Cfrançaise

Questions orales

     

 Questions du 26/04/07

-

 Le financement de la distribution de ...
Question orale de Philippe Fontaine, Député wallon, à Fadila Laanan, Ministre de l’Audiovisuel et de la Culture, concernant :
« Le financement de la distribution de 3000 exemplaires du premier Harry Dickson de Jean Ray dans certaines librairies "de qualité" le week-end des 21 et 22 avril »


Madame la Ministre,
J’ai lu dans la presse récemment que vous aviez l’intention de financer la distribution de 3000 exemplaires du premier Harry Dickson de l‘auteur belge de littérature fantastique Jean Ray dans certaines librairies "de qualité" le week-end des 21 et 22 avril. Ce financement permettra aux libraires retenus pour l’opération de les offrir à leurs clients et lancer par la même occasion ce que vous avez appelé « un réseau de librairies de qualité premières garantes de la liberté et de la diversité éditoriale. »

Ce projet devrait être finalisé par l’octroi d’un label de qualité cet été.

Je dois bien reconnaître que l’objectif que vous poursuivez à travers cette initiative est intéressant. Sensibiliser les plus jeunes à « découvrir l’irremplaçable contribution des créateurs à l’émancipation sociale et culturelle, ainsi que de recréer le réflexe de franchir le seuil des librairies au plus grand nombre est louable.

Mes questions sont les suivantes Madame la Ministre :

Il semblerait que la liste des librairies de qualité soit reprise sur le site du « Guide des lettres belges de langue française », sans doute s’agit-il d’une des sous rubriques du menu « librairies ».
- Pouvez-vous me dire sur quels critères ces librairies ont-elles été choisies et par qui ?
- Existe-t-il un comité de sélection ?
- Qui le compose ?
- Combien y a-t-il de librairie ?
- Comment ce nombre a-t-il été déterminé ?
- Avez-vous tenu compte d’une répartition géographique ?
- Toutes la Communauté française est-elle bien représentée ?
- Y a-t-il des zones sous représentées ?
- Lesquelles et pourquoi ?

En réponse à mon collègue Crucke qui vous interrogeait sur la labellisation des librairies, vous annonciez vouloir par là « rendre ses lettres de noblesse à ce magnifique métier de libraire » en permettant une « légitime reconnaissance aux libraires retenus ». Vous annonciez même la possibilité d’apposer un signe distinctif sur la vitrine et d’organiser des formations pour les libraires concernés.
Je disais votre objectif louable et je le pense mais, alors que vous voulez ramener du monde dans les librairies que vous qualifiez à juste titre d’ailleurs d’ « incontournables professionnels de la vente des livres », ne craigniez-vous pas une réaction de la part du public vis-à-vis des librairies qui ne figurent pas dans votre liste au titre de « librairies de qualité » ?
- Avez-vous mesuré cet effet collatéral ?
- Avez-vous l’intention d’étendre à terme votre action à toutes les librairies ?

Vous annoncez l’octroi d’un label de qualité.
- Ces librairies étant déjà choisies et étant partie prenante de votre action « cadeau », sur quels critères ce label sera-t-il octroyé ?
- Une fois les labels attribués, vous avez aussi précisé en réponse à la question de Jean-Luc Crucke que d’autres librairies pourraient venir s’adjoindre aux premières.
- Avez-vous également prévu des formations ou des aides spécifiques pour ces autres librairies pour se remettre à niveau , partant du principe que ce sont elles qui auraient besoin d’être soutenues pour se hisser au rang de « librairies de qualité » ?

Le fond d’Aide à la Diffusion a été créé pour d’attribuer notamment des prêts sans intérêts ou des subventions aux librairies générales pour les appuyer dans quatre domaines spécifiques dont les animations littéraires et la formation et la constitution d’un assortiment représentatif d’ouvrages d’auteurs ou d’éditeurs de la Communauté française de Belgique.
- Votre action s’inscrit-elle dans le champ d’application de ce fond ?
- Est-ce une autre forme d’aide exceptionnelle ?
- Pouvez-vous me préciser laquelle afin que je n’ai pas la faiblesse, en cette période sensible, de faire le raccourci suivant : la Ministre de la Culture offre des livres aux citoyens par l’intermédiaire des librairies.

Merci des réponses que vous voudrez bien me donner.
Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– Je remercie M. Fontaine pour sa question. Sachez qu’il s’agit de la deuxième initiative que je prends dans ce sens. L’année dernière, à la même époque, pour les mêmes raisons et dans les mêmes proportions, j’avais décidé de faire distribuer dans les classes d’adolescents un chef-d’oeuvre de la littérature, Une Saison en Enfer d’Arthur Rimbaud. Cela se passait, en effet, en des temps non suspects.

Vous ne m’aviez pas interrogée alors sur la qualité ou non de cette initiative. Je vous annonce que l’an prochain, je mettrai sur pied une action semblable, car elle est porteuse pour nos lecteurs, nos auteurs, nos éditeurs et nos librairies. Cette action est en lien avec la Journée internationale du livre initiée par l’Unesco. Cette année, j’ai désiré prolonger l’opération de l’année dernière avec deux initiatives supplémentaires. La première est le projet de labellisation des « Libraires de qualité » qui est en voie d’être finalisé.

