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Questions orales

     

 Questions du 04/05/06

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 Identité culturelle en communauté française...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Fadila Laanan, Ministre de la Culture concernant :
« Les mécanismes de protection de l’identité culturelle en Communauté française en cas de déplacement à l’étranger des centres de décisions »


Madame la Ministre,
Le titre de cette question est transparent, j’évoque clairement le cas des événements qui se déroulent à la maison d’éditions Dupuis à Marcinelle.

J’ai interpellé votre collègue Marcourt sur la situation de Dupuis, sur le volet économique, lors des derniers travaux du Parlement wallon.

Mais l’origine du conflit qui a poussé le directeur général à démissionner pour mettre l’accent sur certain problème touche bien à une perte ou une risque de perte d’identité culturelle de la bande dessinée belge et wallonne en particulier.

Votre collègue me dira clairement : « Tout ce qu’a présenté Média-Participations en termes de développement, d’autonomie et de politique des auteurs est clair. En 18 mois des actes ont été posés qui laissent croire qu’il y a une déperdition de l’autonomie du groupe Dupuis à Charleroi par rapport à la direction française. L’intégration est de plus en plus forte. Si cela peut se comprendre sur le plan économique, cela correspond, pour nous, à une perte d’identité. »

Mes questions seront les suivantes Madame la Ministre :

Avez-vous été contactée par votre collègue Jean-Claude Marcourt pour suivre avec vous ce dossier qui a une haute dimension culturelle pour l’ensemble de la Communauté française ?
La BD nous touche ou nous a touché toutes et tous de près.

Avez-vous été approchée par les dirigeants de la maison d’édition afin de gérer le problème aussi à votre niveau ?

Avez-vous été approchée par les dessinateurs de la maison d’éditions pour trouver avec vous une solution à leur niveau ?

Plus globalement, quelles mesures comptez-vous prendre, quels mécanismes comptez-vous mettre en place pour éviter qu’une entreprise active dans le domaine de l’édition et/ou proche de la culture, que le parcours économique et financier a poussé à éloigner ses centres de décision hors de nos frontières, puisse se préserver d’une trop grande influence sur son identité culturelle ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner
Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
J’ai suivi avec beaucoup d’attention les événements survenus à la maison d’édition Dupuis à Marcinelle. Vu l’absence totale de compétences institutionnelles de mon ministère, j’ai décidé de ne pas intervenir. Je n’ai pas non plus pour habitude de faire des déclarations sur des situations gérées par des collègues.

Aussi pour répondre à vos questions, je vous indique que je n’ai été contactée ni par Jean-Claude Marcourt, ni par les dirigeants de Dupuis, ni par les destinataires de cette affaire. Je me demande d’ailleurs à quel titre j’aurais pu l’être, sachant que les aides aux industries, y compris culturelles, sont clairement du ressort des régions.

Notre Communauté a d’ailleurs été confrontée à plusieurs faillites dans le passé sans que mes prédécesseurs à la Culture puissent intervenir d’aucune façon. Il est néanmoins rassurant d’observer que dans le même temps, de nouvelles maisons s’ouvrent, d’autres s’étendent ou se diversifient. Nos aides ne peuvent soutenir directement une entreprise, fut-elle culturelle. En caricaturant, vous pourriez aussi me demander pourquoi nous ne rachetons pas RTL-TVi, qui va s’installer au Luxembourg.

Ce n’est pas non plus avec les 100 000 euros inscrits pour subventionner les activités liées à la création, à la diffusion et à la promotion de la bande dessinée que je peux sensibiliser Média- Participations. Mon action pourrait être sympathique mais elle resterait symbolique, ce qui n’est politiquement pas honnête vis-à-vis de ceux qui se battent pour sauver l’ancrage, l’identité et le savoir-faire des éditions Dupuis. Ce serait faire naître de faux espoirs, ce qui ne fait pas partie de ma culture politique.

Les dérives de la mondialisation touchent toutes les industries culturelles et les dangers d’une uniformisation culturelle sont réels. C’est pourquoi les États doivent avoir le droit de développer une politique culturelle propre, en particulier dans le soutien aux entreprises culturelles.

Pour rappel, mon président, et ministre-président de la Région wallonne, M. Elio Di Rupo, fut un des porteurs de l’idée de l’exception culturelle visant à préserver les industries culturelles de la sacro-sainte libéralisation des marchés. Vous savez également combien nous avons investi dans la signature de la convention de l’Unesco sur la promotion et la protection des diversités des expressions culturelles afin de disposer d’un instrument pour subventionner la culture et soutenir nos industries culturelles.

En matière de cinéma comme dans l’édition, c’est ce que nous faisons, tous niveaux de pouvoir confondus, chacun dans le respect de nos compétences institutionnelles respectives. Cependant, ces mécanismes sont positifs, c’est-à-dire qu’ils apportent des moyens subsidiaires de soutien. Nous ne disposons d’aucun mécanisme protectionniste qui permettrait de sanctionner l’entreprise qui se délocalise ou qui se met sous le contrôle d’un groupe multinational. De tels mécanismes seraient bien entendu en totale contradiction avec les règles européennes.

Aussi, nous devons persévérer avec nos moyens en développant des initiatives avec les autres niveaux de pouvoir. D’ailleurs, comme il est mentionné dans le document « Priorités culture » des états généraux, nous analysons avec d’autres entités la possibilité de créer des nouvelles sociétés de soutien aux entreprises culturelles marchandes.

Philippe Fontaine.
Je ne vous demandais pas de racheter les éditions Dupuis, ni Média-Participations qui n’a d’ailleurs aucun problème financier. C’est bien là du reste que se situe le problème : arriver à exercer une influence sur ce type de décideurs qui eux, ne demandent rien.

Je comprends que vous ne puissiez rien faire sur le plan économique mais je trouve inquiétant qu’une ministre de la culture me réponde qu’elle ne dispose d’aucune possibilité d’action. Le volet économique ne relève pas de vos compétences mais, au-delà de la création de sociétés de soutien, nous devons mener une réflexion. Si nous ne faisons rien, dans un certain nombre de domaines culturels, et notamment dans l’édition, on risque de voir disparaître ce qui fait la spécificité de la création en Communauté française.

Actuellement, nous ne pouvons que constater les changements économiques Il faut pourtant que la réflexion aille plus loin. Des garde-fous sont nécessaires pour éviter de répondre de la même manière quand le même problème se posera à nouveau : Je ne connais pas la solution. C’est pour ça que je vous interrogeais : c’est vous la ministre de la culture.