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Questions orales

     

 Questions du 31/05/06

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  L’accessibilité des plus démunis aux...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon à Marie Dominique Simonet, Ministre de l’Enseignement Supérieur, concernant :
« L’accessibilité des plus démunis aux allocations d’étude en Province du Hainaut »


Madame la Ministre,
Les allocations d’études consistent « à faire bénéficier les étudiants de conditions modestes, d’un complément financier en rapport avec leur situation socio-économique plus fragile. » C’est la définition que l’on peut trouver dans le dernier « faits et gestes » mais qui semble ne pas toujours pouvoir s’appliquer dans les faits. Cette question consacrée spécifiquement à une province, s’inscrit dans le contexte de la proposition de résolution relative aux allocations d’études déposée par Françoise Bertieaux, Denis Mathen et moi même le 21 avril dernier.

Ainsi, il y a un étudiant sur quatre  dans le secondaire qui bénéficie d’une allocation d’études mais, parmi ceux-ci, le Service de la Recherche de la Communauté française a mis en lumière une situation pour le moins surprenante.

Les statistiques en matière d’allocations d’études, en raison du faible flux migratoire, peuvent se présenter par province, du moins dans le secondaire. Quand on classe les provinces dans l’ordre croissant du revenu moyen, le Hainaut a le triste privilège de figurer à la première place. La logique voudrait donc que l’allocation moyenne soit inversement proportionnelle au revenu moyen de la province, or c’est exactement le contraire qui est observé pour le Hainaut. De plus c’est dans les tranches de revenus les plus basses que le montant moyen d’allocations est le plus bas. Il ne concerne que 10% des allocataires.

La conclusion du service de la Recherche est qu’ « il semble qu’ en Hainaut plus qu’ailleurs une partie des bénéficiaires potentiels ne demande pas d’allocation d’études soit par méconnaissance du système, …, soit aussi parce qu’elles sont en décrochage social. »

Mes questions sont les suivantes Madame la Ministre :

Chaque année, des campagnes de diffusion sont organisées vers l’ensemble des établissements secondaires et supérieurs et vers d’autres structures comme les CPAS et les Infor Jeunes. Le service de recherche confirme que les chiffres ne changent cependant pas.
Que pensez-vous de l’efficacité de ces campagnes ?
quel en est leur coût jusqu’ici et pour quel résultat ?
Ne pourrait-on pas imaginer des mesures spécifiques pour le Hainaut ?
Quelles mesures comptez-vous prendre pour combler ce vide informationnel ?
Il semble également que le système de calcul des revenus donnant droit aux allocations d’études normales maximales ou aux allocations spéciales ne tienne plus compte des réalités économiques actuelles. Comptez-vous actualiser ce système de calcul ? Comment ?
Comptez-vous supprimer l’effet pervers du mode de calcul différent du seuil de pauvreté, qui inclut tous les moyens nets de subsistance d’un ménage, et celui du montant des allocations qui en exclut certains ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse de la Ministre Marie Dominique Simonet,
Votre question me permet de recadrer cette matière essentielle pour l’accès à l’enseignement, que nous voulons le plus large et le plus démocratique possible. Après lecture du numéro de printemps de Faits et gestes, vous m’interrogez sur l’efficacité de la campagne d’information organisée chaque année par le service des allocations d’études, ainsi que sur les mesures spécifiques envisageables pour que ces aides soient mieux connues en province de Hainaut.

Sans mettre en cause la revue Faits et gestes, je comprends qu’il soit difficile, pour des non spécialistes, de donner en huit pages une information exhaustive sur une matière aussi technique et complexe que celle des bourses d’études. La parution de ce numéro aura eu le mérite d’attirer notre attention sur la question.

Je rappelle que tous les membres de la commission de l’Enseignement supérieur sont censés avoir reçu le rapport d’activités 2003-2004 du service des allocations d’études. Ce document de 103 pages montre qu’une fois encore, c’est en Hainaut que les demandes d’allocations d’études secondaires ont été les plus nombreuses : 34 600 sur un total de 106 353, soit 32,53 %. C’est également le Hainaut qui compte le plus grand nombre de bénéficiaires : 27 826 sur un total de 84 970, soit 32,74 %.

