, la création des barrages entraîne des variations de température de l'eau qui peuvent poser problème pour la reproduction des truites, de même on constitue des entraves à leur circulation pour gagner les frayères.
Par contre, les amphibiens, reptiles, petits mammifères, oiseaux profitent d'une plus grande disponibilité en nourriture et de sites de nidification ou de refuge plus attrayants.

Pour ce qui concerne l'indemnisation des dégâts :

le décret relatif à l'indemnisation des dommages causés par certaines espèces animales protégées (arrêté du Gouvernement wallon du 8 octobre 1998) réserve l'indemnisation aux exploitants forestiers ou agricoles à titre principal.
Jusqu'à présent, aucun des cas de dommages ne répondait aux conditions de l'arrêté et ce mécanisme n'a dès lors jamais été activé pour le castor.
Je compte proposer une révision de ce décret afin d'élargir les conditions d'octroi de l'indemnité et de prévoir des moyens financiers pour la mise en place de mesures de prévention.