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La recherche de sources d’énergie alternatives...
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Question écrite de Philippe Fontaine, Député wallon, à André Antoine, Ministre du Logement, des Transports, de l’Energie et du Développement territorial, concernant :
« La recherche de sources d’énergie alternatives au pétrole en Région wallonne »
Monsieur le Ministre,
Le discours politiquement correct aujourd’hui en matière de sources d’énergie est « énergies renouvelables » ou encore « énergie verte » et ce parce que les vraies préoccupations liées aux problèmes environnementaux du réchauffement climatique du à l’utilisation massive de sources d’énergies fossiles en ont masqué une autre : le coût pour le citoyen.
Aujourd’hui, il semble que, si les préoccupations environnementales perdurent – et à juste titre – celles liées au coût de l’énergie sont rentrées dans le débat ce qui a pour conséquence d’ouvrir à nouveau le champ à des sources d’énergie « moins vertes » mais aussi et surtout moins dépendantes de la flambée du pétrole.
Ainsi, le Pays de Galles rouvre certains puits de mine fermé au siècle passé après avoir reconsidéré les millions de tonnes de charbon qui se trouvent encore dans les entrailles de son territoire. En la matière il semble que la Wallonie, terre de houille, ne soit pas si mal placée elle non plus que ce soit pour l’exploitation « » du charbon ou sa transformation en gaz in situ pour celui qui serait le moins accessible.
Je ne vais revenir que rapidement sur l’exploitation du grisou lui aussi contenu dans le sous sol minier. Le dossier semble gagner du terrain, Albert Frère et Arcelor s’y intéressent vous le savez, mais butent encore sur le refus de la Région de donner aux exploitants du grisou les certificats verts réservés aux énergies renouvelables. Il semble que la demande en la matière se précise : il ne s’agirait plus de convaincre que le grisou est une énergie renouvelable mais plutôt de prouver l’impact environnemental positif de son exploitation et d’en faire une exploitation « verte ». La demande serait davantage d’élargir la notion de certificat vert ou d’en créer un autre dédié aux exploitations d’énergies qui ne sont pas considérées comme renouvelables mais dont l’exploitation doit être considérée comme bénéfique pour l’environnement.
La mine semble aussi contenir une autre source d’énergie potentiellement exploitable : les eaux chaudes. Des expériences sont actuellement menées dans certains pays où des chauffages urbains sont alimentés par captage des eaux chaudes contenues dans le sous sol minier. Le Hainaut valorise les eaux chaudes du sous sol depuis longtemps. A Mons, plus exactement à Saint-Ghislain, Douvrain et Ghlin, des installations de géothermie pures ou couplées à de la biomasse constituent des sources d’énergies alternatives.
Mes questions sont les suivantes :
- Etes-vous conscient et d’accord avec le fait qu’il faille autant rechercher une meilleure autonomie énergétique que développer les énergies renouvelables en Région wallonne ?
- Votre département énergie coordonne-t-il des études qui envisageraient la recherche en vue de l’exploitation de sources d’énergies alternatives fussent-elles plus polluantes que les énergies vertes mais qui seraient moins coûteuses d’utilisation pour l’industrie et le citoyen ? Lesquelles ?
- Les quelques pistes évoquées plus haut font-elles à votre niveau l’objet de recherche à des fins d’acquisition d’une autonomie énergétique plus importante ? Par exemple, d’autres sondages sont-ils pratiqués en Région wallonne à la recherche d’eau chaude ?
- Les expériences de géothermie en Hainaut sont-elles concluantes ? Pouvez-vous me donner une estimation de l’économie que représente l’utilisation de la géothermie en Hainaut plutôt que des sources d’énergies classiques ?
- Pourquoi le projet concernant la valorisation et l’exploitation de la géothermie introduit par l’IDEA dans le cadre du Programme 2007-2013 des Fonds structurels européens, axe 3 « développement territorial équilibré et durable », n’a-t-il pas été retenu alors qu’il aurait conduit à une économie de 3000 tonnes d’équivalent pétrole et à une réduction de 11.000 tonnes de rejet de CO² par an ?
- Seriez-vous disposé à élargir la définition des certificats verts pour qu’ils puissent être donnés aussi à certains types d’exploitations qui, in fine, sont bénéfiques pour la préservation de notre environnement ? Lesquelles ? Et si non, pourquoi ?
