Réponse de la Ministre Marie Dominique Simonet,
Comme vous, je suis sensible à la fuite des cerveaux. Aujourd’hui, nos universités comptent de nombreux doctorants qui
travaillent en laboratoire et sont formés pour apprendre à chercher, à trouver, à innover. Dans l’espace Wallonie-Bruxelles,
nous formons environ 500 docteurs par an pour qu’ils puissent mettre leurs capacités au service de la société, dans le
monde académique ou dans les entreprises.
L’émission de la RTBF que vous avez évoquée montrait des chercheurs installés dans de beaux laboratoires privés de
Californie et d’autres travaillant dans les conditions difficiles du monde académique en Communauté française. On aurait
aussi pu filmer des chercheurs dans d’aussi beaux laboratoires chez Solvay, UCB et Glaxo, ou dans les installations de
pointe de nos programmes d’excellence. Nous en connaissons déjà trois : le Centre spatial liégeois, l’Institut d’immunologie
médicale de Gosselies et la nanotique. Nous avons la volonté de les encourager grâce à des plans annuels de 25 millions
d’euros, très attractifs pour les chercheurs. En effet, les conditions, l’entourage, l’esprit d’équipe jouent souvent un
plus grand rôle que la rémunération dans la décision de venir travailler chez nous. Á Pâques, j’ai rencontré un chercheur
américain qui venait de s’installer en Belgique avec sa famille parce que le projet l’intéressait. On aurait aussi pu
montrer d’anciens chercheurs devenus professeurs ou directeurs chez nous.
Je ne cherche pas à occulter les difficultés. Comme je l’ai déjà signalé à M. Mathen, un sérieux effort budgétaire reste
nécessaire pour améliorer les conditions de travail des chercheurs en milieu académique. Des mécanismes existent. Le FNRS
et les universités disposent de postes à durée indéterminée et attirent déjà de nombreux chercheurs belges et étrangers.
Par ailleurs, le FNRS dispose aussi de mandats d’impulsion, encore trop peu nombreux, permettant à de jeunes chargés de
cours de constituer leur propre équipe et, à terme, de former de grandes équipes relativement indépendantes. Le plan de
développement du FNRS prévoit d’augmenter le nombre de ces mandats. Par ailleurs, des mandats de retour seront aussi créés
pour favoriser la rentrée dans nos laboratoires belges de chercheurs intégrés dans des laboratoires étrangers, en
particulier aux États-Unis. Une rémunération équivalente à celle d’un chercheur permanent et un crédit d’installation
devraient encourager ce retour. Les mesures prises pour améliorer le recrutement de chercheurs étrangers s’appliquent
également, bien entendu, aux chercheurs belges expatriés.
Le cadre académique ne pourra cependant pas absorber les 500 docteurs formés chaque année, d’autant que ce nombre devrait
s’accroître avec le temps. Il faut aussi augmenter le nombre de chercheurs dans nos entreprises et en particulier dans les
PME, afin de faire bénéficier notre économie de leur capacité d’innover. Bien entendu, les chercheurs doivent y être
préparés. C’est précisément un des objectifs des écoles doctorales récemment mises en place.
Enfin, les chiffres que vous évoquez ne vont que dans un sens. Heureusement, la mobilité au sein de l’Europe est de plus
en plus grande et nos universités accueillent de nombreux professeurs et chercheurs étrangers.
Un sérieux déséquilibre sévit entre l’Europe et les États-Unis depuis cinquante ans. Les États-Unis ont construit leur
potentiel scientifique en attirant les meilleurs étudiants de tous les continents et en les gardant chez eux.
Si nous voulons faire revenir nos meilleurs chercheurs, nous devons leur offrir de bonnes conditions de travail. Toutes les
structures sont prêtes. Nous avons d’excellentes universités et un FNRS performant. Il convient de poursuivre l’opération
de refinancement. Un effort particulier a déjà été consenti cette année, avec une augmentation budgétaire de 9 %.
Tout est mis en œuvre pour rendre attractif le retour en Communauté française. Nous avons un plan. Nous l’améliorons grâce
à des programmes d’excellence. Nous pouvons réaliser de grandes choses, même si cela implique des contraintes budgétaires.
Je ne doute pas que nos chercheurs reviendront nombreux.
Philippe Fontaine (MR).
– Je remercie Mme la ministre pour sa réponse. Le gouvernement actuel ne ménage pas ses efforts, j’en suis conscient.
Á mon sens, il faudrait mettre l’accent sur la recherche fondamentale qui souffre d’un réel déficit. Le monde de
l’entreprise et celui de la recherche ont parfois des objectifs sensiblement différents.
Pour se consacrer à la recherche fondamentale, les chercheurs ont une plus grande liberté aux États-Unis qu’en Europe et en
Communauté française, en particulier. La manière de concevoir la recherche est différente outre-atlantique. Il est
impératif d’accentuer nos efforts si nous ne voulons pas voir les chercheurs, formés sur notre territoire dans nos
excellentes universités et à nos frais, émigrer vers d’autres cieux, alors que la Communauté française souffre d’un manque
crucial de chercheurs pour son développement.