Réponse de la Ministre Marie Dominique Simonet,
La Belgique, comme 148 autres pays, a voté ce 20 octobre, en conférence générale de l’Unesco, en faveur du projet de
convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ce vote a conduit à l’adoption
formelle de cet instrument. Nous en sommes heureux et nous en réjouissons. Cette adoption est une étape majeure, mais ce
n’est qu’une étape, et vous l’avez dit. Les fruits sont prometteurs mais doivent encore mûrir et être récoltés.
Il importe maintenant, et plus encore pour ceux qui, comme notre Communauté, en ont été précurseurs, de faire vivre cette
convention. Cela passera par la récolte, souhaitée rapide, de 30 ratifications. Ce traité entrera en effet en vigueur trois
mois après le dépôt du trentième instrument de ratification, mais uniquement pour les États ou organisations d’intégration
régionale qui auront ratifié la convention à cette date. Ce délai restera toutefois identique pour toute autre partie, même
ultérieurement. En effet, nous en souhaitons trente, mais nous espérons également que les 148 votants, à terme, déposent
leurs instruments respectifs.
Je peux vous assurer que la Communauté français entamera le plus rapidement possible le processus qui conduira à la
signature et à la ratification par la Belgique de cet instrument international. Les textes officiels sont généralement
communiqués par l’Unesco dans un délai de deux mois, et il est essentiel de disposer de la version finale authentique pour
la ratifier. Nous l’attendons donc. Nous de présenter le traité au vote du parlement de la Communauté dès le mois de février
ou de mars prochains.
Parallèlement, nous continuerons à sensibiliser nos partenaires au sein de l’Union européenne et de la Francophonie, à une
ratification sans délai. Nous avons toujours été et restons mobilisés, que ce soit par des contacts politiques dans les
commissions mixtes bilatérales et dans les enceintes multilatérales ou par le biais de notre réseau à l’étranger. Du reste,
la Commission européenne, qui a joué un rôle important dans ce dossier, entamera la procédure de ratification de la
convention, probablement durant la présidence britannique. Ce sujet sera déjà évoqué les 14 et 15 novembre au conseil
culturel de l’Union.
J’en viens à la participation de la Communauté française au fonds de soutien à la diversité culturelle. Je suppose que vous
ne manquerez pas de lui faire part de ma réponse. Ce fonds est en effet prévu par l’article 18 de la convention. Il tend au
renforcement des capacités des industries culturelles en développement. Il est important de rappeler que la convention
n’est pas protectionniste. Elle permet aux États de poursuivre des politiques actives dans ce domaine, y compris dans
l’expression des minorités, mais elle vise aussi la promotion des échanges et de la coopération internationale. La
convention est donc également un instrument au service du développement culturel des pays du Sud. La ratification, comme la
signature de la convention, ne peuvent s’envisager sans un soutien massif de ces pays. À cet égard nous devons rendre
hommage aux pays en voie de développement, singulièrement les pays francophone, qui au cours des travaux de rédaction ont
résisté à des pressions constantes, souvent sous forme de promesses alléchantes. Ils ont ainsi contribué, dans une large
mesure, au succès dont nous nous félicitons aujourd’hui.
Ce soutien n’aurait pu être obtenu sans une prise en compte des préoccupations et des aspirations des producteurs
culturels les plus vulnérables, majoritairement ceux du Sud.
À l’intention des pays du Sud, l’article 14 de la Convention prévoit que les parties s’attachent à soutenir la coopération
pour le développement durable et la réduction de la pauvreté. En outre, la Convention annonce la création d’un fonds
international pour la diversité culturelle.
Les ressources du fonds sont constituées par les contributions volontaires des parties, les fonds alloués à cette fin par
la Conférence générale de l’Unesco, les versements – dont les legs – que pourront faire d’autres États, des organisations
et programmes du système des Nations unies, d’autres organisations régionales ou internationales, des organismes publics ou
privés et des personnes privées. Il sera également alimenté par tout intérêt dû sur les ressources du fonds, le produit des
collectes et des recettes des manifestations organisées au profit du fonds ainsi que tout autre ressource autorisée par le
règlement du fonds.
Selon l’article 18, l’utilisation des ressources du fonds est décidée par le comité intergouvernemental, sur la base des
orientations de la conférence des parties.
Je souhaite une ratification rapide par la Belgique afin que nos communautés puissent siéger au comité intergouvernemental
regroupant 18 États.
L’article 18 précise que les contributions au fonds ne peuvent être assorties d’aucune condition politique, économique ou
autre qui soit incompatible avec les objectifs de la convention. Le mécanisme prévu a pour objectif d’éviter l’arbitraire.
Par ailleurs, ce fonds n’est aucunement en opposition avec la nécessité de promouvoir nos artistes sur les marchés
internationaux. Il rejoint un des objectifs stratégiques de notre politique internationale consistant à soutenir le
développement culturel de nos partenaires du Sud. Bon nombre de nos accords bilatéraux avec les pays en développement
recouvrent cette préoccupation. D’ailleurs, elle trouvera une nouvelle illustration dans le grand rendez-vous culturel de
Yambi que nous préparons avec le Congo pour 2007.
La contribution à ce fonds en faveur de la diversité culturelle se fait sur une base volontaire et sans montant imposé. Dès
lors, c’est en concertation avec les autres partenaires belges que nous fixerons le montant précis de la contribution de
chaque communauté pour 2007. La contribution n’intervenant qu’après l’entrée en vigueur de la convention en Belgique, il
n’y a pas de montant prévu pour 2006.