- Que pensez-vous de créer un nouveau certificat dédié aux exploitations de sources d’énergies qui ne sont pas traditionnellement reconnues comme énergie verte ou renouvelable mais dont l’exploitation est bénéfique pour l’environnement ? Et si non, pourquoi ?
Réponse du Ministre André Antoine,
Avant de donner des éléments de réponse aux questions que l'honorable Membre me pose, une mise au point technique s'impose. En effet, il est ici question de plusieurs technologies très différentes tant dans leur origine que dans leur usage et dans le bénéfice qu'elles peuvent apporter à la société.
Les installations géothermiques permettent l'exploitation de la chaleur naturelle de la terre. En Belgique, la température du gisement permet de la géothermie de basse énergie (c'est-à-dire < à 80° C) dont l'utilisation est limitée à la production de chaleur (chauffage essentiellement).
Par rapport à la plupart des énergies renouvelables, l'énergie géothermique présente l'avantage de ne pas dépendre des conditions atmosphériques, ni même de la disponibilité d'un substrat, comme c'est le cas de la biomasse, elle procure donc une source d'énergie assez fiable et stable dans le temps.
Cependant, il ne s'agit pas d'une énergie entièrement inépuisable, si le rythme auquel l'énergie géothermique se reconstitue est inférieur à celui auquel elle est exploitée, un puits verra un jour son réservoir calorifique diminuer.
La valorisation de cette chaleur implique la création de réseaux de chaleur.
La valorisation de « l'eau des mines » consiste à utiliser la chaleur contenue dans l'eau stockée dans des puits de mines désaffectés grâce à un réseau de chaleur. Il y aura lieu de vérifier par des études si la source est suffisante en température et en débit.
La commune de Heerlen, aux Pays-Bas, est en train de mettre sur pied un projet dont l'objectif est de déterminer la possibilité de chauffer et de climatiser des quartiers grâce à l'eau stockée dans les galeries de mines. Les études estiment que ce concept d'énergie durable permettrait une économie de CO2 de 50 %.
Il faut donc distinguer les gisements naturels d'eau chaude tels que celui qui est exploité à Mont-Saint-Ghislain de « l'eau des mines ».
Le grisou quant à lui est un gaz adsorbé dans le charbon, il s'agit donc bien d'un combustible fossile qui pourrait être utilisé de la même manière que le gaz naturel. Il faudra toutefois être attentif aux difficultés d'extraction.
Question 1:
La politique belge se compose des compétences complémentaires du Fédéral et des Régions qui ?oeuvrent de manière coordonnée vers plusieurs objectifs parmi lesquels la sécurité d'approvisionnement énergétique, cet aspect étant géré par le Ministre fédéral de l'Energie. Il n'appartient pas au Ministre régional de répéter dans sa propre politique les mesures prises par le fédéral.
II est vrai que, vu les ressources disponibles sur le territoire wallon (et belge), nous ne pouvons nous permettre de négliger aucune piste, Toutes les filières énergétiques, renouvelables ou non, doivent être étudiées et exploitées en parallèle afin de permettre une diversification du mix énergétique.
Question 2:
Les projets financés suite aux programmes mobilisateurs de recherche en énergie concernent l'efficience énergétique et les énergies renouvelables.
Cependant,
- en 2002, la Région wallonne a financé la participation de la Faculté polytechnique de Mons au projet européen RECOPOL un projet européen de R&D en matière de stockage de CO2 dans les veines de charbon et de récupération du méthane adsorbé (coal bed methan), financé par la Commission européenne, cinquième programme - cadre de recherche. Cette aide a permis par la suite à la FPMs de participer au projet RECOPOL phase Il financée par le sixième programme - cadre de recherche de la Commission européenne;
- la mesure 12 du Plan Air-Climat consiste en le développement d'une filière novatrice en matière de stockage de CO2 dans la houille sur base d'un projet pilote;
- lors d'un programme mobilisateur lancé le 26 février 2007 financé par la Plan Marshall. la fusion nucléaire figurait parmi les 5 thèmes éligibles (Gouvernement wallon du 23 novembre 2006, point B24).
Première précision, les énergies non vertes ne sont bien sûr pas considérées comme durables mais elles ne sont pas nécessairement plus polluantes que les énergies vertes.
Les technologies classiques peuvent même apporter un plus par rapport aux énergies vertes quand elles apportent des solutions au problème de déchets par exemple. Toute la conversion thermique (pyrolyse, thermolyse, gazéification, hydro-gazéification ou encore la liquéfaction directe) de déchets hydrocarbonées doit être comprise dans ce sens.
