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Questions orales

     

 Questions du 16/11/06

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  La collaboration entre les établissements...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Marie Arena, Ministre-Présidente du Gouvernement de la Communauté française, concernant :
« La collaboration entre les établissements scolaires et la police »


Madame la Ministre-Présidente,
Lors de la 5ème séance plénière du Conseil Consultatif des Jeunes de Charleroi (CCJ), qui accueillait la chef de corps de la police locale, les adolescents ont clairement exprimés leur opposition à la délinquance et leur souhait de lutter contre celle-ci par un renforcement de la présence policière à la sortie des écoles pour jouer la carte de la dissuasion. Ils n’ont pas hésité à qualifier la police de « trop localisée et trop statique. »

La circulaire ministérielle PLP 41 du 07 juillet 2006 prévoit le renforcement et/ou l’ajustement de la politique de sécurité locale ainsi que de l’approche spécifique en matière de criminalité juvénile avec, en particulier, un point de contact pour les écoles.

Cette circulaire couvre spécifiquement le champ des phénomènes de violence, de menace avec violence et d’extorsion (steaming) et la détention d’armes par les jeunes. Elle traite en quatre catégories les mesures devant être prises dans ce cadre :

-Elaborer une approche méthodologique de ces phénomènes dans le cadre de la politique de sécurité et policière concertée ;
-Prévoir des mesures d’accompagnement pour garantir un environnement scolaire sûr ;
-Diffuser des initiatives et mesures dans le domaine de l’approche de la criminalité juvénile ;
- Respecter un timing et une procédure strict.

La première catégorie de mesures prévoit notamment l’instauration d’une campagne de sensibilisation (par exemple envers les écoles, les associations de jeunesse, …) ainsi que d’autres actions non encore définies qu’il appartiendra au Conseil zonal de sécurité de décider.

La deuxième catégorie de mesures prévoit la mise en place par la police d’un partenariat avec la ou les communautés scolaires. Ce partenariat devrait déterminer, d’une manière claire et conviviale, les procédures de renvoi et de collaboration entre les diverses communautés scolaires et la police.

La circulaire prévoit également une première concrétisation du partenariat sous la forme d’un point de contact permanent pour les communautés scolaires d’une même zone de police. Le point de contact remplirait une fonction-charnière entre l’école et la police concernant l’absentéisme scolaire – l’école pourrait devoir fournir de l’information à la police – concernant des problématiques liées aux faits de drogue, de violence, de vols ; concernant aussi la façon dont l ‘école devrait prendre contact avec la police en cas de problème.

Tous les spécialistes s’accordent à dire aujourd’hui que les premiers problèmes de délinquance juvénile sont directement liés à l’absentéisme scolaire plus ou moins important. Il semble également établi que les jeunes délinquants vont sévir en rue mais aussi au sein de leur « public » de base c’est-à-dire leurs pairs au sein ou en dehors de l’école. En ça, et aussi en adhésion complète à l’idée que restaurer un cadre répressif à côté de mesures préventives est nécessaire à court terme, la circulaire PLP 41 du Ministre de l’Intérieur me parait intéressante.

Mes questions sont les suivantes Madame la Ministre-Présidente :

Cette circulaire qui prévoit l’association très étroite des communautés scolaires a-t-elle été réalisée en concertation avec les écoles ?
Avez-vous été consultée préalablement ?
Etes-vous vous-même preneuse, de la mise en place de telles mesures de collaboration entre l’école et la police, pour autant qu’elles respectent évidemment les droits et devoirs de chacun, par exemple en termes d’accès aux infrastructures scolaires ?
En quels termes ?
Les écoles ont-elles été associées à la réflexion ?
Si non, ne pensez-vous pas que c’est le meilleur moyen pour échouer là où il faut pourtant agir ?

La circulaire prévoit un partenariat entre l’école et la police. Les modalités de ce partenariat sont-elles à l’étude au Cabinet ?
Comment les écoles envisagent-elles la collaboration avec la police ? Sont-elles preneuses ?

Certaines mesures prévoient, au minimum, le partage de compétences et de missions qui sont jusqu’ici exclusives aux écoles notamment concernant l’absentéisme. Ce partage est sans doute nécessaire à l’efficacité de la collaboration. Des dispositions existant déjà en la matière dans le chef des écoles, comment une certaine forme de gestion du décrochage scolaire par la police vient-elle s’articuler sur les dispositions existantes ?
Ce « partenariat » n’est-il pas plus une « complémentarité » qu’un « partage » ?

Les écoles peuvent-elles refuser de mettre en place ce partenariat à l’initiative de la police selon la circulaire ?

L’action de la police est-elle limitée aux cas de force majeure à la demande de l’école ?
Est-ce la police qui décidera ?

Pour ma part, je me demande plutôt si cela ne permettra pas aux écoles de se libérer de certaines tâches pour se consacrer précisément sur le pédagogique.

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
– Je préciserai tout d’abord le contexte dans lequel le ministre Dewael a initié cette circulaire. Tout d’abord, un projet pilote partenariat école-police existait déjà en Flandre, notamment à Anvers. De plus, le gouvernement de la Communauté française a pris certaines mesures suite à l’affaire Joe Van Holsbeeck. Un groupe de travail commun fédéral/entités fédérées s’est penché sur la problématique des violences dans notre société, et plus particulièrement celle des mineurs délinquants.

L’articulation des mesures prises sur la base de la loi de 1965 et des mesures préventives décidées par les différents niveaux de pouvoir est une démarche intéressante. Étant donné la complexité institutionnelle de notre pays, il convient en de telles circonstances de nous réunir autour d’une table afin d’échanger nos idées, plus ou moins sécuritaires ou répressives, à propos de la gestion des phénomènes de violence dans notre société.