La deuxième concerne les éditions Le Cri, un de nos grands éditeurs professionnels, qui fête en 2007 ses 25 ans. De plus, j’ajouterais que Jean Ray est un des grands auteurs de notre patrimoine. Je crois donc à un effet de levier et aux mesures qui se renforcent. Le réseau des libraires professionnels est amené à s’élargir et à s’ouvrir à d’autres qui accepteront les critères retenus que je n’ai personnellement pas inventés. Ils sont admis de longue date par le Fonds d’aide à la diffusion.

Bruxelles et la Wallonie comptent une centaine des librairies générales ou spécialisées de langue française. Sur la base d’une étude réalisée par Alain Esterzon, chercheur en économie du livre, diplômé de l’École de commerce Solvay, ce sont ces dernières qui ont été retenues pour y distribuer les livres offerts. Elles sont réparties comme suit : pour la Région Bruxelles-Capitale, 31 %, pour la Province de Liège, 19 %, pour le Brabant wallon, 17 % , pour le Hainaut, 14 %, pour le Luxembourg, 9 % et pour la Province de Namur, 9 % L’Asbl « Librairies francophones de Belgique» (LFB) est la seule association professionnelle existante et elle regroupe approximativement 54%de ces libraires. Il est donc normal que j’ai voulu travailler en concertation avec elle pour m’assurer de la réussite de la réalisation.

Les critères de labellisation concernent prioritairement la possibilité de commandes à l’unité, la qualité des conseils, la quantité minimale de livres en magasin, l’assortiment multi-éditorial et non captif, les ratios entre les ouvrages de fond et les nouveaux, le quota d’auteurs belges, les outils de formations continuées et les critères de convergence.

Ce dernier critère répond à une de vos inquiétudes. Certains points de vente, établis dans de petites villes ou localités, pourront être admis au label des « Libraires de qualité », même s’ils ne satisfont pas à tous les critères, pour autant qu’ils s’engagent à s’y rapprocher selon les modalités à fixer au cas par cas. Il n’y aura donc pas de laissés pour compte ; la Communauté française continuera à soutenir les libraires par des prêts sans intérêts via le Fonds d’aide à la diffusion. D’autres projets prennent forme suite à la demande de l’association des libraires, comme la Journée de formation et d’échange.

Les thématiques qui y seront développées concernent l’évolution du commerce du livre en ligne, l’accueil en librairies, les ventes aux collectivités, les importations françaises, ainsi que les outils de gestion, de recherche et de bibliographie. Mon objectif est clair. Il s’agit de valoriser les libraires-conseils qui jouent un rôle essentiel dans le tissu social. À côté des points de vente « presse » ou des grandes surfaces qui proposent uniquement des best-sellers – petit nombre de livres fortement médiatisés –, elles stimulent de nouvelles curiosités et aident au maintien de la diversité culturelle. Je sais que vous n’avez pas lu la dernière partie de votre question dans laquelle vous évoquiez une opération électoraliste. Mais vous avez eu ce livre en main et avez pu constater que je n’y apparais aucunement. À ce propos, je vous raconte une petite anecdote. Hier, je regardais sur Télé-Bruxelles une émission sur les lettres et la langue française, et plus particulièrement sur les librairies et leurs problèmes à Bruxelles. Le directeur du Cri – à qui je viens d’acheter 3 000 exemplaires pour les libraires-conseils et leurs clients ! – s’indignait de l’absence d’aide de la Communauté française à l’édition.

Cela m’a fort étonnée et je me suis demandée ce qu’allaient penser les autres éditeurs puisque ce soutien spécifique se justifiait par le 25e anniversaire des éditions du Cri et l’action de labellisation des librairies. . . Je constate donc qu’il reste beaucoup de travail pour faire comprendre aux éditeurs que la Communauté française soutient la promotion du livre, même avec des moyens limités.

M. Philippe Fontaine (MR). – Je n’ai pas entendu la remarque de cet éditeur car je ne capte pas Télé-Bruxelles, mais je constate qu’il y a des ingrats partout.

En effet, une commande de 3 000 exemplaires, ce n’est pas rien, particulièrement en Communauté française ! Mon souci n’était pas de me focaliser sur la Journée du livre ni sur votre action dans ce cadre, mais plutôt sur la promotion des libraires. Les chiffres que vous avez donnés témoignent du faible nombre de vrais libraires en Communauté française. Bruxelles en compte évidemment le plus.

Cependant, le Hainaut, la province la plus peuplée de Wallonie, n’en compte que 17 %, ce qui est peu. Il existe un réel problème. Dans les provinces connaissant un important déficit culturel, notamment dans la formation des jeunes, l’action des bibliothèques n’est pas suffisante si l’on veut que le livre trouve ses lettres de noblesse.

Il faut que les gens acquièrent le réflexe de posséder des ouvrages pour pouvoir y retourner régulièrement. Certains livres de référence aident les individus à se construire. Je pense qu’il est important de faire un effort pour soutenir les libraires de métier, mais aussi ceux qui n’ont pas la possibilité économique de devenir des libraires professionnels à part entière et qui néanmoins permettent l’accès au livre dans des petites localités.