Réponse de la Ministre Fadila Laanan,
– Je remercie M. Fontaine pour sa question. Sachez qu’il s’agit de la deuxième initiative que je prends dans ce sens. L’année dernière, à la même époque, pour les mêmes raisons et dans les mêmes proportions, j’avais décidé de faire distribuer dans les classes d’adolescents un chef-d’oeuvre de la littérature, Une Saison en Enfer d’Arthur Rimbaud. Cela se passait, en effet, en des temps non suspects.
Vous ne m’aviez pas interrogée alors sur la qualité ou non de cette initiative. Je vous annonce que l’an prochain, je mettrai sur pied une action semblable, car elle est porteuse pour nos lecteurs, nos auteurs, nos éditeurs et nos librairies. Cette action est en lien avec la Journée internationale du livre initiée par l’Unesco. Cette année, j’ai désiré prolonger l’opération de l’année dernière avec deux initiatives supplémentaires. La première est le projet de labellisation des « Libraires de qualité » qui est en voie d’être finalisé.
La deuxième concerne les éditions Le Cri, un de nos grands éditeurs professionnels, qui fête en 2007 ses 25 ans. De plus, j’ajouterais que Jean Ray est un des grands auteurs de notre patrimoine. Je crois donc à un effet de levier et aux mesures qui se renforcent. Le réseau des libraires professionnels est amené à s’élargir et à s’ouvrir à d’autres qui accepteront les critères retenus que je n’ai personnellement pas inventés. Ils sont admis de longue date par le Fonds d’aide à la diffusion.
Bruxelles et la Wallonie comptent une centaine des librairies générales ou spécialisées de langue française. Sur la base d’une étude réalisée par Alain Esterzon, chercheur en économie du livre, diplômé de l’École de commerce Solvay, ce sont ces dernières qui ont été retenues pour y distribuer les livres offerts. Elles sont réparties comme suit : pour la Région Bruxelles-Capitale, 31 %, pour la Province de Liège, 19 %, pour le Brabant wallon, 17 % , pour le Hainaut, 14 %, pour le Luxembourg, 9 % et pour la Province de Namur, 9 % L’Asbl « Librairies francophones de Belgique» (LFB) est la seule association professionnelle existante et elle regroupe approximativement 54%de ces libraires. Il est donc normal que j’ai voulu travailler en concertation avec elle pour m’assurer de la réussite de la réalisation.
Les critères de labellisation concernent prioritairement la possibilité de commandes à l’unité, la qualité des conseils, la quantité minimale de livres en magasin, l’assortiment multi-éditorial et non captif, les ratios entre les ouvrages de fond et les nouveaux, le quota d’auteurs belges, les outils de formations continuées et les critères de convergence.
Ce dernier critère répond à une de vos inquiétudes. Certains points de vente, établis dans de petites villes ou localités, pourront être admis au label des « Libraires de qualité », même s’ils ne satisfont pas à tous les critères, pour autant qu’ils s’engagent à s’y rapprocher selon les modalités à fixer au cas par cas. Il n’y aura donc pas de laissés pour compte ; la Communauté française continuera à soutenir les libraires par des prêts sans intérêts via le Fonds d’aide à la diffusion. D’autres projets prennent forme suite à la demande de l’association des libraires, comme la Journée de formation et d’échange.
Les thématiques qui y seront développées concernent l’évolution du commerce du livre en ligne, l’accueil en librairies, les ventes aux collectivités, les importations françaises, ainsi que les outils de gestion, de recherche et de bibliographie. Mon objectif est clair. Il s’agit de valoriser les libraires-conseils qui jouent un rôle essentiel dans le tissu social. À côté des points de vente « presse » ou des grandes surfaces qui proposent uniquement des best-sellers – petit nombre de livres fortement médiatisés –, elles stimulent de nouvelles curiosités et aident au maintien de la diversité culturelle. Je sais que vous n’avez pas lu la dernière partie de votre question dans laquelle vous évoquiez une opération électoraliste. Mais vous avez eu ce livre en main et avez pu constater que je n’y apparais aucunement. À ce propos, je vous raconte une petite anecdote. Hier, je regardais sur Télé-Bruxelles une émission sur les lettres et la langue française, et plus particulièrement sur les librairies et leurs problèmes à Bruxelles. Le directeur du Cri – à qui je viens d’acheter 3 000 exemplaires pour les libraires-conseils et leurs clients ! – s’indignait de l’absence d’aide de la Communauté française à l’édition.
Cela m’a fort étonnée et je me suis demandée ce qu’allaient penser les autres éditeurs puisque ce soutien spécifique se justifiait par le 25e anniversaire des éditions du Cri et l’action de labellisation des librairies. . . Je constate donc qu’il reste beaucoup de travail pour faire comprendre aux éditeurs que la Communauté française soutient la promotion du livre, même avec des moyens limités.
M. Philippe Fontaine (MR). – Je n’ai pas entendu la remarque de cet éditeur car je ne capte pas Télé-Bruxelles, mais je constate qu’il y a des ingrats partout.
En effet, une commande de 3 000 exemplaires, ce n’est pas rien, particulièrement en Communauté française ! Mon souci n’était pas de me focaliser sur la Journée du livre ni sur votre action dans ce cadre, mais plutôt sur la promotion des libraires. Les chiffres que vous avez donnés témoignent du faible nombre de vrais libraires en Communauté française. Bruxelles en compte évidemment le plus.
Cependant, le Hainaut, la province la plus peuplée de Wallonie, n’en compte que 17 %, ce qui est peu. Il existe un réel problème. Dans les provinces connaissant un important déficit culturel, notamment dans la formation des jeunes, l’action des bibliothèques n’est pas suffisante si l’on veut que le livre trouve ses lettres de noblesse.
Il faut que les gens acquièrent le réflexe de posséder des ouvrages pour pouvoir y retourner régulièrement. Certains livres de référence aident les individus à se construire. Je pense qu’il est important de faire un effort pour soutenir les libraires de métier, mais aussi ceux qui n’ont pas la possibilité économique de devenir des libraires professionnels à part entière et qui néanmoins permettent l’accès au livre dans des petites localités.