Réponse du Ministre Christian Dupont,
– Je remercie Mme Jamoulle, M. Reinkin et M. Fontaine pour leur intervention sur cette question complexe.
Contrairement à ce que M. Fontaine a laissé entendre, la pénurie n’est pas la règle, elle reste l’exception. Il ne faut pas pour autant nier le problème. Vous avez parlé de planification. C’est une grande idée, certes, mais délicate à mettre en oeuvre. Il y a trois ou quatre ans, on disait qu’il ne fallait plus entreprendre des études d’institutrice maternelle.
Et aujourd’hui, nous connaissons une pénurie dans cette profession. Vous avez parlé de l’avalanche de réformes, de la nécessité de restaurer la confiance. C’est un discours un peu creux et même polémique, qui ne cherche pas une vraie solution au problème.
Chacun peut avoir son opinion sur le sujet, vous avez l’avantage d’avoir été plus souvent présent que moi dans cette assemblée, pendant trois ou quatre ans. Monsieur Reinkin, c’est devant soi qu’il faut regarder ! Si je regarde en arrière, j’ai connu des personnes qui ne recherchaient pas toujours l’égalité et prônaient plutôt l’élitisme.
Mon but n’est pas de polémiquer. Nous pratiquons un métier difficile, les enseignants aussi. Vous ne m’entendrez jamais critiquer les enseignants qui s’impliquent à fond dans une profession extrêmement difficile. Contrairement au climat de sinistrose évoqué par M. Reinkin, je dois dire que les choses se passent souvent très bien. Je me suis rendu dans une école technique à Schaerbeek, à l’athénée de Mouscron. . .
Partout où je vais, je ne vois que des exemples de pédagogie active, d’enseignants dynamiques, de gens qui se battent dans des milieux parfois pas faciles du tout. Il est clair que, pour une série de raisons, il est beaucoup plus difficile d’enseigner aujourd’hui qu’il y a vingt-cinq ans,. La relation à l’autorité est tout à fait différente, l’enseignement – hélas ! – ne débouche plus automatiquement sur l’emploi, les théories et les méthodes pédagogiques ont explosé sans que l’on sache pour autant qui est censé les réguler. Comment calcule-t-on les pénuries ?
Une commission interzonale d’affectation recueille les résultats des travaux des commissions zonales d’affectation. Cela se passe-t-il toujours bien ? Non. J’ai découvert que les informations ont été transmises avec retard cette année et je veillerai à ce que cela ne se reproduise pas. Ces commissions se basent sur les statistiques fournies par l’Onem, l’Orbem et le Forem, parfois difficiles à obtenir, le nombre des membres du personnel temporaires engagés sur la base d’un titre jugé suffisant B, le nombre d’heures non pourvues, le nombre de membres du personnel maintenus en disponibilité, les statistiques et prévisions fournies par la cellule prospectives pour l’emploi dans l’enseignement.
L’exemple des enseignantes maternelles montre d’ailleurs toute la difficulté des projections. Je signale au passage que, par rapport à 1992-1993, nos écoles normales comptent 30 % de candidats enseignants de plus. Une des priorités les plus urgentes est de faire en sorte que ceux qui entrent dans l’enseignement n’en sortent pas aussi vite.
Une des raisons de ce phénomène est le manque d’articulation entre la formation initiale et la formation continue. Je plains le jeune enseignant recevant des directives à son arrivée, d’autres des collègues à qui il demande conseil, peut-être des troisièmes d’un inspecteur, alors qu’il arrive avec un bagage pédagogique propre et sans bénéficier immédiatement d’une formation continue.
Il faut articuler ces deux formations dans le courant de la première année d’enseignement car c’est alors que les jeunes enseignants découvrent soudain le fossé entre la théorie apprise et la réalité d’une classe où ils «
se plantent ».
C’est à ce moment qu’ils doivent être soutenus ; Mme Jamoulle a parlé de tutorat. Nous avons pris une série de mesures, comme le remplacement plus rapide des enseignants absents pour maladie, une revalorisation barémique non négligeable des agents, l’amélioration des conditions de travail, en particulier des bâtiments grâce au partenariat public privé (PPP).
Pour les métiers de l’enseignement en pénurie, des personnes ont eu la possibilité de suivre une formation d’enseignant sans perdre leur allocation de chômage. Je connais des enseignants en fonction ayant recommencé une formation dans ce cadre. Nous examinerons également d’autres solutions lors de la concertation sectorielle en cours, car les mesures doivent être prises avec les partenaires sociaux.
Le phénomène est mouvant même s’il est devenu structurel. La dramatisation de la situation renforce la démotivation ambiante. Néanmoins, il ne faut pas non plus la banaliser. Sans être catastrophique, il faut vraiment prendre ce problème à bras-le-corps.
La pénurie n’est pas la règle. Elle reste heureusement l’exception mais une école dans laquelle il manque un enseignant est toujours une école de trop.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je remercie le ministre de sa réponse. Il ne faut certes pas dramatiser mais les pénuries affectant certaines professions sont bel et bien réelles.
Derrière ces pénuries, il y a des enfants qui sont victimes d’un manque dans leur formation, ce qui est difficilement acceptable. Les jeunes enseignants arrivant dans les écoles avec leur propre bagage sont livrés à eux-mêmes.
Cela pose un réel problème, d’autant qu’ils héritent souvent des classes les plus difficiles. La formation continuée et surtout l’encadrement sont des données particulièrement importantes. Nous attendons, nous aussi, énormément de l’amélioration des conditions de travail et des projets PPP. Ces points sont depuis longtemps à l’ordre du jour mais nous ne voyons rien venir. Après les déclarations d’intention, il faut passer aux réalisations.
Le gouvernement ne peut pas tout le temps promettre sans concrétiser. Il faudrait aussi que le gouvernement dispose d’informations pertinentes pour ne pas déclarer qu’il y a pléthore dans tel ou tel secteur – l’enseignement maternel, par exemple –, alors que dans les faits, il y a une désaffection !
Nos jeunes tournent de plus en plus le dos aux métiers de l’enseignement car, au-delà de l’aspect purement financier, ils ne trouvent plus dans l’exercice de ces professions les satisfactions qui étaient celles de leurs aînés il y a seulement dix, vingt ou trente ans.