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Questions orales

     

 Questions du 31/05/06

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  La fuite de nos cerveaux à l’étranger...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Marie Dominique Simonet, Ministre de la Recherche scientifique, concernant :
« La fuite de nos cerveaux à l’étranger »


Madame la Ministre,
Dans la presse d’abord puis sur les antennes de la RTBF, la question de savoir si la Belgique allait finir décervelée a été posée sur fond de fuite de nos plus perspicaces cerveaux qui vont voir ailleurs si la matière grise est plus verte.

Ils seraient près de 600 Belges à partir chaque année essentiellement vers les Etats-Unis. Ils , ce sont de jeunes scientifiques de très haut niveau, formés par nos universités qui font le choix de s’expatrier pour mettre en pratique leurs recherches ou en développer des nouvelles dans un environnement où toutes les conditions sont réunies pour maximiser leur chance de réussite.

La raison principale de leur départ : le manque de moyens mis à leur disposition. Ils sont alors contraints de travailler dans un climat de grande précarité sans avoir même la certitude de pouvoir prolonger et/ou terminer les recherches commencées à grand renfort de débrouillardise pour les financer.

Les Etats-Unis consacrent 28 milliards de dollars par an pour la recherche fondamentale, l’Europe en est loin quant à la Communauté française … Il faut bien entendu comparer ce qui est comparable mais il semble qu’en Flandre, si les départs sont nombreux aussi chez nos voisins du nord, la proportion de chercheurs qui reviennent et restent est sensiblement supérieure à la situation en Communauté française parce des structures existent, il y a plus de moyens pour retenir ces chercheurs une fois revenus au pays.

Je vous passe l’importance que revêt la recherche fondamentale dans l’évolution des thérapies, des techniques de pointe, comme les applications qui dérivent des recherches menées sur le laser ou le génie génétique. Mais je ne vous passe pas l’importance que ces recherches soient menées chez nous car elles sont la clé de notre avenir intellectuel et aussi économique. Ce sont ces résultats que nous vendrons demain et plus la production qui en découle qui se fera ailleurs.

Ma question est la suivante Madame la Ministre ;

Si il est permis de ne pas nécessairement voir d’un mauvais œil que des scientifiques partent à l’étranger pour développer certains projets, avec à leur disposition un équipement de pointe, un environnement adapté et des budgets suffisants, c’est bien de leur retour dont il s’agit. Quels incitants comptez-vous mettre en place pour encourager les scientifiques qui souhaitent revenir en Communauté française pour approfondir leurs recherches ou concrétiser le fruit de leur travail afin que d’une part, ils aient l’envie de revenir et d’autre part, une fois revenus, pour qu’ils restent chez nous et que notre pays ne soit pas considéré comme une simple zone de transit ?

D’autant que des efforts sont faits pour accueillir chez nous les chercheurs étrangers, les chercheurs d’origine belge sont loin de se sentir accueillis chez eux et plus des deux tiers ne reviennent jamais.

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse de la Ministre Marie Dominique Simonet,
Comme vous, je suis sensible à la fuite des cerveaux. Aujourd’hui, nos universités comptent de nombreux doctorants qui travaillent en laboratoire et sont formés pour apprendre à chercher, à trouver, à innover. Dans l’espace Wallonie-Bruxelles, nous formons environ 500 docteurs par an pour qu’ils puissent mettre leurs capacités au service de la société, dans le monde académique ou dans les entreprises.

L’émission de la RTBF que vous avez évoquée montrait des chercheurs installés dans de beaux laboratoires privés de Californie et d’autres travaillant dans les conditions difficiles du monde académique en Communauté française. On aurait aussi pu filmer des chercheurs dans d’aussi beaux laboratoires chez Solvay, UCB et Glaxo, ou dans les installations de pointe de nos programmes d’excellence. Nous en connaissons déjà trois : le Centre spatial liégeois, l’Institut d’immunologie médicale de Gosselies et la nanotique. Nous avons la volonté de les encourager grâce à des plans annuels de 25 millions d’euros, très attractifs pour les chercheurs. En effet, les conditions, l’entourage, l’esprit d’équipe jouent souvent un plus grand rôle que la rémunération dans la décision de venir travailler chez nous. Á Pâques, j’ai rencontré un chercheur américain qui venait de s’installer en Belgique avec sa famille parce que le projet l’intéressait. On aurait aussi pu montrer d’anciens chercheurs devenus professeurs ou directeurs chez nous.

