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Questions orales

     

 Questions du 11/07/06

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  La sélection des projets ...
Question orale de Monsieur le Député Philippe Fontaine à Madame la Ministre-Présidente Marie Arena relative à:
"La sélection des projets de collaborations entre la culture et l’enseignement"


Madame la Ministre,
Le 21 mars dernier, notre assemblée votait le décret « relatif à la mise en œuvre, la promotion et le renforcement des collaborations entre la Culture et l’Enseignement ». Ce décret prévoit notamment la mise en place de collaborations durables et ponctuelles entre les écoles et les opérateurs culturels. Les projets ainsi établis sont proposés au Gouvernement par une Commission de sélection et d’évaluation sur base d’un certain nombre de critères.

Dans votre exposé introductif en Commission de l’Education et relatif au décret précité, vous nous avez affirmé que l’objectif de ce dispositif est de permettre que chaque élève rencontre le plus souvent possible les pratiques artistiques et culturelles au cours de son cursus scolaire, et qu’au-delà de la possibilité de mettre l’élève en situation de spectateur, ce projet de décret devrait favoriser la rencontre de l’art par la création, l’apprentissage par la participation active et le développement de l’autoévaluation et de la réflexion critique. Vous avez également insisté sur la diversité de l’offre qui devrait se rencontrer, en disant espérer que « ces activités seront riches, nombreuses et variées », et que ce décret « permettra le subventionnement de projets menés avec toutes les écoles (…) ».

Il me revient que la Commission de sélection et d’évaluation évoquée ci-dessus se serait récemment prononcée sur les collaborations mises en œuvre entre les écoles et les opérateurs culturels pour l’année 2006-2007. D’après mes informations, il semblerait qu’alors que le nombre de projets initiés en collaboration avec l’asbl ECLAT serait inférieur à 10, contre plus d’une centaine l’an dernier. On pourrait y voir une concrétisation de votre volonté de « diversifier les projets ».

On pourrait, mais on s’en gardera bien… En effet, selon ces mêmes informations, il semblerait que l’arrondissement de Mons recense à lui seul les 2/3 du nombre total de projets retenus… plus de 50% des projets en collaboration ponctuelle avec le seul Mundaneum de Mons. Certes, le décret ne l’interdit pas, mais si l’on plafonne le montant par projet, pourquoi ne pas également plafonner le nombre de projets ou le montant par opérateur ?

Admettez, Madame la Ministre, qu’il est difficile de voir dans cette répartition une volonté autre que partisane, a fortiori à l’aube d’une année scolaire doublement électorale ! Ou, plus prosaïquement, un double subventionnement d’une institution en difficultés financières…

Je souhaiterai donc que vous me précisiez quels ont été les critères de sélection des projets. Ces critères ne sont vraisemblablement pas d’ordre pédagogique, puisqu’alors que les projets en collaboration avec l’asbl ECLAT demandent une participation active des établissements scolaires, le Mundaneum leur fournit en revanche une solution « clé sur porte » qui ne demande aucun investissement de leur part.

Est-ce ainsi que vous concrétisez vos propos, à savoir, je vous cite, « au-delà de la possibilité de mettre l’élève en situation de spectateur, ce projet de décret devrait favoriser la rencontre de l’art par la création, l’apprentissage par la participation active et le développement de l’autoévaluation et de la réflexion critique » ?

Pourquoi ne pas envisager, par exemple, un plafond par opérateur culturel ? Ou une répartition par Province ? Selon toute vraisemblance, mettre en place un certain nombre de garde-fous ne serait certainement pas inopportun.

Par ailleurs, j’imagine que ces projets obtiendront sans le moindre souci la labellisation visée à l’article 7 du décret… Comme cela sera sans doute le cas pour la brochure de la FGTB distribuée dans les écoles… au mois de septembre !

