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Questions orales

     

 Questions du 06/02/07

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  La fréquentation des bibliothèques publiques...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Fadila Laanan, Ministre de la Culture, concernant :
« La fréquentation des bibliothèques publiques »


Madame la Ministre,
13% de la population de la Communauté française fréquente les 544 bibliothèques qui forment le réseau des centres de lecture publique en Communauté française.

La dernière évaluation du réseau par les services de la lecture publique du Ministère de la Communauté française et publiée dans le Faits et Gestes n°20 met en lumière une évolution du rôle et de la fonction des bibliothèques .

Le nombre des bibliothèques est en progression de 9% mais dans le même temps le nombre d’usagers est en baisse de 2%, ce qui est aussi le chiffre de la diminution du nombre de prêts. Ce pourcentage augmente si on exclut du nombre d’usagers ceux qui sont des utilisateurs des services et produits dérivés que proposent les bibliothèques comme les animations diverses ou les initiations à l’internet. J’ajoute qu’il s’agit là des chiffres de 2004.

Les opérations de sensibilisation à la lecture ne portent manifestement pas leurs fruits puisque le taux de renouvellement des membres est inférieur au pourcentage de membres qui ne renouvèlent pas leur abonnement. Le nombre des collectivités, et donc les écoles, est également en baisse. Le pourcentage de nouveaux jeunes par exemple est supérieur de seulement 1% en 2004 par rapport à 2003. Par contre, 79% des usagers des bibliobus sont des jeunes.

Je ne voudrais cependant pas associer la baisse de fréquentation uniquement au faible succès des campagnes de sensibilisation. Le concept de bibliothèque est en mutation et en vient à dépasser la simple structure qui met le livre à disposition du public. Une bibliothèque « doit » proposer aujourd’hui des produits dérivés pour répondre à une attente du public, en fait, surtout, pour garder un certain public de plus en plus séduit par toutes les nouvelle formes de supports d’information.

Ainsi, une bibliothèque devient aussi un peu médiathèque en proposant des CD car lire aujourd’hui c’est écouter. Lire c’est aussi regarder, surfer ou jouer.

Mes questions sont les suivantes Madame la Ministre :

- les bibliothèques semblent survivre non pas parce qu’elles ont su susciter l’envie de lire mais parce qu’elles se sont étoffées de produits dérivés qui s’inscrivent dans l’air du temps mais qui concourrent aussi à éloigner un peu plus le public du livre. Que pensez-vous de cette tendance qui de toute façon au regard des chiffres ne suffit pas à contrer la désaffection ?

- De toute évidence, la perte des lecteurs aurait été pire encore s'il n'y avait pas eu accroissement de l'offre de bibliothèques. Cependant l'accroissement de l'offre de bibliothèques paraît inutile puisque le nombre de lecteurs ne suit pas ! Pouvez-vous m’expliquer la logique poursuivie d’augmenter le nombre de bibliothèques de façon significative puisque cela n’a aucun impact sur les chiffres de fréquentation et de prêt ?

- Les conclusions de l’enquête parlent de « déficit d’image de l’institution bibliothécaire et de diminution dans la population de l’envie de lire ». Pensez-vous que la revalorisation de cette image passe par le développement d’activités qui encouragent à mettre le livre de côté ?

- De plus ces activités annexes, mais qui par leur succès prennent le pas sur l’objet des bibliothèques, ne sont subventionnées qu’au coup par coup par la communauté française qui peut sur acceptation de dossiers subventionner ou non une animation ou un investissement informatique de façon ponctuelle et non récurrente. Que pensez-vous d’affaiblir l’objet principal et récurrent des bibliothèques en lui juxtaposant des activités ponctuelles ? N’est ce pas faire un écran de fumée pour mieux masquer les vrais problèmes et surtout pour mieux ne pas les solutionner ?