Afin de sensibiliser l’Union européenne au financement du fonds, j’ai demandé au commissaire Michel d’examiner l’éventualité
d’un tel financement.
La distinction que je viens de faire me permet de répondre plus particulièrement à M. Fontaine. Au niveau de la protection
de la diversité culturelle, la convention apporte incontestablement un appui supplémentaire, à l’échelle mondiale, aux
expressions vulnérables comme celles de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.
Toutefois, son objet est aussi de promouvoir les échanges et la coopération. Nos actions dans et avec les pays développés
doivent correspondre aux intérêts de chaque partenaire. Il s’agit de mettre en œuvre des outils adaptés pour faciliter
l’accès de nos opérateurs culturels aux marchés internationaux. Je souhaite que nous soyons capables de répondre aux besoins
de nos opérateurs culturels sans nous limiter géographiquement.
D’une part, je souhaite répondre aux besoins de nos opérateurs culturels. D’autre part, nos accords bilatéraux restent, et
resteront, des outils de concertation et de coopération dans lesquels l’intégration de la diversité culturelle est appelée
à prendre une importance croissante. J’y reviendrai lors de la discussion sur la note de politique internationale ainsi
qu’à l’occasion de l’examen du budget 2006.
Concernant les pays en voie de développement, nous devrons avoir une tout autre approche, basée sur la solidarité et non sur
un juste retour.
Ces deux objectifs stratégiques ont un dénominateur commun, celui de la diffusion et de la circulation les plus larges
possible des expressions culturelles.
Madame Emery, vous mentionnez plus spécialement les articles 20 et 25 de la convention.
L’article 20 règle les liens avec les autres instruments juridiques internationaux. Il est d’application coutumière. Son
libellé implique clairement que la convention n’est pas subordonnée à d’autres traités, qu’elle se situe sur un strict pied
d’égalité vis-à-vis de ceux-ci et qu’elle vient les compléter sans entrer en conflit avec eux. Je citerai un exemple :
la convention ne modifie pas les accords conclus à l’OMC mais contraindra les États parties à prendre en considération ses
dispositions dans l’application et l’interprétation de leurs obligations commerciales comme dans la négociation de futurs
engagements commerciaux. De la même manière, pour le règlement d’éventuels différends, il faudra compter sur la bonne
volonté des États parties, ceux-ci étant avant tout invités à la recherche de solutions par la voie de la négociation.
Nous souhaiterions que les textes aillent plus loin, mais il vaut mieux réunir un maximum d’adhérents. Il n’est pas sûr
qu’une formulation plus contraignante eût permis l’aboutissement rapide et heureux de ces travaux, tel que nous l’avons
connu et dont nous nous félicitons.
Il ne faut pas non plus sous-estimer la contrainte morale que constituerait la mise en évidence au sein de l’Unesco d’un
éventuel non respect des dispositions de la convention. Les États souhaitent généralement éviter ce genre de publicité. La
pleine réalisation des objectifs dépendra de la bonne foi des États, de l’interprétation honnête des articles de la
convention et de la bonne disposition de chacun à en accepter les contraintes.
Le respect et la promotion de la diversité culturelle sont non seulement un facteur de paix et d’équilibre, mais ils
recèlent pour les pays du sud un potentiel réel de développement social et économique. Félicitons-nous de l’adoption de
cette importante convention avec une célérité inhabituelle dans le monde des organisations internationales. Elle comble le
vide qui risquait de résulter de la fin des exemptions de l’OMC prévue en 2005 et prorogée jusqu’en 2010.
La Communauté française a été parmi les plus actives dans cette mobilisation internationale qui s’est mise en place dans
les années 90 et qui a mené à la création d’un ordre juridique mondial alternatif et non subordonné aux règles du commerce
international.
Nous pouvons aussi nous féliciter d’avoir réussi à négocier une convention internationale à 25. L’Union européenne a
accompli un progrès considérable en négociant pour la première fois en bloc dans une matière relevant quasi exclusivement
de la compétence des États. Cela a donné un poids important à la position européenne, permettant ainsi de rallier d’autres
partenaires.
Je voudrais rendre hommage à l’attitude des pays en développement lors de ces discussions. Leur détermination n’a pas
failli alors que nombre d’entre eux étaient mis sous pression.
Contrairement à ce que pensent certains, la convention est tout sauf protectionniste puisqu’elle encourage les échanges et
régit la complémentarité entre instruments internationaux.
Il faut donc souhaiter que les sceptiques puissent revenir sur leur position et adhérer à la convention. Ils renoueraient
ainsi avec des principes de dialogue entre les civilisations auxquels ils disent être attachés.
Ils les ont d’ailleurs approuvés dans la déclaration de l’Unesco de 2001 sur la diversité culturelle. Cette première étape
est extrêmement importante et nous devons suivre avec attention sa mise en œuvre.
Réplique de Philippe Fontaine (MR),
Nous verrons si la Communauté française peut mener une action efficace quand nous connaîtrons les moyens qui y seront
dégagés.
Mme Marie-Dominique Simonet,
La Communauté française participera au fonds dès qu’il sera mis en place. Il faut espérer que les ratifications
interviendront rapidement, mais le texte devant être approuvé par trente pays, il ne faut sans doute rien espérer avant
2007. Nous souhaitons que la Belgique figure parmi les premiers signataires.