Mais revenons à la situation de la centaine d’écoles qui se verront privé de projets culturels pour l’année prochaine. Ces écoles ont pourtant reçu un courrier de votre administration comme quoi leur dossier était recevable, et le passé montre que les collaborations avec l’asbl ECLAT ont toujours suscité l’enthousiasme des participants. La qualité des projets et le suivi pédagogique mis en place ne permettent-ils pas à cette asbl d’être reconnue comme opérateur culturel ? La convention liant la Communauté à cette asbl semble pourtant très claire dans ces missions…

Par extension, quels sont les critères objectifs guidant la reconnaissance en tant qu’opérateur culturel ? J’ai entendu dire que celle-ci n’était que fonction du pouvoir subsidiant : en d’autres termes, pour être reconnu comme opérateur culture, il « suffit » de recevoir une subvention provenant des budgets « culture ». Est-ce exact ? Rassurez-moi en me disant qu’il existe bel et bien une grille d’évaluation objective… Il serait à ce titre intéressant que le Parlement obtienne une liste exhaustive des opérateurs culturels reconnus, ce qui aurait au-moins l’avantage d’une clarification.

Cette parenthèse étant faite, comment allez-vous donc expliquer aujourd’hui à ces centaines de professeurs et à ces milliers d’élèves qu’ils devront se passer de tels projets l’année prochaine ? Allez-vous leur dire qu’il faut désormais se trouver dans l’arrondissement de Mons pour avoir accès à la culture ? C’était déjà le cas pour les projets culturels des écoles en discriminations positives, sans doute voulez-vous l’étendre à l’ensemble de l’enseignement… A ce propos, il me plairait de connaître le mode de financement de la soirée de présentation de ces projets qui s’est tenue, à Mons, ce 30 mai dernier. Au vu du carton d’invitation et des noms qui s’y trouvent, je suppose qu’il s’agit-il d’un financement commun par la Communauté française et la Ville de Mons. Pouvez-vous, chiffres à l’appui, me confirmer cette hypothèse ?

Est-ce ainsi, Madame la Ministre, que vous favorisez l’accès de tous à la culture ?

Je vous remercie.
 
Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
– Vous êtes particulièrement bien informé ; la commission de sélection et d’évaluation créée par le décret du 24 mars 2006 relatif à la mise en œuvre, la promotion et le renforcement des collaborations entre la Culture et l’Enseignement, s’est effectivement réunie les 15 et 22 juin 2006, afin de sélectionner les projets de collaborations durables et ponctuels commençant à la rentrée scolaire prochaine. La ministre de la Culture et moi-même devons recevoir incessamment les résultats des travaux de la commission afin de proposer au gouvernement les projets de collaborations qui feront l’objet d’une subvention.

Le choix du gouvernement a été de lancer les appels à projets dès cette année, afin de ne pas pénaliser les écoles, malgré les délais très courts et l’ampleur de la tâche pour l’administration. Nous pouvons néanmoins nous féliciter de ce choix puisque la cellule « culture enseignement » a enregistré pas moins de 421 projets de collaborations durables et 115 projets de collaborations ponctuelles pour le premier semestre de l’année scolaire. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que la sélection est opérée par une commission de sélection et d’évaluation pluraliste et indépendante sur la base des critères fixés par le décret voté il y a un peu plus de trois mois.

Je n’apprécie pas du tout votre interprétation « partisane » des choix ; en effet, d’une part, je n’ai pas encore connaissance des projets et, d’autre part, le décret établit des critères là où, hier, régnait le flou. Le décret prévoit par ailleurs que le conseil de concertation, organe de conseil du gouvernement créé par le décret, puisse affiner certains de ces critères ou en proposer de nouveaux s’inscrivant dans l’esprit du texte.

Durant la première année d’application du décret, la commission a mis le doigt sur certaines précisions à apporter par le conseil de concertation pour les futures sélections. Après en avoir débattu, la commission a décidé de faire remonter au conseil la problématique de la limitation du nombre de projets par opérateur culturel. Les autres gardes-fous que vous évoquez pourront sans nul doute y être également examinés. Quant à l’asbl Éclat et les projets de collaboration introduits par cette dernière, sachez que ces dossiers ont été jugés recevables par la cellule « culture et enseignement », au vu des critères de recevabilité (délai, forme, etc.) énoncés dans le décret.

