Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
J’ai suivi avec beaucoup d’attention les événements survenus à la maison d’édition Dupuis à Marcinelle. Vu l’absence totale
de compétences institutionnelles de mon ministère, j’ai décidé de ne pas intervenir. Je n’ai pas non plus pour habitude de
faire des déclarations sur des situations gérées par des collègues.
Aussi pour répondre à vos questions, je vous indique que je n’ai été contactée ni par Jean-Claude Marcourt, ni par les
dirigeants de Dupuis, ni par les destinataires de cette affaire. Je me demande d’ailleurs à quel titre j’aurais pu l’être,
sachant que les aides aux industries, y compris culturelles, sont clairement du ressort des régions.
Notre Communauté a d’ailleurs été confrontée à plusieurs faillites dans le passé sans que mes prédécesseurs à la Culture
puissent intervenir d’aucune façon. Il est néanmoins rassurant d’observer que dans le même temps, de nouvelles maisons
s’ouvrent, d’autres s’étendent ou se diversifient. Nos aides ne peuvent soutenir directement une entreprise, fut-elle
culturelle. En caricaturant, vous pourriez aussi me demander pourquoi nous ne rachetons pas RTL-TVi, qui va s’installer au
Luxembourg.
Ce n’est pas non plus avec les 100 000 euros inscrits pour subventionner les activités liées à la création, à la diffusion
et à la promotion de la bande dessinée que je peux sensibiliser Média- Participations. Mon action pourrait être sympathique
mais elle resterait symbolique, ce qui n’est politiquement pas honnête vis-à-vis de ceux qui se battent pour sauver
l’ancrage, l’identité et le savoir-faire des éditions Dupuis. Ce serait faire naître de faux espoirs, ce qui ne fait pas
partie de ma culture politique.
Les dérives de la mondialisation touchent toutes les industries culturelles et les dangers d’une uniformisation culturelle
sont réels. C’est pourquoi les États doivent avoir le droit de développer une politique culturelle propre, en particulier
dans le soutien aux entreprises culturelles.
Pour rappel, mon président, et ministre-président de la Région wallonne, M. Elio Di Rupo, fut un des porteurs de l’idée de
l’exception culturelle visant à préserver les industries culturelles de la sacro-sainte libéralisation des marchés. Vous
savez également combien nous avons investi dans la signature de la convention de l’Unesco sur la promotion et la protection
des diversités des expressions culturelles afin de disposer d’un instrument pour subventionner la culture et soutenir nos
industries culturelles.
En matière de cinéma comme dans l’édition, c’est ce que nous faisons, tous niveaux de pouvoir confondus, chacun dans le
respect de nos compétences institutionnelles respectives. Cependant, ces mécanismes sont positifs, c’est-à-dire qu’ils
apportent des moyens subsidiaires de soutien. Nous ne disposons d’aucun mécanisme protectionniste qui permettrait de
sanctionner l’entreprise qui se délocalise ou qui se met sous le contrôle d’un groupe multinational. De tels mécanismes
seraient bien entendu en totale contradiction avec les règles européennes.
Aussi, nous devons persévérer avec nos moyens en développant des initiatives avec les autres niveaux de pouvoir. D’ailleurs,
comme il est mentionné dans le document « Priorités culture » des états généraux, nous analysons avec d’autres entités la
possibilité de créer des nouvelles sociétés de soutien aux entreprises culturelles marchandes.
Philippe Fontaine.
Je ne vous demandais pas de racheter les éditions Dupuis, ni Média-Participations qui n’a d’ailleurs aucun problème
financier. C’est bien là du reste que se situe le problème : arriver à exercer une influence sur ce type de décideurs qui
eux, ne demandent rien.
Je comprends que vous ne puissiez rien faire sur le plan économique mais je trouve inquiétant qu’une ministre de la culture
me réponde qu’elle ne dispose d’aucune possibilité d’action. Le volet économique ne relève pas de vos compétences mais,
au-delà de la création de sociétés de soutien, nous devons mener une réflexion. Si nous ne faisons rien, dans un certain
nombre de domaines culturels, et notamment dans l’édition, on risque de voir disparaître ce qui fait la spécificité de la
création en Communauté française.
Actuellement, nous ne pouvons que constater les changements économiques Il faut pourtant que la réflexion aille plus loin.
Des garde-fous sont nécessaires pour éviter de répondre de la même manière quand le même problème se posera à nouveau : Je
ne connais pas la solution. C’est pour ça que je vous interrogeais : c’est vous la ministre de la culture.