La mobilité des étudiants est, bien entendu, plus grande dans l’enseignement supérieur. L’analyse des chiffres relatifs aux allocations d’études supérieures est toutefois faussée. En effet, les dossiers ne sont pas traités sur la base de la domiciliation de l’étudiant mais sur celle de l’établissement scolaire fréquenté. Ces chiffres sont attribués au service déconcentré compétent. Or, bien qu’il n’héberge aucune grande université, le Hainaut enregistre davantage de demandes et de bénéficiaires que les provinces de Namur et de Luxembourg, lesquelles accueillent pourtant une partie des étudiants de l’UCL et la Faculté agronomique de Gembloux.

Le rapport d’activité 2004-2005 confirme cette situation. C’est à nouveau le Hainaut qui enregistre le plus de demandes d’allocations dans le secondaire : 35 121 sur un total de 106 975, soit environ 32 %.

Les bénéficiaires sont au nombre de 29 402 sur 88 927 (33,06 %). Pour Namur-Luxembourg, le rapport 2004-2005 montre que plus d’un quart de tous les bénéficiaires d’allocations d’études supérieures (26,08 %) sont des Hennuyers, même s’ils poursuivent leurs études à Bruxelles ou à Liège. C’est de loin le meilleur score établi à partir de l’origine géographique des étudiants.

Il faut donc admettre que les campagnes d’information menées avec la collaboration des établissements scolaires contribuent à la notoriété du service des allocations d’études auprès du public et que le Hainaut ne fait pas exception. Les chefs d’établissements scolaires, les équipes éducatives, les CPAS, les centres « Inforjeunes » ou les services « Droit des jeunes » ont bien compris le rôle social et informatif qui leur est confié et je les en remercie.

Contrairement à certaines campagnes antérieures qui se sont déroulées par voie d’affiches, de spots radio ou d’encarts dans la presse – et qui n’ont pas toujours rencontré le succès escompté – , le canal d’information privilégié des écoles, des CPAS ou des autres acteurs d’informations n’engendre pas de grosses dépenses et ne grève en rien les allocations. On ne relève que les frais postaux pour la diffusion des formulaires et des brochures. Ces brochures explicatives doivent être réalisées et mises à la disposition du public.

Je note avec satisfaction que le nombre de demandes introduites depuis mon arrivée au gouvernement a sensiblement augmenté, même dans le bureau du Hainaut, où un accroissement de 1,51% dans le secondaire et de 3,79% dans le supérieur a été enregistrée pour l’année 2004-2005. Les chiffres pour la période 2005-2006 devraient confirmer cette augmentation. Le poste consacré aux bourses d’études sera dès lors en augmentation dans l’ajustement budgétaire.

Si on analyse les montants payés, on note que le Hainaut dispose de la plus grande part : 4 436 780 euros dans le secondaire pour 2003- 2004 (30 %) et 4 978 874 euros en 2004-2005. On est donc passé de 4,4 à 4,9 millions.

Faits & Gestes relève que l’allocation d’études secondaires moyenne pour 2003-2004 est paradoxalement plus faible dans le Hainaut : 159,45 contre 171,48 euros pour l’ensemble de la Communauté. La moyenne serait la plus élevée à Bruxelles et dans le Brabant wallon où elle atteindrait 181 euros. C’est dans le Luxembourg que cette moyenne serait la plus faible. Ce classement est identique pour 2004-2005.

Mais ce paradoxe n’est qu’apparent. Il faut rappeler que le montant alloué est calculé en fonction de différents paramètres fixés par l’arrêté de l’exécutif de la Communauté française de 1993. Ces paramètres sont : le revenu imposable du ménage, le nombre de personnes à charge, le statut de l’élève (interne ou externe) et le type d’année d’études en cours (terminale ou de transition).

Seule une analyse sociologique complète de ces paramètres pourrait expliquer ce que Faits et gestes considère, peut-être hâtivement, comme une énigme. En effet, il y a toujours des éléments de réponses.