La circulaire de M. Dewael prévoit effectivement le renforcement et/ou l’ajustement de la politique de sécurité locale, ainsi qu’une approche spécifique de la criminalité juvénile avec, en particulier, la création d’un point de contact pour les écoles. Il s’agit d’une démarche de service du fédéral. Conformément à la proposition de M. Dewael, les points de contact sont assurés par des policiers spécialisés dans l’accompagnement de jeunes en difficulté.

La circulaire de M. Dewael trouve son origine dans les récents événements dramatiques qu’a connus notre pays. Au moment de l’assassinat de Jo, tout le monde s’accordait pour dire qu’il s’agissait d’un crime crapuleux et réclamer des mesures prenant cette réalité en considération. Cette circulaire traite spécifiquement de la violence, de la menace avec violence, de l’extorsion et de la détention d’armes par les jeunes. Il ne s’agit pas d’une approche généralisée de l’absentéisme scolaire. Je ne pense d’ailleurs pas que la gestion de ce problème incombe à la police mais elle s’inscrit dans la problématique de la violence.

Les directives du ministre Dewael doivent respecter le cadre défini par la loi sur la fonction de police et s’articuler avec les missions de l’école telles que définies dans le décret du 27 juillet 1997 et les dispositions légales régissant son fonctionnement. Cette circulaire a le mérite de jeter des ponts entre deux institutions qui possèdent des logiques souvent différentes et qui développent des stratégies spécifiques parfois considérées comme contradictoires.

À la suite des mutations sociologiques de notre société, bon nombre de chefs d’établissement sont amenés à collaborer avec les forces de police, dans le strict respect de leur code déontologique.

La fréquence de ces initiatives varie en fonction des zones et de la nature des problèmes de violence rencontrés soit au sein de l’institution, soit dans son environnement proche. Ainsi, dans certaines communes, des réunions se tiennent régulièrement entre les forces de l’ordre, les directions d’écoles et les partenaires du monde associatif, qu’il est toujours bon d’associer à ces discussions.

La circulaire de M. Dewael a le mérite de tenter d’élaborer des partenariats, voire des engagements, sous la forme de conventions, par exemple. Elle permet aussi de s’interroger sur la définition des limites afin de permettre tant aux responsables d’écoles qu’à la police locale de trouver les solutions les mieux adaptées à des situations difficiles.

Il ne s’agit nullement de fiançailles entre la police et l’école ! En outre, la politique développée par le gouvernement de la Communauté française ne prévoit ni présence permanente des forces de l’ordre dans les lieux d’éducation, ni missions intrusives de leur part.

Par ailleurs, il faut être prudent lorsque l’on associe décrochage scolaire et violence. Un élève en décrochage scolaire n’est pas forcément un élève violent. Il peut y avoir corrélation entre les deux mais il faut éviter les raccourcis ! La plupart du temps, il s’agit d’élèves confrontés à des difficultés souvent génératrices de leur décrochage et non d’élèves qui deviennent violents parce qu’ils décrochent. Il convient, dès lors, de donner la priorité au dispositif d’accrochage scolaire développé dans les écoles et par les secteurs de l’aide à la jeunesse. Notre prochaine commission Éducation nous donnera d’ailleurs l’occasion de discuter des systèmes d’accrochage scolaire (SAS). Ceuxci permettront de travailler sur la compétence de la Communauté française en matière d’accrochage scolaire pour éviter l’intervention de la police. Il ne s’agira pas, comme vous le disiez monsieur Fontaine, de représenter l’école comme impuissante et forcée de céder une partie de son pouvoir à un pouvoir sécuritaire. Nous ne voulons pas déresponsabiliser la Communauté française dans une compétence qui est la sienne, à savoir inclure les jeunes dans l’école et non les exclure.

En outre, il me semble essentiel de respecter le rôle de chacun. Transformer la police locale en gestionnaire du décrochage scolaire ou encore faire endosser aux responsables d’établissements un rôle de délateur zélé plutôt que de citoyen conscient de ses devoirs, c’est une dérive à éviter. En revanche, je me réjouis que la police locale s’inscrive dans des actions de prévention, comme elle le fait déjà dans un certain nombre de domaines, tout en visant à atteindre plus d’efficacité dans la lutte contre des actes de violence dont les conséquences sont souvent dramatiques pour les victimes et rompent avec l’harmonie de ces lieux d’éducation.

Une circulaire sera prochainement adressée à tous les chefs d’établissement pour les inviter à déterminer, en concertation avec d’autres acteurs, les modalités d’application des mesures préconisées. Ces collaborations sont importantes. Il est essentiel que les écoles conservent leur liberté d’action et puissent, en toute indépendance, définir les modes de collaboration qu’elles estiment les plus judicieux, en fonction de leur projet pédagogique et des dispositions décrétales régissant le monde de l’enseignement.

M. Philippe Fontaine (MR). – Si je souhaitais connaître la position du gouvernement sur ce sujet, c’est dans l’éventualité où les autorités de police manifestent un souhait de collaboration. Je n’ai pas dit que le décrochage s’assimilait à la violence. J’ai parlé de délinquance, ce n’est pas la même chose.

Madame la ministre-présidente, j’attire votre attention sur une émission de la RTBF qui traitait du décrochage scolaire et montrait les difficultés auxquelles les parents étaient parfois confrontés pour maîtriser ce problème.

Cette émission montrait que les jeunes en décrochage scolaire devenaient ingérables. Une aide doit être fournie aux parents. Nous y reviendrons lors de la discussion sur les SAS