La définition des énergies renouvelables est principalement reprise dans le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité et la Directive 2001177/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité. Par « sources d'énergie renouvelables », on entend toute source d'énergie autre que les combustibles fossiles et la fission nucléaire, dont la consommation ne limite pas son utilisation future, notamment l'énergie hydraulique. l'énergie éolienne, l'énergie solaire, l'énergie géothermique, le biogaz, les produits et déchets organiques de l'agriculture (comprenant les substances végétales et animales) et de l'arboriculture forestière ainsi que des industries connexes, et la fraction organique biodégradable des déchets, les gaz de décharge et les gaz des stations d'épuration d'eaux usées.
Cependant, la valorisation de sources d'énergies alternatives non strictement "renouvelables" n'est pas dénuée d'intérêt. Ainsi la valorisation énergétique des gaz de hauts fourneaux peut être réalisée aujourd'hui dans des conditions permettant de réduire l'impact environnemental (hors émission de CO2) à un strict minimum, iI reste cependant le problème des émissions de CO2 à résoudre. La solution est cherchée par le développement de technologies de captation et de stockage. La mise au point de ces technologies (CCS - Carbon Capture and Storage) fait actuellement partie de programmes de recherches importants en Europe et dans le monde entier.
Le projet de création de l'Eco-Techno-Pôle-Wallonie (ETP-W), société coopérative, en partenariat public - privé, initié par l'ISSeP et dont l'objet social est justement de développer des technologies respectant l'écologie, constituera l'apport direct de la Wallonie au programme d'action européen pour la promotion des Eco-Technologies (ETAP - Eco-Techologies Action Program).
Questions 3 et 4
En 2006, d'une production primaire de 21.8 GWh de chaleur, 14.1 GWh ont été valorisés sous forme de chaleur utile. L'exploitation du réseau de chauffage urbain de Saint-Ghislain a fourni 80% de son énergie au secteur tertiaire et 20% au logement. Le puits de Douvrain participe pour sa part au chauffage de l'hôpital Louis Caty à Baudour.
Économie d'énergie suite à l'exploitation de la géothermie en Hainaut:
- 2,3 millions de m3 de gaz naturel par an;
- 5.400 tonnes de CO2 évités par an
Une étude socio-économique, cofinancée par la Région Wallonne et les fonds européens, a été menée pour évaluer la demande de chaleur et donc la rentabilité d'exploiter le troisième puits existant à Douvrain. Certaines informations parues récemment dans la presse évoquent la possibilité de rendre ce troisième puits opérationnel. La température de l'eau est de 71°C, pression 5 Bars, débit 130 m3/heure.
Question 5
Le projet concernant la valorisation de la géothermie présenté dans le cadre du Programme 2007-2013 des Fonds structurels européens, axe 3 "développement territorial équilibré et durable" avançait les chiffres d'économie de 3000 TEP par an et de réduction des émissions de CO2 de 11.000 tonnes par an. Malgré qu'il s'agissait d'un projet intéressant, les membres de la Task Force n'ont pas jugé ce projet prioritaire.
Question 6
Il n'est pas envisagé d'élargir la définition des Certificats verts. En effet, tout l'équilibre du système repose sur ces définitions et les exigences posées pour pouvoir en bénéficier. Provoquer un déséquilibre nuirait au développement de l'ensemble des filières renouvelables, tout le système a été mûrement réfléchi et repose sur une certaine pérennité et pourraient même conduire à une augmentation de la facture énergétique sans que cette augmentation ne s'accompagne d'un bénéfice environnemental (au contraire).
Pour rappel, la définition est déjà large et objective, elle ne promeut pas une filière plus qu'une autre, tout producteur d'électricité qui prouve 10 % d'une économie de CO2 par rapport à la filière classique peut bénéficier du mécanisme.
Question 7
En ce qui concerne la production de chaleur « verte », des réflexions sont en cours à tous les niveaux de pouvoir sur la mise en place d'un outil de soutien. Sera-t-il semblable à celui du mécanisme des certificats verts, il est trop tôt pour le savoir. Il existe toutefois déjà des outils de promotion pour les installations de production de chaleur, on peut citer, la prime SOLTHERM, la prime pour le chauffage au bois et la prime PAC.