Réponse de la Ministre-Présidente Marie Arena,
– Je suis ravie de débattre des évaluations de la lecture. Lorsque les résultats ont été publiés, certains ont estimé qu’ils n’apprenaient rien de neuf et se sont interrogé sur leur utilité cette évaluation.
Il est vrai que certains éléments sur lesquels nous travaillions déjà ont été confirmés. Mais si nous avions dû attendre ces évaluations pour élaborer le Contrat pour l’école, nous aurions perdu trois ans. Nous nous sommes basés sur des indicateurs de l’enquête PISA, notamment l’existence de problème de lecture à l’âge de 15 ans. Nous en avons déduit que les apprentissages étaient déficients bien avant cet âge. C’est la raison pour laquelle les stratégies mises en place visaient les savoirs de base – lire, écrire, parler et calculer – dès l’école maternelle ; je pense notamment aux mille enseignants supplémentaires en première et deuxième primaires, aux manuels pédagogiques et à l’évaluation. L’objectif est d’établir un système récurrent d’évaluation qui nous permette de suivre, dans toutes les matières de base – auxquelles il faut ajouter l’éveil pour l’école fondamentale –, l’évolution de nos systèmes, mai aussi de voir où et avec quels publics les problèmes surviennent et comment les résoudre.
C’est un outil de pilotage qui nous permettra chaque année d’adapter notre système éducatif sans devoir attendre l’enquête internationale réalisée tous les trois ans et qui n’est pas spécifique à la Communauté française. La première évaluation effectuée dans le cadre du décret portait sur le français.
C’est donc bien dans le décret de 2006 que nous avons fixé les évaluations externes non certificatives. Les mathématiques seront évaluées l’année prochaine, l’éveil l’année d’après et les langues l’année suivante. La commission de pilotage décidera des matières qui seront évaluées dans le secondaire. J’en viens à l’interprétation des résultats. Vous avez rappelé les taux de réussite, à savoir 76 % en deuxième primaire, 67,7 % en cinquième primaire, 58,6 % en deuxième année de l’enseignement général et 48,1 % en deuxième année de l’enseignement professionnel.
Le pourcentage de réussite diminue donc au fur et à mesure que les enfants progressent dans leurs études. Faut-il en déduire que les élèves lisent de moins en moins bien ? Certainement pas.
L’explication principale de ce constat est que les compétences se complexifient et que de nombreux élèves n’arrivent pas à faire face aux difficultés. Quelles en sont les raisons ? Il ressort des informations collectées auprès des enseignants des classes de l’échantillon représentatif qu’en deuxième primaire une part importante du temps est consacrée à l’enseignement de techniques et de savoir-faire qu’il s’agit de maîtriser et de combiner pour comprendre des textes écrits.
Dans les cycles qui suivent, bien qu’elle cède le pas aux apprentissages formels comme la conjugaison, l’orthographe et la grammaire, la lecture continue à occuper une place importante dans les activités des classes. Mais la nature des activités diffère sensiblement lorsque le cap de la deuxième année est franchi. Les élèves sont certes régulièrement amenés à lire, mais on peut se demander si l’accent est suffisamment mis sur les leçons ou les activités qui permettent aux jeunes lecteurs de construire le processus mis en oeuvre par un lecteur expert, c’est-à-dire de comprendre et d’analyser ce qui fait la difficulté d’un texte ou de confronter les différentes interprétations d’un même passage.
Outre ce premier constat sur la lecture en général, il est intéressant d’analyser plus finement quelles compétences sont le mieux ou le moins bien maîtrisées. À chacun des niveaux évalués, il y a des constats encourageants, notamment la détermination de facteurs qui influencent les résultats et sur lesquels les enseignants peuvent avoir prise. Pour permettre à la majorité des élèves d’assimiler les compétences attendues à chaque niveau scolaire, il faut insister sur la nécessité de poursuivre l’enseignement de la lecture bien au-delà de la deuxième année, sous la forme d’un enseignement explicite de stratégies de compréhension.
Les enseignants bénéficieraient utilement d’outils leur permettant de déceler les difficultés auxquelles se heurtent les élèves et de pistes d’actions concrètes pour y apporter une réponse. Le dispositif d’évaluation externe s’inscrit dans cette logique en prévoyant l’élaboration et la diffusion de pistes didactiques adaptées à chaque niveau d’enseignement.
C’est un premier pas. En outre, chaque équipe éducative, avec la collaboration des services d’inspection et d’animation pédagogique des différents réseaux, pourra procéder à l’auto-analyse de la portée de son action et dégager des réponses appropriées aux difficultés spécifiques de ses élèves.
En ce qui concerne la mixité sociale, et plus généralement les facteurs environnementaux qui peuvent influencer les résultats, il me paraît quelque peu inapproprié de vouloir traiter leur impact au travers des programmes d’enseignement. En effet, les programmes développent essentiellement des contenus et non ce type de paramètre.
De plus, toutes les écoles n’accueillent pas un public mixte. Je trouverais plus efficace d’agir dans l’école, de développer des stratégies et d’opérer des choix pédagogiques qui répondent directement, concrètement, aux réalités locales. En deuxième année, le facteur environnemental n’a pas un poids significatif sur l’apprentissage bien que les 15 % d’enfants en décrochage total soient issus de milieux très défavorisés, dans des quartiers où les habitants sont issus de cultures différentes. J’ajoute qu’il s’agit souvent de garçons.
Enfin, le décret du 2 juin 2006 dispose que des évaluations externes peuvent être organisées dans plusieurs disciplines : français, mathématiques, éveil scientifique, formation historique et géographique, langues modernes, citoyenneté et toute autre que la Commission de pilotage souhaiterait tester en troisième et en sixième années secondaires. Nous pourrons ainsi compléter les travaux que nous menons pour lutter contre le décrochage scolaire.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je partage une bonne partie des propos de la ministre-présidente. Cette étude nous confirme certains éléments que nous pressentions et nous permet de disposer de données plus objectives. Je prends acte de l’annonce d’un suivi dans d’autres matières.
Je souligne, comme M. Cheron, l’intérêt de procéder à cette évaluation dans une discipline comme l’histoire, dans laquelle on peut exercer son esprit critique. On doit aussi travailler davantage pour favoriser le goût de la lecture qui fait défaut chez bon nombre de nos jeunes.
La Communauté française n’a jamais fait autant d’efforts en faveur de la littérature pour la jeunesse. Par ailleurs, l’apprentissage de la lecture dans les écoles est une bonne chose, mais il doit pouvoir être poursuivi à l’extérieur de l’école, notamment dans les bibliothèques. De meilleures synergies entre les différents institutions sont donc nécessaires.