Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
– Je préciserai tout d’abord le contexte dans lequel le ministre Dewael a initié cette circulaire. Tout
d’abord, un projet pilote partenariat école-police existait déjà en Flandre, notamment à Anvers. De plus,
le gouvernement de la Communauté française a pris certaines mesures suite à l’affaire Joe Van Holsbeeck.
Un groupe de travail commun fédéral/entités fédérées s’est penché sur la problématique des violences dans
notre société, et plus particulièrement celle des mineurs délinquants.
L’articulation des mesures prises sur la base de la loi de 1965 et des mesures préventives décidées par les
différents niveaux de pouvoir est une démarche intéressante. Étant donné la complexité institutionnelle de
notre pays, il convient en de telles circonstances de nous réunir autour d’une table afin d’échanger nos
idées, plus ou moins sécuritaires ou répressives, à propos de la gestion des phénomènes de violence dans
notre société.
La circulaire de M. Dewael prévoit effectivement le renforcement et/ou l’ajustement de la politique de
sécurité locale, ainsi qu’une approche spécifique de la criminalité juvénile avec, en particulier, la
création d’un point de contact pour les écoles. Il s’agit d’une démarche de service du fédéral. Conformément
à la proposition de M. Dewael, les points de contact sont assurés par des policiers spécialisés dans
l’accompagnement de jeunes en difficulté.
La circulaire de M. Dewael trouve son origine dans les récents événements dramatiques qu’a connus notre pays.
Au moment de l’assassinat de Jo, tout le monde s’accordait pour dire qu’il s’agissait d’un crime crapuleux
et réclamer des mesures prenant cette réalité en considération. Cette circulaire traite spécifiquement de
la violence, de la menace avec violence, de l’extorsion et de la détention d’armes par les jeunes. Il ne
s’agit pas d’une approche généralisée de l’absentéisme scolaire. Je ne pense d’ailleurs pas que la gestion
de ce problème incombe à la police mais elle s’inscrit dans la problématique de la violence.
Les directives du ministre Dewael doivent respecter le cadre défini par la loi sur la fonction de police et
s’articuler avec les missions de l’école telles que définies dans le décret du 27 juillet 1997 et les
dispositions légales régissant son fonctionnement. Cette circulaire a le mérite de jeter des ponts entre
deux institutions qui possèdent des logiques souvent différentes et qui développent des stratégies
spécifiques parfois considérées comme contradictoires.
À la suite des mutations sociologiques de notre société, bon nombre de chefs d’établissement sont amenés
à collaborer avec les forces de police, dans le strict respect de leur code déontologique.
La fréquence de ces initiatives varie en fonction des zones et de la nature des problèmes de violence
rencontrés soit au sein de l’institution, soit dans son environnement proche. Ainsi, dans certaines
communes, des réunions se tiennent régulièrement entre les forces de l’ordre, les directions d’écoles et les
partenaires du monde associatif, qu’il est toujours bon d’associer à ces discussions.
La circulaire de M. Dewael a le mérite de tenter d’élaborer des partenariats, voire des engagements, sous la
forme de conventions, par exemple. Elle permet aussi de s’interroger sur la définition des limites afin de
permettre tant aux responsables d’écoles qu’à la police locale de trouver les solutions les mieux adaptées
à des situations difficiles.
Il ne s’agit nullement de fiançailles entre la police et l’école ! En outre, la politique développée par le
gouvernement de la Communauté française ne prévoit ni présence permanente des forces de l’ordre dans les
lieux d’éducation, ni missions intrusives de leur part.
Par ailleurs, il faut être prudent lorsque l’on associe décrochage scolaire et violence. Un élève en
décrochage scolaire n’est pas forcément un élève violent. Il peut y avoir corrélation entre les deux mais il
faut éviter les raccourcis ! La plupart du temps, il s’agit d’élèves confrontés à des difficultés souvent
génératrices de leur décrochage et non d’élèves qui deviennent violents parce qu’ils décrochent. Il convient,
dès lors, de donner la priorité au dispositif d’accrochage scolaire développé dans les écoles et par les
secteurs de l’aide à la jeunesse. Notre prochaine commission Éducation nous donnera d’ailleurs l’occasion
de discuter des systèmes d’accrochage scolaire (SAS). Ceuxci permettront de travailler sur la compétence
de la Communauté française en matière d’accrochage scolaire pour éviter l’intervention de la police. Il ne
s’agira pas, comme vous le disiez monsieur Fontaine, de représenter l’école comme impuissante et forcée
de céder une partie de son pouvoir à un pouvoir sécuritaire. Nous ne voulons pas déresponsabiliser la
Communauté française dans une compétence qui est la sienne, à savoir inclure les jeunes dans l’école et non
les exclure.
En outre, il me semble essentiel de respecter le rôle de chacun. Transformer la police locale en gestionnaire
du décrochage scolaire ou encore faire endosser aux responsables d’établissements un rôle de délateur zélé
plutôt que de citoyen conscient de ses devoirs, c’est une dérive à éviter. En revanche, je me réjouis que
la police locale s’inscrive dans des actions de prévention, comme elle le fait déjà dans un certain nombre
de domaines, tout en visant à atteindre plus d’efficacité dans la lutte contre des actes de violence dont les
conséquences sont souvent dramatiques pour les victimes et rompent avec l’harmonie de ces lieux d’éducation.
Une circulaire sera prochainement adressée à tous les chefs d’établissement pour les inviter à déterminer, en
concertation avec d’autres acteurs, les modalités d’application des mesures préconisées. Ces collaborations
sont importantes. Il est essentiel que les écoles conservent leur liberté d’action et puissent, en toute
indépendance, définir les modes de collaboration qu’elles estiment les plus judicieux, en fonction de leur
projet pédagogique et des dispositions décrétales régissant le monde de l’enseignement.
M. Philippe Fontaine (MR). – Si je souhaitais connaître la position du gouvernement sur ce sujet, c’est
dans l’éventualité où les autorités de police manifestent un souhait de collaboration. Je n’ai pas dit que
le décrochage s’assimilait à la violence. J’ai parlé de délinquance, ce n’est pas la même chose.
Madame la ministre-présidente, j’attire votre attention sur une émission de la RTBF qui traitait du décrochage
scolaire et montrait les difficultés auxquelles les parents étaient parfois confrontés pour maîtriser ce
problème.
Cette émission montrait que les jeunes en décrochage scolaire devenaient ingérables. Une aide doit être
fournie aux parents. Nous y reviendrons lors de la discussion sur les SAS