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Questions orales

     

 Questions du 20/12/05

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 La décision française de supprimer...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Marie Arena, Ministre-Présidente du Gouvernement de la Communauté française en charge de l’enseignement obligatoire et de Promotion sociale, concernant:
« La décision française de supprimer l’apprentissage de la lecture au moyen de la méthode « globale » »


Madame la Ministre-Présidente,
Votre homologue français de l’éducation, Gilles de Robien, vient de supprimer la méthode « globale » comme méthode d’apprentissage de la lecture.

Opposée à la méthode syllabique ou synthétique qui consiste à reconnaître d’abord les lettres puis les syllabes pour ensuite pouvoir lire le mot, la méthode globale ou analytique part, elle, de l’ensemble du mot avant d’en analyser les éléments.

Les deux méthodes semblent cohabiter tant bien que mal et divisent les enseignants en trois clans : ceux qui soutiennent l’une ou l’autre méthode et les plus nombreux, ceux qui pratiquent un mix des deux. Ils y auraient même autant de méthodes qu’il n’y a de profs ajoute votre chef de cabinet adjoint dans la presse. En effet, les programmes n’imposent pas de méthode.

Vous avez, semble-t-il, demandé de dresser un état des lieux sur les méthodes utilisées afin de confirmer l’inclination du prof « à prendre le meilleur dans chaque méthode ».

Mes questions seront les suivantes Madame la Ministre-Présidente :

Avez-vous l’intention de suivre la décision de votre collègue français afin de rendre plus « clairs » les choix méthodologiques des enseignants en matière d’apprentissage de la lecture ?
Dans votre déclaration de politique Communautaire, vous disiez vouloir « organiser un débat sur les méthodes d’apprentissage de la lecture afin de promouvoir celles qui assurent le plus de chances de succès au plus grand nombre » . Un colloque ainsi que des formations ont eu lieu ou sont en cours sur ce thème. Consistent-ils en une concrétisation de la DPC ?
Pouvez-vous nous dire ce qu’il est ressorti de ce colloque et de ces formations ?
Nous avons déjà eu l’occasion de vous dire ce que nous pensions des méthodes uniques, notamment en ce que nous les considérons comme des entraves à la liberté pédagogique du professeur que nous considérons comme primordiale. Actuellement, la plupart des professeurs proposent une méthode « propre » qui reprend des aspects de la méthode globale et de la méthode analytique. Nous pensons qu’il est important que les enseignants puissent « choisir » la méthode qui leur convient au mieux et qui convient au mieux aux élèves qui sont en face d’eux. Cependant, force est de constater que les résultats en lecture de nos élèves ne sont pas toujours à la hauteur. La faute ne leur en est certainement pas imputable, mais ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de mieux les former et les outiller, de leur fournir un meilleur matériel ou plus de matériel d’apprentissage ?
Dans ce sens, vouloir les contraindre à enseigner une seule méthode ne risque-t-il pas d’être encore plus contre-productif ?
Avez-vous l’intention de faire un état des lieux de la capacité à lire de nos jeunes, ou bien devrons-nous attendre la prochaine enquête PISA pour situer le niveau des élèves de la Communauté française en lecture ?
Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer cette capacité à lire chez nos jeunes ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
J’ai effectivement lu avec beaucoup d’attention les positions prises en France par M. de Robien. Il est en effet toujours intéressant de voir ce qui se passe dans les pays voisins. Cependant, je ne partage pas du tout son point de vue en matière d’apprentissage de la lecture. Dans ce domaine, un débat a eu lieu sur les méthodes. Il a fait apparaître qu’en Communauté française, nous n’utilisons pas une seule et unique méthode bien au contraire. À certains moments, on en utilise plusieurs en fonction du public concerné.

Cela nous a permis de nous rendre compte que les plus mauvais résultats sont obtenus lorsqu’une seule et unique méthode d’apprentissage est utilisée. Cette dernière n’est en effet pas toujours adaptée à l’ensemble des enfants. L’utilisation d’une approche dogmatique fait parfois passer l’enseignant à côté du constat de problèmes et de la remédiation.

En Communauté française, lorsque nous avons décidé de mener le débat sur l’apprentissage de la lecture, nous avions bien dit que notre objectif était de faire l’état de la situation par rapport aux pratiques sur le terrain, et de ne pas aboutir au choix d’une méthode unique, mais au contraire d’essayer de disposer d’une boîte à outils la plus complète possible qui soit à la disposition des enseignants. Cette boîte à outils doit être proposée aux enseignants dès leur formation initiale. Avec le concours de Mme Simonet, nous examinons les moyens d’élargir la connaissance des enseignants en matière de méthodes d’apprentissage de la lecture. Cette boîte à outils doit aussi être remise à niveau dans les formations en cours de carrière.

