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Questions orales

     

 Questions du 03/07/07

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 Plan social "nouvelle" médiathèque...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Fadila Laanan, Ministre de la Culture et de l’audiovisuel, concernant :
« Le plan social annoncé pour la Médiathèque sur fond de baisse des prêts et la « nouvelle » médiathèque  »


Madame La Ministre,
Il y a quelques mois, nous apprenions que sans des dispositions susceptibles de stopper la chute du prêt de CD et DVD, la Médiathèque pourrait atteindre un déficit cumulé d’un million d’euros. Ce sont les piètres résultats enregistrés entre juillet et décembre 2006 qui ont tiré la sonnette d’alarme. En effet, la perte depuis 2000 est de 28% et les prêts ont encore baissé de 13% depuis l’été passé.

Or la Médiathèque c’est 875.000 médias, c’est 120.000 membres, c’est 3.110.000 prêts mais c’est aussi 240 salariés dont un certain nombre peuvent craindre pour leur avenir.

L’explication de la tendance actuelle est connue et est en grande partie due à la montée en puissance des téléchargements sur internet dont la facilité permet d’obtenir à la maison et gratuitement ce qu’hier l’utilisateur devait aller chercher à la Médiathèque. Dans l’attente d’une législation difficile à établir et facile à contourner, il n’est attendu aucune évolution favorable à court et moyen terme. Entre-temps, la Médiathèque doit réagir en s’adaptant à cette nouvelle réalité.

Mes questions sont les suivantes Madame la Ministre :

Il y a quelques temps, vous déclariez que le principe des enveloppes fermées à la culture ne vous permettait pas de soutenir la Médiathèque. En clair, l’argent qui manque ne viendra pas de chez vous. Vous déclariez également rechercher activement une solution avec les responsables de la Médiathèque. Pouvez-vous me préciser les solutions qui ont été envisagées pour assurer un avenir à l’asbl sans passer par un plan social catastrophique ?

Aujourd’hui, il apparaît que même la plate forme de téléchargement, présentée hier comme LA solution pour adapter la médiathèque à son temps est largement dépassée par ses équivalents commerciaux et qu’il faut chercher ailleurs la spécificité et donc l’avenir de l’institution. Il est devenu évident que ce n’est plus seulement un problème d’argent mais de choix des bonnes niches spécifiques qui permettront d’inscrire l’institution dans l’avenir. En laissant la médiathèque financer elle-même ce projet, alors qu’elle est en grandes difficultés financières, ne pensez-vous pas, comme le déclarent les responsables de la Médiathèque que cette solution a eu pour résultat de condamner à mort l’asbl qui se retrouve dans l’impossibilité de faire les investissements structurels nécessaires à sa vraie mutation ?

Enfin, une médiathèque-pilote est en projet. Elle est qualifiée de projet ambitieux et elle propose notamment des activités marchandes. Disposez-vous d’une projection de rentabilité d’un tel projet ? Avez-vous estimé les activités marchandes susceptibles de couvrir le coût des activités non rentables financièrement mais qui permettent à la médiathèque de se réinscrire dans son rôle premier de conseil, de promoteur de la culture musicale auprès du plus grand nombre ? En l’absence de projections de ce type, comment allez-vous financer le projet de Médiathèque du futur de Bruxelles que vous annoncez ?

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– Je vous remercie, messieurs, de ces questions qui me permettront de faire le point sur un dossier qui évolue d’heure en heure. Comme l’a relayé la presse, la Médiathèque a décidé la semaine dernière de mettre en place une série de mesures pour faire face au constat de la baisse de ses prêts.

Le recul du marché du CD s’élève à 38 % entre 2000 et 2005. Il s’est répercuté sur l’activité de l’asbl qui enregistre une baisse de 28 % sur la même période. Les conséquences sur ses recettes sont sensibles.

Son équilibre financier est directement touché, d’autant plus que ses coûts en personnel sont en croissance régulière. À l’issue de son conseil d’administration et de son assemblée générale du 28 juin dernier, l’institution a donc établi un plan de restructuration qui pourrait entraîner le licenciement de 30 équivalents temps-plein. Tous mes sentiments vont bien sûr aux employés qui pourraient être touchés par cette décision.