Le Hainaut est certes la province la plus pauvre de Wallonie, mais les allocations d’études s’adressent à l’ensemble de la Communauté française et ne se limitent donc pas à la Wallonie. Il existe des zones de pauvreté très importantes ailleurs. En outre, la mesure de la richesse relative d’une région fait elle aussi intervenir toute une série de paramètres. Ainsi, certaines personnes qui ne sont pas concernées par les allocations d’études comme les isolés, les ménages sans enfants, les retraités ou les étrangers participent également à l’image d’une province. La situation est donc plus complexe qu’il n’y paraît.

Vous m’interrogez ensuite sur les modalités d’octroi des allocations d’études maximales ou spéciales, et vous vous étonnez qu’elles ne soient pas plus largement distribuées. Personne n’ose prétendre que les allocations familiales suffisent à l’entretien d’un enfant, ni qu’elles couvrent tous les frais de scolarité. La Communauté n’a pas pour mission de se substituer aux organismes chargés de la couverture des besoins et de l’aide sociale de la population. Les allocations d’études sont un coup de pouce de sa part ; elles doivent permettre aux élèves et aux étudiants de condition peu aisée d’entamer ou de poursuivre des études.

Cette intervention, ajoutée à d’autres mesures comme la réduction de minerval et les subsides sociaux, reste complémentaire aux revenus familiaux, aux aides sociales et aux allocations de remplacement. Contrairement à d’autres pays, le versement des allocations familiales, l’attribution de titres de transport à prix réduit, l’intervention dans les frais de logement ou de santé et les réductions fiscales ne sont pas confiées au service des allocations d’études.

Le législateur a fixé l’allocation maximale que verse la Communauté aux étudiants les moins nantis : en 2005-2006, celle-ci s’élève à 4 106,69 euros. Si on y ajoute le revenu minimum d’insertion, qui s’élève à 7 507,25 euros pour un isolé, et les allocations familiales, à hauteur de 1 102,44 euros, on atteint des ressources totales de 12.714,38 euros par an, soit un peu plus de 1.000 euros par mois, net de tout impôt et assurance soins de santé comprise. Un tiers de ces ressources est assurée par la Communauté française.

La comparaison de ces montants avec certains revenus du travail, voire avec le seuil de pauvreté, pourrait sans doute laisser plus d’une personne perplexe. Les étudiants dont la condition financière est meilleure ne reçoivent qu’un pourcentage de cette allocation maximale qui varie en fonction des revenus et de la composition de la famille. Le résultat eut été identique en fixant le montant minimum de l’allocation, 310 euros au supérieur en 2005-2006, et en convenant de lui attribuer un coefficient positif variable en fonction des critères retenus. Seule la méthode diffère.

L’arrêté du 23 avril 1993 prévoit en outre une indexation annuelle du montant de base de l’allocation, du plafond des revenus admissibles et de la base de calcul. Cette formule à triple progression permet aux allocations d’études d’évoluer de façon favorable chaque année.

L’arrêté précise également que le service des allocations d’études se fonde sur les documents établis par le ministère des Finances. La réflexion et l’expérience montrent qu’ils constituent la seule base incontestable et qu’il ne serait pas équitable de retenir des déclarations personnelles sur l’honneur à propos des moyens nets de subsistance des ménages.

Philippe Fontaine (MR).
– Je vous remercie pour cette réponse détaillée, qui mérite d’être relue et analysée.
Les chiffres publiés par la revue interpellent. Malheureusement, nous n’avons pas la réponse sociologique mais un certains nombres d’éléments doivent néanmoins être pris en considération. Le Hainaut est non seulement la province la plus pauvre mais aussi la plus peuplée. En outre, l’absence de faculté universitaire complète provoque un déficit de formation à tous les niveaux d’enseignement. Il y a certes de nombreuses hautes écoles dans cette province mais les universités situées à l’extérieur ne sont pas accessibles financièrement aux étudiants issus de couches sociales défavorisées. Au regard des allocations moyennes, il y a un réel déficit au détriment du Hainaut que je ne m’explique toujours pas.

Je reviendrai certainement sur le sujet après l’examen détaillé de votre réponse.