Je suis personnellement en faveur de la recherche en pédagogie, et quelles que soient les méthodes d’apprentissage utilisées aujourd’hui, peut- être que dans dix ans d’autres seront s’ajouteront, ce dont je ne pourrai que me réjouir. Les évolutions de la pédagogie permettent de comprendre de mieux en mieux les schémas d’apprentissage de nos enfants.

Quant à nos intentions,
premièrement,
nous avons organisé des journées relatives à la remédiation aux premiers problèmes d’apprentissage de la lecture, dans le but de donner aux enseignants des techniques de repérage des stratégies mises en place par les enfants pour cacher leurs difficultés d’apprentissage, et leur permettre de démonter ces stratégies et comprendre ainsi le mode d’apprentissage de l’enfant. Nous nous sommes en effet rendu compte que les enfants mettent en place des stratégies très complexes pour cacher leur difficultés d’apprentissage. L’enseignant incapable d’identifier ces stratégies passe à côté de l’apprentissage. Il a l’impression que l’enfant a appris alors qu’il n’en est rien. Un phénomène de déconstruction doit pouvoir s’établir pour pouvoir mieux répondre aux problèmes de l’enfant.

Nous avons donc organisé les « samedis de remédiation » concernant les premiers apprentissages à la lecture. Nous ferons la même chose pour les mathématiques dans le courant du premier semestre 2006. Un réel travail est donc effectué à ce niveau. Nous rencontrons un succès important pour ce qui est de la participation des enseignants à ces différentes rencontres.

Deuxièmement,
l’application du décret « P1- P2 » permet de mettre à la disposition des enseignants des moyens d’identifier les problèmes des enfants, et ce dès les première et deuxième années primaires, voire dès la maternelle. Moins il y a d’élèves par enseignant, et plus il y a de méthodes de remédiation, mieux les enseignants seront à même de constater les difficultés de l’élève. Le décret « P1-P2 » contribue donc effectivement à améliorer le système.

Nos méthodes sont moins superficielles que celles de nos voisins français. Nous ne nous limitons pas à une seule méthode d’apprentissage de la lecture. Nous travaillons sur les moyens et stratégies d’apprentissage des enfants afin de répondre au mieux aux problèmes auxquelles ils sont confrontés.

Troisièmement, l’évaluation. Il est assez inconfortable pour un pouvoir quel qu’il soit, politique ou public, de se limiter à une évaluation internationale ayant lieu tous les trois ans.

Avant de se comparer à d’autres pays, il est intéressant de s’évaluer en fonction de ses propres objectifs. L’évaluation de l’année scolaire 2006- 2007 a pour thème prioritaire la lecture ; cette évaluation sera informelle, c’est-à-dire non certificative, en deuxième et cinquième années primaires et en deuxième secondaire. Les thèmes des prochaines années sont les mathématiques et l’éveil. Cette évaluation permet de suivre des cohortes d’élèves et d’éventuellement corriger les matières. Constater ne suffit pas, il faut apporter solutions.

Ce sont les trois actions que nous proposons. Nous ne nous limitons pas à un débat intellectuel sur une méthode d’apprentissage, ce qui est intéressant mais réducteur. Nous travaillons au contraire sur les approches qui répondent aux besoins de l’enfant.

Philippe Fontaine,
Je suis d’accord ; il ne faut pas d’approches dogmatiques dans un domaine comme celui-ci. Imposer une méthode n’est pas la meilleure solution pour obtenir des résultats de qualité. Il est bon de faire un état de la situation afin de fournir la boîte à outils nécessaire aux enseignants, encore faut-il qu’ils sachent l’utiliser et adapter leur enseignement à leur public. L’apprentissage de la lecture est fondamental, c’est une base et un outil pour la vie.

Même si nous pouvons ne pas être d’accord sur les méthodes, il est cependant clair que sans évaluation, il est impossible de se situer. L’important n’est pas la comparaison internationale, comme vous le souligniez, mais de savoir si les bases sont acquises par l’ensemble des élèves de la Communauté française. Cela permettra de corriger le tir et d’organiser une remédiation si elle se révèle nécessaire.