Je tiens néanmoins, avant de continuer, à souligner la rigueur de gestion dont a fait preuve la direction de la Médiathèque. L’institution a été gérée en bon père de famille, les prépensions ont été organisées et des réserves financières ont été constituées.

La Médiathèque a, en outre, anticipé l’évolution des habitudes des usagers et a alerté la Communauté française voici près d’un an. La direction a donc voulu explorer toutes les pistes pour assurer son avenir. Cette prudence a permis l’émergence de propositions qui pourront vraisemblablement réduire les pertes d’emplois initialement citées par d’aucuns et soutenir la reconversion technologique de l’asbl, tout en préservant le service au public.

Depuis près d’un an, je suis en contact avec la direction de la Médiathèque afin d’envisager une série de pistes dans le cadre du renouvellement de son contrat-programme. Les négociations contractuelles aboutiront d’ailleurs prochainement. Des mesures concrètes ont ainsi été envisagées dans le cadre de ce nouveau contrat-programme.

Elles viendront renforcer ses moyens et ses missions, preuve que je tiens réellement à aider la Médiathèque à franchir ce cap délicat. Je souhaite intégrer dans le prochain contrat-programme les activités de la Médiathèque vers deux nouvelles priorités : l’éducation et la sensibilisation du public, ainsi que le téléchargement en ligne.

C’est ainsi que j’envisage d’augmenter de 500 000 euros la subvention annuelle de l’asbl, soit une augmentation significative de 10 %, afin de lui permettre de développer le téléchargement en ligne. Ce sont ainsi dix équivalents temps plein qui pourront être directement affectés à cette tâche. M. Fontaine évoque la plate-forme de téléchargement en estimant qu’elle est « largement dépassée par ses équivalents commerciaux et qu’il faut chercher ailleurs la spécificité et donc l’avenir de l’institution ».

Je désire lui rappeler que la spécificité de la Médiathèque et de sa plate-forme ne sont justement pas commerciales. Il ne s’agit pas de concurrencer les plates-formes de téléchargement développées par de grands groupes commerciaux – il serait tout simplement impossible de le faire – mais bien de garantir et de promouvoir la diversité, et surtout la diversité culturelle.

La plate-forme de téléchargement de la Médiathèque n’est par ailleurs pas considérée par l’asbl comme « la » solution, mais comme une des orientations qu’elle ne pouvait négliger pour faire face aux nouveaux défis.

Renoncer au téléchargement reviendrait à déclarer forfait face à l’avenir. Rappelons également que la plate-forme en est encore à ses débuts et qu’il faut laisser à la Médiathèque le temps de la développer pour précisément se distinguer des offres purement commerciales. En soutenant de la sorte la Médiathèque dans une nouvelle activité de téléchargement en ligne, je tiens à renforcer le développement de l’offre culturelle sur Internet.

La Médiathèque pourra mettre à disposition du public tout le savoir-faire et les connaissances qui ont forgé sa réputation pendant cinquante ans. Par ailleurs, les connaissances et compétences acquises par le personnel – qui brasse quelque 12 000 nouveaux titres par an sous forme de CD, DVD, CD-rom, DVD-rom, etc. – doivent être plus que jamais mises au service du public. C’est pourquoi, le volet éducatif que la Médiathèque désire développer au sein de son prochain contrat-programme me paraît particulièrement intéressant.

La transmission des savoirs, la sensibilisation à la culture, comme l’éducation aux formes artistiques en général demeurent des priorités de ma politique. C’est dans un tel contexte que la Médiathèque souhaite entend inscrire le projet de « Médiathèque pilote ». Il entre dans l’objectif de médiation et de guidance que je viens d’évoquer afin de répondre de manière la plus appropriée possible aux besoins d’information, de conseil et d’initiation.

La Médiathèque a commandé une étude, actuellement en cours, qui débouchera sur un cahier de charges sitôt qu’une évaluation des moyens disponibles sera possible. Ceux-ci dépendent notamment de négociations autour du plan de licenciement. Ce projet se fera évidemment dans le cadre budgétaire tel qu’il se profile.

