Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
J’ai effectivement lu avec beaucoup d’attention les positions prises en France par M. de Robien. Il est en effet toujours
intéressant de voir ce qui se passe dans les pays voisins. Cependant, je ne partage pas du tout son point de vue en matière
d’apprentissage de la lecture. Dans ce domaine, un débat a eu lieu sur les méthodes. Il a fait apparaître qu’en Communauté
française, nous n’utilisons pas une seule et unique méthode bien au contraire. À certains moments, on en utilise plusieurs
en fonction du public concerné.
Cela nous a permis de nous rendre compte que les plus mauvais résultats sont obtenus lorsqu’une seule et unique méthode
d’apprentissage est utilisée. Cette dernière n’est en effet pas toujours adaptée à l’ensemble des enfants. L’utilisation
d’une approche dogmatique fait parfois passer l’enseignant à côté du constat de problèmes et de la remédiation.
En Communauté française, lorsque nous avons décidé de mener le débat sur l’apprentissage de la lecture, nous avions bien
dit que notre objectif était de faire l’état de la situation par rapport aux pratiques sur le terrain, et de ne pas aboutir
au choix d’une méthode unique, mais au contraire d’essayer de disposer d’une boîte à outils la plus complète possible qui
soit à la disposition des enseignants. Cette boîte à outils doit être proposée aux enseignants dès leur formation initiale.
Avec le concours de Mme Simonet, nous examinons les moyens d’élargir la connaissance des enseignants en matière de méthodes
d’apprentissage de la lecture. Cette boîte à outils doit aussi être remise à niveau dans les formations en cours de
carrière.
Je suis personnellement en faveur de la recherche en pédagogie, et quelles que soient les méthodes d’apprentissage
utilisées aujourd’hui, peut- être que dans dix ans d’autres seront s’ajouteront, ce dont je ne pourrai que me réjouir.
Les évolutions de la pédagogie permettent de comprendre de mieux en mieux les schémas d’apprentissage de nos enfants.
Quant à nos intentions,
premièrement,
nous avons organisé des journées relatives à la remédiation aux premiers problèmes
d’apprentissage de la lecture, dans le but de donner aux enseignants des techniques de repérage des stratégies mises en
place par les enfants pour cacher leurs difficultés d’apprentissage, et leur permettre de démonter ces stratégies et
comprendre ainsi le mode d’apprentissage de l’enfant. Nous nous sommes en effet rendu compte que les enfants mettent en
place des stratégies très complexes pour cacher leur difficultés d’apprentissage. L’enseignant incapable d’identifier ces
stratégies passe à côté de l’apprentissage. Il a l’impression que l’enfant a appris alors qu’il n’en est rien. Un phénomène
de déconstruction doit pouvoir s’établir pour pouvoir mieux répondre aux problèmes de l’enfant.
Nous avons donc organisé les « samedis de remédiation » concernant les premiers apprentissages à la lecture. Nous ferons la
même chose pour les mathématiques dans le courant du premier semestre 2006. Un réel travail est donc effectué à ce niveau.
Nous rencontrons un succès important pour ce qui est de la participation des enseignants à ces différentes rencontres.
Deuxièmement,
l’application du décret « P1- P2 » permet de mettre à la disposition des enseignants des moyens d’identifier les problèmes
des enfants, et ce dès les première et deuxième années primaires, voire dès la maternelle. Moins il y a d’élèves par
enseignant, et plus il y a de méthodes de remédiation, mieux les enseignants seront à même de constater les difficultés
de l’élève. Le décret « P1-P2 » contribue donc effectivement à améliorer le système.
Nos méthodes sont moins superficielles que celles de nos voisins français. Nous ne nous limitons pas à une seule méthode
d’apprentissage de la lecture. Nous travaillons sur les moyens et stratégies d’apprentissage des enfants afin de répondre
au mieux aux problèmes auxquelles ils sont confrontés.
Troisièmement,
l’évaluation. Il est assez inconfortable pour un pouvoir quel qu’il soit, politique ou public, de se limiter à une
évaluation internationale ayant lieu tous les trois ans.
Avant de se comparer à d’autres pays, il est intéressant de s’évaluer en fonction de ses propres objectifs. L’évaluation de
l’année scolaire 2006- 2007 a pour thème prioritaire la lecture ; cette évaluation sera informelle, c’est-à-dire non
certificative, en deuxième et cinquième années primaires et en deuxième secondaire. Les thèmes des prochaines années sont
les mathématiques et l’éveil. Cette évaluation permet de suivre des cohortes d’élèves et d’éventuellement corriger les
matières. Constater ne suffit pas, il faut apporter solutions.
Ce sont les trois actions que nous proposons. Nous ne nous limitons pas à un débat intellectuel sur une méthode
d’apprentissage, ce qui est intéressant mais réducteur. Nous travaillons au contraire sur les approches qui répondent aux
besoins de l’enfant.
Philippe Fontaine,
Je suis d’accord ; il ne faut pas d’approches dogmatiques dans un domaine comme celui-ci. Imposer une méthode n’est pas la
meilleure solution pour obtenir des résultats de qualité. Il est bon de faire un état de la situation afin de fournir la
boîte à outils nécessaire aux enseignants, encore faut-il qu’ils sachent l’utiliser et adapter leur enseignement à leur
public. L’apprentissage de la lecture est fondamental, c’est une base et un outil pour la vie.
Même si nous pouvons ne pas être d’accord sur les méthodes, il est cependant clair que sans évaluation, il est impossible
de se situer. L’important n’est pas la comparaison internationale, comme vous le souligniez, mais de savoir si les bases
sont acquises par l’ensemble des élèves de la Communauté française. Cela permettra de corriger le tir et d’organiser une
remédiation si elle se révèle nécessaire.