Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– Avant de répondre à vos question, je rappellerai que la législation sur les fabriques d’église n’a pas été modifiée depuis le XIXe siècle ! Deux dispositions légales relatives aux biens mobiliers affectés au culte sont particulièrement importantes. Un article de l’arrêté royal du 16 août 1824 interdit de détacher, d’emporter ou d’aliéner toute oeuvre placée dans une église paroissiale ou cathédrale sauf autorisation du ministre du culte responsable.
Ensuite, une loi de 1818 dispose qu’il faut avoir l’accord du ministre du culte responsable pour disposer du mobilier et énonce les sanctions en cas de contravention à cette règle. Ces dispositions légales, pour le moins anciennes, énoncent clairement les obligations des fabriques d’église sur le patrimoine artistique.
Elles doivent tout conserver, aucune rénovation d’église, aucun transfert, même temporaire – pour une exposition, par exemple –, aucune restauration ni aliénation d’objet ne peut être réalisé sans le consentement du ministre du culte responsable.
Depuis 2002, les Régions sont compétentes pour les fabriques d’églises et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes, à l’exception de leur reconnaissance et des traitements ou pensions des ministres des cultes. En Région wallonne, M. Courard en a la charge. Malheureusement, il semble que, dans la pratique, ces dispositions ne soient pas respectées.
En outre, les différentes congrégations religieuses ne sont pas concernées par cette législation car elles relèvent du droit privé. Par ailleurs, depuis 1967, l’Institut royal du patrimoine artistique, l’IRPA, a réalisé un inventaire photographique et descriptif du mobilier des églises de Belgique. Notre pays est ainsi le premier au monde à disposer d’une couverture photographique détaillée du patrimoine artistique de ses églises paroissiales et cathédrales. Ce catalogue comprend 250 000 négatifs !
Cependant, son actualisation est nécessaire. J’en reviens à vos préoccupations. Le décret du 11 juillet 2002 relatif aux biens culturels mobiliers et au patrimoine immatériel donne la possibilité à la Communauté française de classer les objets précieux des édifices de culte. À cette fin, le décret a créé une commission consultative du patrimoine culturel mobilier, composée de spécialistes. Bien qu’actuellement aucun bien ne soit classé, le travail mené par cette commission démontre l’importance du patrimoine conservé dans les églises.
Les spécialistes estiment que deux tiers du patrimoine mobilier majeur en Communauté française appartiennent à des édifices religieux. Il serait logique, à l’instar de ce qui se passe pour les monuments, qu’une instance culturelle puisse protéger les biens mobiliers des fabriques d’église de manière à créer une situation symétrique.
D’une manière générale, la désaffection à l’égard du culte et l’accroissement du trafic de biens culturels créent une situation de très grand danger pour les biens culturels mobiliers situés dans les églises. Certains établissements de la Communauté française disposent de locaux sécurisés et de coffres-forts. Il pourrait être envisageable de mettre ces lieux à la disposition des édifices qui ne peuvent assurer la protection de leurs objets de culte.
Certains musées pourraient jouer ce rôle, même si le risque zéro n’existe pas. Il faut distinguer les différents types de musées. Il y a des institutions comme le musée En Piconrue à Bastogne, le musée d’art religieux et d’art mosan à Liège et le musée diocésain de Namur, qui ont pour vocation d’accueillir ce type de patrimoine.
D’autres institutions muséales sont centrées sur un seul édifice. C’est le cas du musée du Chapitre de Soignies et ceux des trésors de cathédrales et collégiales. Il y a enfin des musées à thème plus large qui accueillent un nombre important d’objets religieux, comme le musée provincial des arts anciens du Namurois ou le musée Curtius à Liège. Une réflexion pourrait être menée de conserve avec les musées sur les mesures qui pourraient être prises pour la conservation du patrimoine liturgique.
M. Philippe Fontaine (MR). – La réponse de Mme la ministre était très documentée sur la responsabilité des fabriques d’église. Dans les musées diocésains ou les cathédrales, il existe une protection de qualité. Mais ma question concernait surtout tous les petits édifices religieux qui contiennent des richesses reprises dans les 250 000 clichés dont vous avez fait état.
Je serais curieux de savoir combien des objets photographiés sur ces clichés ont déjà disparu. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on entende parler d’un vol dans un édifice religieux. Il faut bien sûr respecter la réglementation en vigueur. Mon intention n’était pas de proposer que les fabriques d’église aliènent leurs biens. Je souhaitais qu’elles puissent les placer dans des endroits sécurisés.
J’ai cité le cas du château de Seneffe qui héberge notamment une statue datant du Moyen-Âge qui est sortie une fois par an pour une procession. Il n’est plus possible de la conserver dans l’église car elle n’y serait pas en sécurité.
C’est donc une copie qui s’y trouve. J’estime que nous devons envisager des mesures pour que les fabriques d’église des petites paroisses, qui n’ont pas toujours conscience de l’importance de leur patrimoine, puissent se reposer sur des institutions qui ont la capacité d’en assurer la garde.