Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
Les problèmes de la pénurie de candidats dans le secteur mentionné sont multiples et objectivement identifiés. Nous
travaillons en étroite collaboration avec les acteurs concernés afin d’y répondre. Les raisons d’un tel phénomène sont
parfois contradictoires. D’abord, certains secteurs souffrent d’une mauvaise image, qu’il s’agisse des secteurs Agoria, de
la construction ou de l’horeca. Dans le cas d’Agoria, les restructurations d’entreprises, accompagnées de licenciements
massifs, n’ont certes pas encouragé les parents à conseiller une telle filière à leurs enfants. Et pourtant, ces secteurs
recrutent. En collaboration avec le ministre Marcourt, nous souhaitons mieux informer le public sur les compétences
recherchées par le secteur Agoria, lequel est, en effet, très éclaté.
Le génie mécanique n’a d’ailleurs pas été retenu pour les pôles de compétitivité, car il embrasse trop de branches
d’activités. Ensuite, les compétences exigées par le secteur Agoria sont toujours plus pointues et concernent davantage
les gradués, de type court ou de type long. Nous devons donc travailler en amont sur la formation des élèves dont les
qualifications ne rencontrent pas actuellement les exigences du secteur. L’enseignement technique enregistre un taux
important de décrochages scolaires et ses élèves optent plus volontiers pour des filières simples que pour des filières
plus pointues, raison pour laquelle la filière industrielle connaît une forte baisse de fréquentation.
La maintenance électronique dans l’industrie, par exemple, exige davantage de connaissances en mathématiques que la filière
de transition économie. Je le rappelle, les jeunes qui optent pour la filière technique sont des élèves qui ont échoué et
qui ne souhaitent donc pas s’orienter vers des filières exigeantes. Enfin, la plupart des élèves de l’enseignement
technique connaissent des problèmes de décrochage. Lorsqu’ils ont atteint l’âge de 18 ans, ils quittent l’école alors
qu’ils ne sont que dans le deuxième degré. Quelles solutions envisager ? Le mal doit être pris à la racine.
Nous devons travailler sur le long terme. Pour occuper un poste de responsable de la maintenance industrielle dans une
entreprise, par exemple, de solides connaissances en mathématiques sont nécessaires. Nous devons en revenir aux compétences
de base : lire, écrire et calculer. J’ai eu l’occasion de visiter les établissements Mazzéo à Feluy. Dans cette entreprise,
les ouvriers qui travaillent sur des machines à commandes numériques, doivent contrôler les mesures des moulages.
En pratique, ils vérifient des milliers de données en l’espace de quelques secondes. Les jeunes qui éprouvent des
difficultés avec les chiffres sont de facto exclus de cette filière. C’est pourquoi il faut absolument rehausser les
savoirs de base dans l’enseignement technique et professionnel. Nous voulons aussi améliorer l’information précoce avec
l’aide des secteurs professionnels. À cet effet, nous avons conclu une convention de partenariat. Elle porte sur huit
points, que je vais énumérer de manière exhaustive. La promotion et la revalorisation des métiers en question. Une base de
données sera disponible à la rentrée. Elle sera régulièrement enrichie.
Ainsi, les enseignants, les chefs d’atelier et les centres PMS disposeront désormais d’un outil de valorisation.
L’investissement dans les travaux de modernisation de la CCPQ, ainsi que la description et la définition des profils de
métiers par secteur. Les secteurs auront évidemment leur mot à dire sur la base des pénuries identifiées mais ils devront
rester prudents. Agoria, par exemple, a signalé la disparition de la profession d’électromécanicien à la CCPQ. Dans les
grandes entreprises, c’est une réalité mais il en va tout autrement dans les entreprises de taille plus modeste, qui
s’insurgent contre cette modification de la CCPQ. Les secteurs doivent s’efforcer de représenter l’ensemble des entreprises
qui en font partie et pas seulement les « poids lourds ».
Le développement des formations en langues, y compris par le biais de l’immersion linguistique, même dans les métiers de la
filière qualifiante. En effet, les codes de maintenance sont de plus en plus souvent rédigés en allemand ou en anglais.
L’analyse du marché de l’emploi, des tensions et des pénuries de qualification, la mise en place des réponses adaptées.
La formation des demandeurs d’emploi.