C’est ce qui a justifié l’envoi de courriers informant du transfert du dossier en commission, auquel vous faites allusion. Par ailleurs, la commission de sélection a été contrainte d’écarter les projets de collaboration auxquels l’opérateur culturel prenait part, soit qu’il n’était tout simplement pas identifié, soit qu’il ne répondait pas à la définition d’opérateur culturel telle qu’établie notamment dans les décrets « arts de la scène », « musées », « centres culturels ». À cet égard, vous conviendrez que l’asbl Éclat ne peut être qualifiée en tant que telle d’opérateur culturel.

La ministre de la culture n’a en tout cas pas estimé qu’il s’agissait d’une asbl opérant dans le secteur de la création artistique et ayant fait l’objet d’un rapport d’inspection de la part de la direction générale de la culture dans le but d’accéder, le cas échéant, à un financement. Les soirées de présentation des projets de promotion culturelle dans les écoles en discrimination positive ont lieu depuis 1999 et connaissent un réel succès. Le secrétaire général à l’initiative de cette opération a estimé qu’il serait gratifiant et motivant pour les élèves et leurs professeurs de présenter le résultat de leur travail à leurs parents ainsi qu’aux autres élèves et enseignants. Mme la ministre de la Culture et moi-même avons soutenu ce concept. Sur le plan de l’organisation de cette soirée de présentation, la Ville de Mons a mis à disposition la salle du théâtre et c’est le secrétaire général qui a pris en charge les frais relatifs à l’événement, à savoir le déplacement des élèves en car ainsi que les boissons. Enfin, vous me demandez si nous favorisons l’accès de tous à la culture. En toute modestie, je crois pouvoir répondre « oui » en ce qui concerne les élèves.

Oui, car un nouveau Prix des lycéens du Cinéma belge francophone a attiré plus de 3.500 élèves des classes terminales et leur a fait découvrir un autre cinéma, proche d’eux mais parfois si souvent méconnu d’eux. Oui, car dès la rentrée prochaine, les groupes scolaires bénéficieront de la gratuité pour accéder aux musées. Oui, car ce sont déjà 170 projets de collaboration écoles-opérateurs culturels qui seront soutenus dès cette rentrée scolaire ; il faudra y ajouter la cinquantaine de projets de collaboration ponctuelle durant le second semestre contre 156 projets pour l’entièreté de l’année scolaire.

Nous ne comptons pas en rester là. Je pense donc que les objectifs sont atteints et pourront même être dépassés par ce décret « CultureÉcole ».

M. Philippe Fontaine (MR).
– Je remercie Mme la ministre, mais je ne comprends pas son irritation.

Mme Marie Arena,
– Je n’accepte pas qu’on me traite de partisane !

M. Philippe Fontaine (MR).
– Permettez-moi de terminer, madame la ministre. Manifestement, la répartition des projets retenus par la commission est contestable.

Vous nous dites que vous n’avez pas encore les dossiers mais, au cours des débats, nous avons assisté à quelques revirements. Je ne suis pas sûr que tout se soit passé dans la sérénité absolue. La commission est revenue sur des décisions prises le 15 juin ; par la suite, nous avons assisté à un retour vers des décisions déjà prises. Mais je ne polémiquerai pas sur des dossiers en particulier.

Il faut retenir qu’une asbl subventionnée par la Communauté française n’est pas considérée comme opérateur culturel alors qu’elle avait été chargée d’une mission particulière en la matière et qu’elle est présidée par le secrétaire général. Il s’agit d’une asbl à caractère pluraliste qui avait fourni divers projets dans les années précédentes.

Avec ce type de sélection, sur laquelle nous reviendrons, une répartition géographique est difficile à obtenir et je le regrette. À mon sens, il est anormal de trouver des concentrations à certains endroits. Il convient d’examiner cet élément. Madame la ministre, puisque vous n’avez pas encore les dossiers, il vous est loisible de remédier au problème.