Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– Je n’ai pas rencontré la direction de la RTBF spécifiquement sur la couverture des Jeux olympiques de Pékin. Je peux toutefois vous communiquer un certain nombre d’éléments sur la position de notre service public de radiodiffusion sur cette question.
La situation préoccupante au Tibet et plus globalement celle des droits de l’homme en Chine requièrent évidemment la vigilance des journalistes de la RTBF qui seront dépêchés sur place. Certains d’entre eux feront partie de l’équipe du Journal télévisé qui, par des éditions spéciales notamment, dépassera largement la couverture des Jeux et de leur organisation.
Toutefois, la plupart des journalistes présents à Pékin appartiendront au service des sports. Vous faites référence à la position que les journalistes sportifs ont adoptée, et que confirme le rédacteur en chef, Michel Lecomte. Ils commenteront évidemment les différentes images des disciplines sportives, et en particulier celles où les Belges seront engagés, mais ils se documentent très sérieusement sur la situation des droits de l’homme en Chine d’autant que, comme en France, des sportifs eux-mêmes ont décidé de s’impliquer.
À tout moment, en fonction de l’actualité mais aussi en filigrane, ils seront à même d’y faire allusion. Bien que spécialistes du sport, ce sont avant tout des journalistes et j’ai confiance en la qualité de leur travail. Par ailleurs, le président de l’Union européenne de radio-télévision (UER), organisme dont la RTBF fait partie, a souligné qu’un différé n’était ni envisageable ni admissible.
Juridiquement l’UER et la RTBF ont payé des droits pour proposer des images en direct. Le décalage en différé rendrait caduc ce point essentiel du contrat établi entre l’UER et le Comité international olympique. L’éventualité que Pékin empêchent les journalistes d’exercer leur métier ne peut être exclue mais la pression médiatique sur la Chine serait alors immense, ce qui contribuerait à mettre en lumière les éventuels actes de censure et de non-respect des droits de l’homme.
La RTBF se veut rassurante et souligne que les journalistes qui couvriront les Jeux seront bien au courant de la situation politique, ce qui devrait rendre leurs comptes rendus percutants et critiques. En ce qui concerne la retransmission des Jeux olympiques en léger différé en Chine, il y a toujours un risque de manipulation des images et de leurs commentaires.
Cependant, pour autant que l’accès aux émissions par satellite soit libre et que le public connaisse la langue de diffusion, les médias internationaux, comme TV5 Monde, peuvent jouer un rôle en informant le public chinois, par des directs, des journaux télévisés ou des magazines consacrés aux JO. Quoi qu’il en soit, les manipulations d’images seraient rapidement connues de tous et dénoncées par les milliers de journalistes présents.
L’information serait également relayée par les médias, ce qui ne contribuerait pas à donner l’image d’une Chine démocratique. L’enjeu, pour la Chine, est de donner une image positive des Jeux olympiques et d’elle-même à la communauté internationale. Personne ne serait en effet dupe d’une telle manipulation, encore moins l’équipe de la RTBF.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je n’ai aucune raison de mettre en doute la qualité et la conscience professionnelle des journalistes que nous enverrons en Chine.
Toutefois, je demeure inquiet. Nous ne pourrons juger de la situation qu’une fois confrontés au problème. Il est important de réfléchir aux attitudes que devront adopter les journalistes de la RTBF en fonction des événements.
Si je ne suis pas en faveur du boycott, j’estime toutefois que nous ne pouvons nous faire complices d’une manipulation des opinions publiques, chinoise et internationale. Nous savons que les Chinois ne reçoivent que les images officielles, qui ne leur permettent pas de se forger une opinion objective de la situation. Mais il ne faudrait pas non plus que l’opinion chinoise se retourne contre les Occidentaux.