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Le nombre de dépôts de brevets et autres...
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Question ecrite de Philippe Fontaine à Marie Dominique SIMONET, Ministre de la Recherche, des Technologies nouvelles et
des Relations extérieures concernant:
"Le nombre de dépôts de brevets et autres mesures de protection intellectuelle comme baromètre de la dynamique de
développement de la Région wallonne."
Début avril 2005, la Commission européenne a présenté son Vllème Programme-cadre pour la recherche. Elle demande d'y
réserver un budget de 67,8 milliards d'euros pour la période allant de 2007 à 2013, soit le double du Programme actuel.
La Commission demande également la nomination d'un Conseil européen de la recherche.
La recherche a toujours été une priorité dans les préoccupations qui ont participé à la création de l'Europe d'aujourd'hui.
En 1957, le Traité de la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier incluait déjà la recherche et la finançait.
Aujourd'hui, il est plus que primordial, c'est une des conditions de survie de l'Europe, de financer la recherche à la
hauteur de nos ambitions et en fonction des nouvelles répartitions entre zones de production et centres d'innovation et
d'excellence. C'est avec le développement de ceux-ci que l'Europe a sa place demain.
Aujourd'hui, la recherche ne peut plus se concevoir avec de grands cerveaux et peu de moyens comme à l'époque où l'Europe
concentrait en son sein la quasi totalité des cerveaux du monde. Les sirènes de l'argent et la pléthore de laboratoires
suréquipés de part le monde attirent la foule des plus grands cerveaux de ce monde hors de chez nous.
l'Europe est en train de perdre son prestige scientifique pourtant, et depuis tout temps, elle est le berceau de la
communauté scientifique mondiale. Jusqu'en 1940, la physique se faisait quasi exclusivement en Europe. La mécanique
quantique, c'est en Europe qu'elle a été pensée: Bohr, Schrôdinger, Fermi, Einstein, ...sont européens. L'internet est
européen, mais l'essentiel des technologies de l'information et de la communication se passe aux Etats-Unis, tout comme
pour les biotechnologies et la biologie moléculaire et demain, pour les nanotechnologies.
Le développement scientifique ne peut plus se concevoir comme uniquement de la recherche, mais il faut aussi manifester un
intérêt pour la technologie qui accompagne la science et, un positionnement stratégique de l'Europe dans le monde de
l'innovation passe par la revalorisation du statut des chercheurs, le financement des laboratoires, une simplification de
l'accès à la protection intellectuelle des recherches et en amont, une sensibilisation des jeunes aux carrières
scientifiques.
Cette réalité européenne n'est que le reflet ou conditionne (mais le résultat est le même), la réalité des pays qui la
constituent. Comment dès lors mesurer le dynamisme des pays européens en matière de "niveau de recherche" ? En analysant
un de ses indicateurs: les brevets déposés chaque année par les laboratoires pour protéger le fruit de leur recherche,
qu'il s'agisse de protéger la propriété intellectuelle ou la paternité technologique.
Madame la Ministre, mes questions seront les suivantes :
-Nous disposons des chiffres Eurostat du nombre de dépôts de brevets en Région wallonne, ainsi que ce chiffre pour la
Région flamande. Une fois de plus, les demandes de brevets
déposées auprès de l'Office européen des Brevets en Wallonie étaient encore jusqu'en 1998, le tiers de ce qu'elles étaient
en Flandre (141 en Wallonie contre 347 en Flandre), pour commencer à s'améliorer à partir de 1999, sous l'impulsion des
outils et la dynamique mises en place par Serge Kubla pour atteindre une proportion qui se rapproche des 50 % en Wallonie
par rapport au nombre de demandes déposées en Flandre en 2002 (407 en Wallonie contre 946 en Flandre). Pouvez-vous me dire
ce que vous mettez spécifiquement en place pour porter plus loin ce qui a été amorcé avec succès par votre prédécesseur ?
-Pouvez-vous me dire comment se situe la Belgique sur le plan européen en terme relatif sur ce plan (demande de brevets) ?
Certaines études statistiques placent la Belgique et donc la Région wallonne assez loin dans ce classement. Ainsi, les
statistiques recueillies par l'organisation Thomson Scientific pour 2004 montrent que parmi les 30 pays les plus
développés, la Belgique arrive parmi les derniers, juste devant la Roumanie, le Mexique et l'Irlande et derrière la
Tchéquie et la Hongrie. En terme de brevets par millions d'habitants, elle est même derrière l'Irlande. Pouvez-vous
confirmer cette triste tendance et que mettez-vous en place pour y remédier ?
Venons-en maintenant à l'analyse d'un secteur particulier: les nouvelles technologies que nous envisageons au sens large.
Nous avons donc repris les secteurs suivants (selon une classification de l'OEB) : technologies des microstructures et
nanotechnologies, technologies, en général, sciences nucléaires, les technologies électriques, électroniques et
technologies de la communication électronique. Si l'on se base sur ces "unités" spécifiques pour la Belgique, la
proportion est, en 2003 (derniers chiffres disponibles) de 12% du nombre total de demandes européennes déposées contre
près de 20 % en Allemagne, 25,6 % en France, 28,2 % au Japon et 19,9% pour les Etats-Unis. Or, tous les observateurs des
classes politique et scientifique s'accordent à dire que l'avenir de l'Europe et donc des pays qui la composent passe par
le développement massif des nouvelles technologies.