- Enfin, les conclusions de l’enquête annoncent que vous êtes favorable à l’idée de modifier et compléter la mission des bibliothèques par un rôle d’éducation permanente renforcé notamment par la lutte contre l’analphabétisme ou encore organiser le rapprochement entre des publics éloignés de la lecture et les bibliothèques. Ne pourrait-on pas déjà commencer par rapprocher les collectivités (classes, organismes d’éducation permanente, homes, centres de jeunes, etc) dont la fréquentation est elle aussi en baisse, s’agissant , en somme, d’un public captif qu’il est très facile d’orienter vers les bibliothèques ? Pourquoi ne pas avoir recentré plus tôt sur ce type d’objet plutôt que de laisser les bibliothèques trop se diluer dans d’autres types d’activités qui ont finalement un effet pervers sur leur objet ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– Je voudrais rappeler qu’en terme de fréquentation, le secteur de la lecture publique est le deuxième opérateur culturel, juste après les salles de cinéma.
Parmi les politiques culturelles de la Communauté française, c’est celle qui a le meilleur rendement.
En 2004, 586 941 citoyens et 10 832 groupes ont fréquenté les bibliothèques publiques.
Cela représente pour le public individuel 14%de la population et 16% de fréquentation si l’on y ajoute les collectivités.
Il n’entre pas dans mes intentions de nier la baisse tendancielle de visites des bibliothèques.
Je voudrais néanmoins nuancer votre constat.
Le taux de fréquentation des bibliothèques a chuté d’un peu moins de 2 %, c’est exact.
En revanche, il n’y a pas eu 9 % de nouvelles bibliothèques reconnues.
Durant la période que vous envisagez, j’ai conclu six nouveaux contrats-programmes et en ai supprimé quatre pour des raisons de non-respect de la législation en matière de lecture publique.
Il y a donc deux réseaux de plus et au total, c’est de 1,7 % que le nombre d’implantations locales augmente.

En outre lorsque nous reconnaissons une bibliothèque, il s’agit généralement d’un établissement existant et non d’une création.
À quel titre devrais-je refuser à certains pouvoirs organisateurs locaux le soutien que j’accorde à d’autres ?

Quelles que soient les nouvelles fonctions des bibliothèques et leur offre de ce que vous appelez les « produits dérivés », je souhaite affirmer que la mission première de la bibliothèque reste le prêt du livre.
Certaines au demeurant n’assument que cette tâche.
L’objectif des bibliothèques lorsqu’elles se tournent vers d’autres activités n’est pas de camoufler la diminution du nombre d’usagers, mais de trouver des solutions pour tenter d’y remédier.
Le « produit dérivé » le plus utilisé au sein des bibliothèques est l’animation, dont l’objectif est précisément d’attirer de nouveaux publics, et d’en faire des lecteurs réguliers.

Il est donc inexact de dire que les bibliothèques mènent des activités qui encouragent à mettre le livre de côté.
Mon but est bien d’amener de nouveaux publics à la lecture et certainement pas de créer un écran de fumée destiné à masquer quelques difficultés.

La légère diminution de fréquentation par les publics scolaires a amené les bibliothécaires à faire de gros efforts pour les faire revenir ; les rapports 2005 et 2006 devraient en rendre compte.

En conclusion, vous avez raison de souligner que les bibliothèques voient leur nombre d’usagers diminuer.
C’est préoccupant, mais ce n’est pas dramatique.
Je mettrai tout en oeuvre dans les années à venir pour trouver des solutions à ce problème.
La modernisation du secteur de la lecture publique nécessite une révision de la législation, qui tienne compte des nouvelles missions des bibliothèques, et des moyens budgétaires importants.
Sous réserve des marges disponibles, j’ai prévu une augmentation de deux millions d’euros pour 2008 dans le cadre des « priorités culture ».
La législation en cours de révision favorisera les collaborations entre les bibliothèques et les autres acteurs culturels et éducatifs de manière à conquérir de nouveaux publics.
J’ai également programmé une grande campagne de revalorisation de l’image des bibliothèques qui s’étendra de l’automne 2007 à la fin 2008.

Je ne puis que vous recommander la lecture du cahier du Centre de lecture publique de la Communauté française consacré à l’évolution du réseau de la lecture publique en 2004, dont les chiffres sont un peu plus détaillés et permettent de compléter l’analyse de la feuille de liaison Faits et gestes, qui n’est qu’un résumé.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je crois madame la ministre que nous ne sommes pas loin de penser la même chose.
Si ce n’est qu’en tant que parlementaire, j’ai une analyse des chiffres un peu plus critique que la vôtre.
La lecture publique est effectivement une des activités qui donne le meilleur rendement en Communauté française.
Mais à partir du moment où on constate une baisse ou une stabilisation, il est logique qu’on s’interroge.
Je pense qu’il faut veiller à ce que les autres secteurs de la communication n’entraînent pas une diminution du goût des jeunes pour la lecture.
On ne lit pas un livre comme on lit sur un écran d’ordinateur.
L’activité intellectuelle est différente et il faut tout faire auprès des jeunes et dans les milieux scolaires pour que le goût du livre et de la lecture, qui amène à la réflexion, soit développé.

Je crains que la lecture ne soit remplacée par le surf sur Internet ou le zapping télévisuel.
Je lirai avec intérêt le document que vous m’avez remis.
Tous les acteurs de la culture devraient aujourd’hui se soucier de la désaffection du livre.