Présentation |
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Les événements du 11 septembre 2001, actes de terrorisme aveugle faisant des milliers de victimes
innocentes à New -York et Washington, ont plongé notre planète dans une crise que l’on veut
« contenue » dans sa dimension économico-politique, que l’on veut fédératrice d’une grande
solidarité mondiale d’intervention mais que l’on s’accorde peut-être moins à gérer dans ses
conséquences sur l’équilibre humain de la vie dans une société plurielle, multiconfessionnelle,
poly-culturelle et interraciale.
Ce type d’agression de l’humanité donne des impulsions nouvelles à des dérives qu’une régulation sociale parfois relâchée a du mal à contenir. Nous avons besoin de responsables, de punir (le concept de sanction est culturellement inscrit en nous plus que le concept de récompense), bref, de désigner un bouc émissaire qui peut prendre les formes de tout ce qui est différent de notre cadre de référence habituel. Dans le contexte actuel, les dérives sont l’œuvre d’individus qui profitent d’une situation conflictuelle internationale, pour donner libre cours à leur intolérance, et de cette période d’actes de terrorisme imputés aux islamistes pour faire retomber les conséquences de leur haine raciste, par exemple, sur la communauté musulmane. Evidemment ici, quand on parle de tolérance ou d’intolérance, l’occasion est rêvée, presque légitime, de choisir une communauté en particulier mais les handicapés, les barbus, les noirs ou les politiciens pourraient très bien faire l’affaire. Historiquement, le mot tolérance servait à désigner l’attitude qui consiste à supporter ou à accepter ce que l’on aurait le droit ou la possibilité d’empêcher. Son sens était donc exclusivement péjoratif et la tolérance est alors le signe de la condescendance du pouvoir absolu. Avec le temps, le concept évolue et devient l’indulgence pour ce qu’on croit ne devoir pas empêcher. Visant à préciser cette évolution, dans un contexte historique de séparation entre l’état et la religion, mouvement irréversible qui annoncera la laïcité au XIXème siècle,
la tolérance
pourra être raisonnablement définie comme celle qui permet la liberté de penser, de professer
la croyance qu’il juge la meilleure.
L’usage du mot tolérance s’est aujourd’hui généralisé – on pourrait dire galvaudé - et surtout celui d’intolérance. Qui oserait se dire intolérant ? On entend même dire que c’est l’intolérance qui génère tel ou tel crime barbare. Il y a donc une sorte de consensus mou qui fait de la tolérance une modalité d’acceptation de toute forme de différence y compris génératrice de violence, qui fait de la tolérance un modalité d’enfermement de l’autre dans son statut quel qu’il soit (démuni, étranger, etc.) au nom du respect de cette personne, respect appelé « tolérance ». On pourrait dire : « tolérons-nous les uns les autres, chacun chez soi avec ses différences et les vaches seront bien gardées ». A chacun ses écoles, à chacun sa musique, à chacun sa maison ou mieux son bloc, apparaissent dans cette forme de tolérance comme son aboutissement qui n’est en fait que la reproduction du principe même de ghetto….alors que la tolérance doit trouver son application dans toutes les formes de diversité humaine et dans la transformation de chacun en acteur de son sort individuel et collectif, bref dans la généralisation, voire la banalisation, de la citoyenneté dans tout ce qu’elle comporte comme prise de responsabilité y compris quand elle pose les limites de la tolérance. Car l’abus nuit en tout, y compris l’abus de tolérance béate ! Cette logique de la mise à plat de toutes les pensées, du « chacun est libre », du « toutes les opinions se valent », du « tout est permis », cette tolérance là ne risque-t-elle pas de revêtir les atours de la non-assistance à personne en danger et de se confondre avec la perte de valeur qu’elle prétend combattre. Plus loin, la tolérance n’a de signification que dans sa limite sous peine d’être contradictoire et de s’autodétruire . Cette limite doit consister à pouvoir dénoncer l’intolérable (l’injustice, la souffrance d’autrui, la violence, etc.) et surtout à considérer comme criminelle l’incitation à l’intolérance. |