La Médiathèque a, comme vous l’évoquez, envisagé de proposer des services marchands limités ; ils visent des petits « plus » apportés au public sous la forme de ventes de tickets de concert, de restauration de leurs CD endommagés, etc. Par ailleurs, je présenterai prochainement au gouvernement des avant-projets de décret visant à permettre aux bibliothèques de bénéficier d’une prime lorsque des synergies auront pu être développées avec la Médiathèque, et ce afin de couvrir les frais supplémentaires induits par ce type de collaboration.

Cette mesure cherche à prévenir la fermeture de certains centres de prêt de la Médiathèque et éviter la perte de 20 équivalents temps-plein. Lors de ma dernière visite dans la province du Luxembourg, j’ai pu constater que des bibliothèques travaillaient déjà de cette manière avec la Médiathèque. Lorsque le « discobus » ne passe pas toutes les semaines ou tous les 15 jours, le public peut effectuer des commandes ou y restituer des supports empruntés à la Médiathèque. Des synergies peuvent donc encore être développées.

On envisage, à terme, que certaines bibliothèques reprennent les activités de prêts de médias et bénéficient de cet apport de savoir-faire du personnel de la Médiathèque. Il s’agit donc non pas de fermer des centres de prêt pour l’instant mais d’assurer une continuité du service au public.

En concertation avec la direction de la Médiathèque, j’envisage également un plan d’accompagnement du personnel licencié qui ne sera pas prépensionné. Des réunions avec la direction, les cabinets de Marie Arena et Claude Eerdekens, et les syndicats sont organisées dès cette semaine pour dégager des pistes concrètes. Je sais par ailleurs que le conseil d’entreprise a pu s’entendre sur un agenda de travail sérieux.

Enfin, j’ai pu lire que certains faisaient des propositions d’orientation d’activités nouvelles pour la Médiathèque, par exemple dans l’archivage numérique ou dans l’idée de créer un INA, Institut national de l’audiovisuel, à la mode de la Communauté française. Ces propositions montrent bien que nous n’agissons pas dans la précipitation, car elles ont précisément été explorées dans le cadre de la préparation du contrat-programme.

C’est ainsi que, dans le projet actuel, figure la possibilité d’extension des missions de la Médiathèque sur de tels objets, y compris par rapport à un éventuel dépôt légal des oeuvres audiovisuelles. Néanmoins, le plan d’archivage numérique étant en cours d’élaboration, il est trop tôt pour estimer la faisabilité et les rapports coût/bénéfices pour la Médiathèque de telles mesures.

Nous aurons l’occasion d’y revenir dans quelques semaines. Je regrette, bien sûr, que l’emploi ne puisse être maintenu à son niveau actuel. Mais, compte tenu du caractère visiblement inéluctable des évolutions auxquelles la Médiathèque est confrontée depuis des années, les mesures prises permettront d’en atténuer l’impact social, tout en préservant la pérennité de l’outil culturel.

C’est dans ce contexte que la Médiathèque devra relever les défis qui l’attendent, tant sur le plan culturel que sur les plans humain et budgétaire.

M. Philippe Fontaine (MR). – Ce dossier est évidemment en constante évolution. Je reste persuadé que la Médiathèque constitue un outil intéressant, utile et indispensable en matière de diffusion culturelle, car il permet l’accès à la culture pour le plus grand nombre. Loin de moi l’idée de voir la Médiathèque perdre son orientation spécifique, mais il est évident que le monde évolue au même titre que les possibilités de diffusion.

Il faut donc que la Médiathèque puisse suivre, voire précéder cette évolution, ce qui nous éviterait bon nombre de problèmes. Les pistes que vous nous avez livrées me semblent intéressantes, notamment en termes de collaboration avec les bibliothèques et de recherche d’activités différentes ayant recours aux techniques acquises par le personnel de la Médiathèque.

Je souhaite que nous puissions sauver un maximum d’emplois tout en garantissant la pérennité et le redéploiement de l’institution afin que la Médiathèque puisse continuer à jouer son rôle dans le futur, en utilisant les nouvelles techniques et en s’adaptant aux demandes du public.