Ces chiffres doivent encore progresser et continuer l'impulsion enclenchée sous la législature précédente. En effet, ce
même chiffre (les 12 %) avec les mêmes "unités" était de 0,75% en 1997, mais passait déjà à 10 % en 2000 après un an de
législature.
Que comptez-vous mettre en place pour prolonger les efforts considérables qui ont été faits avant vous pour mieux
positionner la Région wallonne par rapport à ses partenaires européens ?
Réponse de Marie Dominique SIMONET,
La situation que vous évoquez est importante et je vous remercie de l'aborder.
La protection de la propriété intellectuelle constitue un élément important de ma politique et comme vous pourrez le
constater à la lecture de cette réponse, j'accorde une attention particulière à la question du dépôt de brevet.
Comme vous le demandez, je commencerai par rappeler les différentes mesures prises en Région wallonne depuis 1999 afin de
faciliter et augmenter le nombre de brevets déposés par les universités, entreprises et centres de recherche.
Depuis plusieurs années déjà, les universités ont été sensibilisées par les gouvernements successifs à l'importance de la
protection de la propriété intellectuelle. C'est ainsi qu'elles demandent à leurs chercheurs, dans la mesure du possible,
de présenter à leur interface universitaire les résultats des recherches qui seraient susceptibles d'être brevetées.
En 1998, le Ministre Ancion, conscient du problème de financement du dépôt de brevet, a souhaité stimuler les universités
à déposer plus de brevets. Il a constitué dans chaque université un fonds de protection juridique. Les universités peuvent
y imputer l'ensemble des frais relatifs au dépôt du brevet. A ce jour, 81 brevets ont été déposés avec l'aide de la Région
wallonne. Le Ministre Ancion a également pris l'initiative de soutenir financièrement des « valorisateurs » qui ont entre
autres pour mission de rechercher quelles inventions sont susceptibles d'être brevetées au nom des universités.
En 2002, le Ministre Kubla a pris une initiative en faveur des PME.
J'ai interrogé mon administration afin de connaître l'importance de l'utilisation de cette mesure et j'ai dû constater que
les PME ont été peu nombreuses à utiliser cette mesure.
Suite à une consultation de plusieurs entreprises wallonnes susceptibles de déposer des brevets, j'ai soumis à l'avis du
Conseil de la Politique Scientifique des propositions de
modifications au règlement existant afin de rendre la mesure plus motivante et stimulante pour les PME.
J'examinerai ensuite si la nouvelle mesure pourrait également être étendue aux Centres de recherche agréés par la Région
wallonne.
Par ailleurs, je souhaite également signaler que les entités de recherche qui participent au 6ème Programme Cadre de R&D de
l'Union européenne peuvent imputer 50% des frais relatifs au dépôt des brevets au financement obtenu de l'UE et ce pendant
toute la durée d'exécution du projet. Le NCP-Wallonie, localisé à l'Union Wallonne des Entreprises (UWE) et pour lequel
le Gouvernement, sur ma proposition, vient de reconduire la subvention jusqu'en avril 2008, attire d'ailleurs l'attention
des participants à des programmes européens sur cette possibilité.
Enfin tout comme vous, j'ai pu constater que dans les statistiques publiées par l'Office européen des brevets, la Belgique
pourrait obtenir une place plus importante. Les résultats obtenus par les régions et sous-régions sont très inégaux.
Comme vous le savez, nous disposons d'excellents chercheurs dans nos universités. Toutefois, des actions doivent être
entreprises afin d'améliorer encore la valorisation des résultats des recherches universitaires. Les brevets constituent
un élément très important de cette politique de valorisation.
Des actions seront également menées à l'égard des entreprises, principalement des PME et des Centres de recherche afin de
les sensibiliser à l'importance des brevets.
L'étude, intitulée « Innovation et R&D dans les régions belges dans une perspective européenne » réalisée par le Bureau
du Plan et publiée en juin 2005, précise en effet que la Région flamande avec 158 brevets par million d'habitants et la
Région de Bruxelles-Capitale avec 174 brevets par million d'habitants figurent parmi le groupe de tête des régions
étudiées par le Bureau du Plan. Certes le nombre de brevets en Région wallonne, soit 121 brevets par million d'habitants,
se situe en dessous de la moyenne européenne qui est de 158 brevets par million d'habitants. Toutefois il est opportun de
signaler que le Brabant wallon fait partie du « top » 15 des régions européennes (8 régions NUTS allemandes, une région
NUTS néerlandaise et une finlandaise la devancent) . Cette province enregistre 382 brevets par million d'habitants en 2002,
et concentre ainsi à elle seule 35% des activités de la Région wallonne en matière de brevets. On peut donc constater que
les résultats sont différents selon les régions et sous-régions.
Je souhaite également souligner qu'au cours de la période 1995-2002 et comme constaté dans un grand nombre de pays
européens, le nombre de brevets déposés auprès de l'Office européen des brevets (OEB) a nettement augmenté en Belgique.
En Belgique, c'est la Région wallonne qui affiche la plus forte augmentation du nombre de brevets déposés au cours de cette
période. La Région wallonne a enregistré une progression annuelle de 16.2%, la Région flamande de 7.2% et la Région de
Bruxelles-Capitale de 11.1 %, la moyenne européenne étant de 10.9%.
Malgré cette tendance positive, les mesures existantes seront poursuivies et intensifiées et des initiatives nouvelles
seront prises qui amélioreront encore, je l'espère, la place de toute la Région wallonne.