Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– La première interrogation de M. Fontaine porte sur les alternatives à mettre en oeuvre pour combler le différentiel existant entre le nombre de spectacles créés en Communauté française et la capacité de les diffuser sur notre territoire.
Comme nous possédons le réseau de diffusion le plus dense d’Europe et que notre territoire est l’un des plus petits de notre continent, une démultiplication de ce réseau ne ferait qu’accroître la concurrence entre nos opérateurs et déséquilibrerait le rapport entre l’offre culturelle qu’ils proposent et la capacité des publics d’y répondre.
Nos institutions peuvent accueillir tous les spectacles qui se créent avec ou sans le soutien des pouvoirs publics. Il n’y a aucune alternative à cette réalité, sauf si l’on désire diminuer la fréquentation de nos institutions. Ce n’est pas mon intention, bien au contraire. Je souhaite plutôt renforcer la diffusion, en Communauté française, des spectacles ayant bénéficié d’une aide publique après avis des conseils d’experts.
En effet, j’estime incohérent de soutenir des créations sans les diffuser sur notre territoire. Je l’ai dit à M. Crucke en début d’année. Un travail est d’ailleurs en cours avec les opérateurs de diffusion et de création ; il me permettra de préciser en 2008 de nouvelles orientations à cette politique.
L’exportation de nos artistes est une compétence de Mme Simonet. À l’occasion des états généraux de la Culture – dont le bilan est positif, contrairement à ce que notre président de commission dit sur certains plateaux de télévision – Mme Simonet et moi avons collaboré à une redéfinition des politiques qui y sont consacrées. Ainsi, les priorités géographiques ont été assouplies.
Aujourd’hui, les interventions du CGRI ne sont plus réservées aux seuls pays avec lesquels la Communauté française a des accords de coopération. Des crédits auparavant dédiés aux actions bilatérales sont à présent affectés à un article budgétaire intitulé «
soutien aux opérateurs culturels ».
Nous favorisons l’aide aux déplacements de professionnels dans les manifestations internationales les plus importantes, que ce soit pour la diffusion, la promotion ou la prospection de partenariats utiles au développement de projets. Des moyens sont réservés à nos festivals et à nos institutions pour permettre l’accueil de programmateurs, d’experts et de journalistes étrangers, en privilégiant nos objectifs de circulation et de mise en marché des créations portées par nos artistes.
Une meilleure implication de nos diplomates dans ce travail de sensibilisation, d’information et de prospection est aussi organisée. Ceux-ci veillent à valoriser nos créateurs dans les pays où ils sont en poste et ils nous informent des marchés susceptibles de les accueillir. Je pense notamment à l’Asie, l’Amérique latine, l’Europe de l’Est, ou au Moyen- Orient.
J’ai rencontré ces diplomates à l’occasion des journées diplomatiques. Dans le même esprit, en totale synergie avec notre délégation à l’Union européenne, notre point de contact culture établi au sein de notre agence Wallonie-Bruxelles Théâtre informe aussi nos opérateurs des programmes européens qui leur sont accessibles.
Des conseillers et un accompagnement leur sont proposés. Wallonie-Bruxelles Musique réalise le même travail pour les matières qui la concernent. Ces délégués de la Communauté française sont très sensibilisés à la question des déplacements et de l’accueil de nos artistes dans les postes où ils se trouvent. Depuis mon entrée en fonction, c’est-à-dire trois ans, je me rends compte qu’un réel travail d’accompagnement, de mise en place de réseaux, d’interventions est réalisé pour faire venir la presse locale à l’étranger, dans le but de faire connaître le travail de nos artistes, ces derniers étant des ambassadeurs de notre Communauté Wallonie-Bruxelles.
Des outils promotionnels performants et attrayants sont aussi réalisés. Des DVD et des plaquettes valorisent le travail de création de nos différents artistes et des différents secteurs. Ils sont utilisés par nos représentations diplomatiques mais aussi par les opérateurs eux-mêmes. Pour les budgets consacrés aux politiques de diffusion internationale dont ceux destinés au Festival d’Avignon, je vous renvoie à ma collègue en charge de ces matières, Mme Simonet, qui détient des données plus affinées.
Concernant les compagnies présentes en Avignon, que la Communauté française soutient et dont les résultats démontrent la dynamique de diffusion, il me semble restrictif de ne recourir qu’au seul critère d’évaluation des tournées obtenu par ces compagnies à l’issue de leur passage au festival. La diffusion d’un projet de création est le résultat d’un travail en aval et en amont des représentations. Il y a d’abord lieu de sensibiliser les programmateurs au travail de nos compagnies : il faut qu’ils les connaissent, qu’ils les apprécient dans leur évolution artistique avant de les accueillir ou de coproduire leurs créations.
Ensuite, il faut assumer le suivi des contacts pris lors des représentations. Ce n’est donc pas grâce à la seule présence à ce festival que des tournées se construisent. Le succès du travail de mise en marché du Théâtre des Doms ne doit pas uniquement s’apprécier par les contrats obtenus par nos compagnies mais aussi par la fréquentation de notre espace avignonnais par des programmateurs et des directeurs artistiques français et étrangers et de l’intérêt porté aux formes artistiques qui y sont présentées.
C’est pourquoi nous avons travaillé à une réorientation des politiques menées par le CGRI dont je viens de vous détailler les lignes directrices. C’est également dans cet esprit que j’inscris dans les missions de nos plus importantes institutions de création l’obligation de développer des réseaux internationaux utiles au déploiement professionnel des artistes qu’ils produisent ou coproduisent.
Cette mission est inscrite dans leur contrat-programme. Enfin, je vous informe que Mme Arena et moi avons cofinancé les interventions deMme Simonet au bénéfice de projets accueillis au festival « in » d’Avignon. Sans ces interventions conjointes de la Communauté française, le festival « in » n’accueillerait probablement pas nos artistes. Le festival « off » est aussi très important : des dizaines de compagnies belges s’y exportent ; c’est sans doute cher, mais le CGRI facilite cette tâche et certains contrats-programmes et conventions peuvent dégager des aides pour cette présence dans ce type de festival.
M. Philippe Fontaine (MR). – Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse mais poserai des questions complémentaires à votre collègue, Mme Simonet.
Certains points de votre réponse sont intéressants. Néanmoins, je suis inquiet lorsque vous dites que notre Communauté compte le plus grand nombre de lieux d’expression théâtrale et qu’une croissance n’est donc pas envisageable.
Vous dites également qu’il faut rester à l’intérieur des grandes institutions. Je comprends bien que nous ne devons pas disperser nos efforts. . .
Mme Fadila Laanan, – J’ai simplement indiqué que nous inscrivions un volet international dans le contrat-programme des grandes institutions.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je vous parle de votre réponse à ma première question. Vous disiez également que le choix des projets à soutenir serait soumis à l’avis de certains experts. Si ces derniers sont membres d’institutions, leur avis pourrait ne pas être objectif et nous risquons par ailleurs d’étouffer la créativité.
Mme Fadila Laanan, – C’est de moins en moins le cas, grâce au nouveau décret.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je pense que ce n’est pas suffisant. À partir du moment où vous dites que l’augmentation du nombre de lieux rendrait l’offre trop importante, je crains que la création ne soit entravée. L’avenir nous dira si je me trompe.