Je ne cherche pas à occulter les difficultés. Comme je l’ai déjà signalé à M. Mathen, un sérieux effort budgétaire reste nécessaire pour améliorer les conditions de travail des chercheurs en milieu académique. Des mécanismes existent. Le FNRS et les universités disposent de postes à durée indéterminée et attirent déjà de nombreux chercheurs belges et étrangers. Par ailleurs, le FNRS dispose aussi de mandats d’impulsion, encore trop peu nombreux, permettant à de jeunes chargés de cours de constituer leur propre équipe et, à terme, de former de grandes équipes relativement indépendantes. Le plan de développement du FNRS prévoit d’augmenter le nombre de ces mandats. Par ailleurs, des mandats de retour seront aussi créés pour favoriser la rentrée dans nos laboratoires belges de chercheurs intégrés dans des laboratoires étrangers, en particulier aux États-Unis. Une rémunération équivalente à celle d’un chercheur permanent et un crédit d’installation devraient encourager ce retour. Les mesures prises pour améliorer le recrutement de chercheurs étrangers s’appliquent également, bien entendu, aux chercheurs belges expatriés.

Le cadre académique ne pourra cependant pas absorber les 500 docteurs formés chaque année, d’autant que ce nombre devrait s’accroître avec le temps. Il faut aussi augmenter le nombre de chercheurs dans nos entreprises et en particulier dans les PME, afin de faire bénéficier notre économie de leur capacité d’innover. Bien entendu, les chercheurs doivent y être préparés. C’est précisément un des objectifs des écoles doctorales récemment mises en place.

Enfin, les chiffres que vous évoquez ne vont que dans un sens. Heureusement, la mobilité au sein de l’Europe est de plus en plus grande et nos universités accueillent de nombreux professeurs et chercheurs étrangers.

Un sérieux déséquilibre sévit entre l’Europe et les États-Unis depuis cinquante ans. Les États-Unis ont construit leur potentiel scientifique en attirant les meilleurs étudiants de tous les continents et en les gardant chez eux.

Si nous voulons faire revenir nos meilleurs chercheurs, nous devons leur offrir de bonnes conditions de travail. Toutes les structures sont prêtes. Nous avons d’excellentes universités et un FNRS performant. Il convient de poursuivre l’opération de refinancement. Un effort particulier a déjà été consenti cette année, avec une augmentation budgétaire de 9 %.

Tout est mis en œuvre pour rendre attractif le retour en Communauté française. Nous avons un plan. Nous l’améliorons grâce à des programmes d’excellence. Nous pouvons réaliser de grandes choses, même si cela implique des contraintes budgétaires. Je ne doute pas que nos chercheurs reviendront nombreux.

Philippe Fontaine (MR).
– Je remercie Mme la ministre pour sa réponse. Le gouvernement actuel ne ménage pas ses efforts, j’en suis conscient. Á mon sens, il faudrait mettre l’accent sur la recherche fondamentale qui souffre d’un réel déficit. Le monde de l’entreprise et celui de la recherche ont parfois des objectifs sensiblement différents.

Pour se consacrer à la recherche fondamentale, les chercheurs ont une plus grande liberté aux États-Unis qu’en Europe et en Communauté française, en particulier. La manière de concevoir la recherche est différente outre-atlantique. Il est impératif d’accentuer nos efforts si nous ne voulons pas voir les chercheurs, formés sur notre territoire dans nos excellentes universités et à nos frais, émigrer vers d’autres cieux, alors que la Communauté française souffre d’un manque crucial de chercheurs pour son développement.