L’implication des secteurs dans le développement et la valorisation des centres de compétences. Le développement du
dispositif de validation des compétences. Le soutien à l’insertion socioprofessionnelle pour augmenter le taux d’activité
des moins de 25 ans. On constate en effet, en Communauté française, que le taux d’inactivité des moins de 25 ans est
anormalement haut. Cela s’explique certainement par le manque d’emplois créés ou de compétence des jeunes mais aussi par le
fait que les entreprises hésitent à les engager. Des systèmes d’accompagnement sont donc nécessaires et nous travaillons
avec la Région wallonne à un système de réduction de charges pour les employeurs qui recrutent ces jeunes. Il faut faire
en sorte que le lien entre le jeune et les employeurs soit le plus efficace possible. Aussi, nous insistons sur les quatre
mois de stage de l’élève qui lui donnent l’occasion de s’habituer à ce qu’est l’entreprise. Toutes ces éléments forment le
tissu de la convention globale qui lie les fonds sectoriels aux acteurs de l’enseignement, de la formation et de l’emploi.
Les accords seront signées en août 2006. Ils seront transcrits en conventions spécifiques à l’enseignement. Nous voulons
que ces conventions couvrent l’enseignement, la formation et l’emploi afin d’éviter tout saucissonnage.
Les mesures de M. Marcourt nous aideront à motiver les jeunes. Celui qui a la certitude de trouver un emploi au terme de ses
études ou de sa formation professionnelle sera évidemment plus motivé. Grâce au Forem, nous disposerons d’un outil
informatique interactif pour informer et orienter les jeunes à différents niveaux d’âge et de besoin. Nous participerons
ainsi à la promotion d’actions de valorisation des métiers, contribuerons à l’élaboration, à la diffusion et à l’échange
d’information sur les métiers et les formations, et aussi serons présents aux journées portes ouvertes des centres de
compétence. Tous ces programmes seront mis en oeuvre pour l’année scolaire 2006- 2007.
Dans le même élan, il s’agira d’assurer la participation des secteurs à l’élaboration de l’évaluation des compétences et des
qualifications acquises au cours des études ou des formations. Nous parviendrons de la sorte à transformer l’image ternie
de certains secteurs mais surtout à mieux orienter et à informer les jeunes dès leur sortie du premier degré du secondaire.
Ce n’est pas en diminuant les exigences des deux premières années d’humanité que l’on orientera mieux les jeunes vers
l’enseignement professionnalisant.
Je pense, au contraire, que c’est en leur donnant l’occasion d’acquérir plus de savoirs de base qu’ils pourront être
meilleurs dans les filières techniques. Aujourd’hui, au vu des importantes exigences que demandent les entreprises, la
plupart des pays tentent de retarder le début de la formation technique au niveau du graduat. Quant à la formation des
enseignants, pour l’année scolaire 2006-2007, nous avons fait en sorte que les fonds sectoriels soient disponibles à
l’Institut de formation en cours de carrière. Nos enseignants doivent être formés à la pédagogie, mais il est tout aussi
important que les professeurs de l’enseignement technique soient formés à l’outil technique que les futurs travailleurs
devront utiliser. Le contrat pour l’école prévoit, sous le titre générique « redéploiement de la commission communautaire
des professions et qualifications »une meilleure l’adéquation entre les besoins sectoriels et l’offre de formation des
écoles. Les professeurs doivent pouvoir également se rendre dans la vingtaine de centres de compétence.
Malheureusement, il n’y en aura peut-être pas pour tous les métiers. On doit éventuellement envisager de mettre en place des
systèmes d’immersion comme cela se fait pour les enseignants en langues qui peuvent par exemple passer une semaine à Gand
ou en Irlande. L’intérêt des maîtres pour de tels cours est évident puisqu’en deux jours, deux cent cinquante professeurs
se sont inscrits via le numéro vert ; des listes d’attente sont d’ailleurs ouvertes. Je me demande dès lors si nous ne
devons pas créer un système similaire pour les professeurs de l’enseignement technique. Des programmes d’immersion
technique dans des entreprises pourraient leur être proposés pendant les vacances, la participation se faisant sur une base
volontaire. Nous ne sommes donc plus dans le système de l’IFC ou dans celui des formations organisées pendant les cours,
mais dans celui d’un service offert aux enseignants pendant leurs congés. Cette piste me semble intéressante. Je suis
persuadée que les professeurs de l’enseignement technique seraient aussi intéressés que les professeurs de langues par ce
type de formation.
M. Philippe Fontaine (MR).
– Le débat est intéressant. Ce n’est pas la première fois que nous l’abordons et nous y reviendrons encore car il s’agit
d’un problème fondamental. Nous sommes évidemment d’accord sur les constats. Les élèves ont tendance à éviter les filières
les plus exigeantes. C‘est dû au type de société dans lequel nous vivons, où les solutions de facilités dominent parce que
la notion d’effort n’existe plus ou très peu. En ce qui concerne l’enseignement, nous devons revenir à des exigences
minimales pour les élèves, les parents ou les enseignants. On constate d’ailleurs que certains élèves de l’enseignement
technique ou professionnel n’ont pas acquis ces connaissances minimales à leur entrée dans la vie professionnelle. On ne
doit donc pas baisser le niveau des exigences. Dans une classe de niveau faible, les moins mauvais ne doivent pas être
considérés comme excellents.
Il y a aussi un manque de motivation chez les élèves qui choisissent les filières les moins exigeantes et optent pour la
loi du moindre effort. L’école et la famille doivent leur faire comprendre qu’ils empruntent une voie sans issue.
Madame la ministre vous avez parlé du stage en entreprise. Sans doute est-ce une bonne initiative, mais il faut se rendre
compte des contraintes que cela posent aux entreprises. Pour être correcte avec le stagiaire, l’entreprise doit s’en
occuper afin qu’il termine son stage en ayant eu un contact avec le monde du travail, mais surtout en ayant emmagasiné des
connaissances. Pour nombre de petites entreprises, l’organisation de stages représente une lourde charge. Ne faudrait-il
pas les remotiver avec des compensations ? Sinon nous risquons de ne plus trouver suffisamment d’entreprises pour
accueillir des stagiaires ou organiser des stages productifs.
Je terminerai avec le problème de la formation des maîtres. L’immersion linguistique ou en entreprise est une bonne
proposition, mais hélas vous ne la concevez que sur une base volontaire. Certes, de nombreux enseignants souhaitent une
remise à niveau et des perfectionnements. Ce n’est malheureusement pas le cas de tout le monde. Si on conserve ce caractère
volontaire à l’immersion, nous aurons des enseignants bien formés et d’autres, à la traîne, ce qui risque d’avoir des
répercussions dans les écoles. Il faudra imposer aux enseignants un minimum de remises à niveau. À défaut, nous risquons
de voir de très grosses différences dans la formation professionnelle qui pourraient conduire directement des étudiants
vers le bureau de chômage.
Mme Marie Arena,
– Je crois fermement à la formation tout au long de la vie. Il existe trois types de formations organisées par les
entreprises.
- Premièrement, les formations contraintes, c’est-à-dire imposées aux travailleurs exerçant certaines fonctions et prises en
charge par l’entreprise. C’est l’équivalent des six demi-jours obligatoires dans l’enseignement.
- Deuxièmement, les formations optionnelles qui permettent au travailleur de progresser dans l’entreprise.
La Communauté française organise également ce type de formations.
- Enfin, les formations que le travailleur suit de sa propre initiative en dehors de son entreprise. Vous parlez de la
nécessité de développer le sens de l’initiative en Wallonie. De la même manière, les enseignants ne doivent pas se
contenter des formations qu’on leur propose mais prendre l’initiative d’en suivre pour s’améliorer.
Notre rôle est de créer l’environnement. Le coût des formations linguistiques organisées par une firme comme Berlitz, par
exemple, est prohibitif, mais la Communauté française finance des cours auxquels les enseignants peuvent s’inscrire de leur
propre gré. Dans le cas de l’immersion, la logique est la même. Nous nous chargeons de trouver une entreprise et un
programme de formation, mais c’est aux professeurs de choisir de s’y inscrire. Ces trois piliers sont nécessaires en
Wallonie que en Communauté française. Il nous appartient d’encadrer, parfois de contraindre, mais surtout de favoriser
toutes les initiatives personnelles
M. Philippe Fontaine (MR).
– Vous avez raison, madame la ministre, mais dans une entreprise, les travailleurs peuvent espérer améliorer leur statut
et obtenir une promotion ; ces perspectives sont inexistantes dans l’enseignement. C’est une sacré différence. Les
motivations ne sont donc pas les mêmes et nous devons en tenir compte.