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Interdire le tabac à l’école...
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Proposition de décret visant à:
"Interdire le tabac à l’école" Déposée par Mme Françoise Bertieaux et Mr Philippe Fontaine
Développements
La consommation de tabac chez les jeunes a très fortement augmenté alors que la consommation globale en Belgique a connu
une diminution significative. Les chiffres avancés par la dernière enquête réalisée par le CRIOC1 sur le sujet sont
inquiétants. Cette enquête a été réalisée auprès de 2.196 jeunes de 10 à 17 ans par le CRIOC à la demande de la Fondation
Rodin. Deux organisations qui luttent contre les assuétudes.
Il semble évident, aujourd’hui, que la priorité en matière de lutte contre le tabagisme doit se concentrer sur tous ces
lieux où le jeune fume bien souvent sa première cigarette. Mettons le jeune dans les conditions optimales pour qu’il ne
fume pas cette première cigarette. Interdisons de fumer de façon enfin claire dans ce lieu d’éducation par excellence
qu’est l’école.
L’école doit être aussi un lieu d’apprentissage de la santé, du respect de soi et des autres. Nous proposons un message
clair aux élèves : « Il est interdit de fumer à l’école, tant dans les locaux fermés (réfectoire, cafétéria, salles de
classe, …), que dans les lieux ouverts (cour de récréation, parcs, …) ainsi que lors de toute activité organisée par
les établissements scolaires à l’extérieur de ceux-ci (excursions, expositions, voyages scolaires, classes vertes,
classes de neige, journées sportives,…).
Un certain nombre de dispositions existent, comme le décret du 12 décembre 1982 relatif à la lutte contre le tabagisme et
l’Arrêté Royal du 15 mai 1990 portant interdiction de fumer dans certains lieux publics. Mais force est de constater que
cette législation est insuffisante dès lors qu’elle ne règle notamment pas le cas des lieux « ouverts ».
Un pas supplémentaire avait été posé par le Gouvernement fédéral par la mise en application le premier décembre dernier de
la loi du 19 juillet 2004 qui interdit la vente de tabac aux mineurs de moins de 16 ans. Malgré son apparent succès,
cette loi prise seule n’a pas de sens. Pour être efficiente, cette loi doit en effet être combinée à des mesures
éducatives et des campagnes d’informations comme le recommande la Convention-cadre de l’Organisation Mondiale de la
Santé pour la lutte anti-tabac qui est entrée en vigueur le 28 février 2005.
On constate en effet une baisse globale de la consommation de tabac de 7,4 entre début 2004 et début 2005. Par contre,
le nombre d’adolescents fumeurs augmente. De 25% en 2003, le nombre d’adolescents fumeurs de 17 ans est en effet passé
à 32% aujourd’hui.
La plus forte proportion de fumeurs se situe dans la tranche d’âge des 15-29 ans avec 36% de fumeurs, contre 28% parmi
les 40-49 ans ; 23% parmi les 30-39 ans ; 17% chez les 50-64 ans et 14% chez les 65 ans.
Deuxième constat inquiétant. D’après cette même étude menée auprès de 2.196 jeunes âgés de 10 à 17 ans, plus de 8 jeunes
fumeurs sur 10 montrent déjà des signes de dépendance à la nicotine. Et parmi les jeunes qui ne fument pas, entre 3% et
5% de ceux qui ont été interviewés manifestent leur intention de commencer à fumer.
Ces chiffres alarmants nous incitent à intervenir de manière drastique et surtout avec un discours clair avant … la fameuse
première cigarette. C'est-à-dire, au sein de tous ces lieux où l’on a « appris » à fumer. Au fond de la cour de récréation,
le jardin de l’école, le voyage scolaire, les classes de neige, le voyage de fin d’études,…
Dans 8 cas sur 10, la première cigarette est proposée par un ami. Et, pour les jeunes, beaucoup d’amis se rencontrent à
l’école. La tranche la plus sensible sont les 13-14 ans. Le nombre de cigarettes fumées par jour triple passant de 2,6 à
8 unités en moyenne.
Une seconde enquête portant sur le croisement cigarettes-cannabis a été réalisée par la Fondation Rodin. Celle-ci a été
réalisée par le Centre de psychosociologie de l'opinion de l'ULB auprès de 2009 jeunes, âgés de 10 à 18 ans, provenant des
quatre coins du Royaume et interrogés en tête-à-tête.
Ainsi 13,7% des jeunes rencontrés ont déjà fumé ou essayé de fumer du cannabis, et ce dès l'âge de 10 ans. Contrairement au
tabac, le cannabis attire davantage les garçons (18,4% de l'échantillon total) que les filles (13,9%). Parmi ces jeunes,
4,2% consommaient encore du cannabis au moment du sondage, les premiers joints étant avoués à 14 ans (0,9%), 17,2% des
18 ans étant concernés par cette consommation. «Cela peut ne pas sembler énorme mais, dans ces 17,2%, il y a une série
de jeunes engagés dans une consommation préoccupante en termes d'intensité, de fréquence et d'effets recherchés»,
explique le psychiatre Laurent Servais, qui travaille notamment dans une IPPJ (Institution publique de protection de la
jeunesse) avec des jeunes en difficulté.
Cela vient naturellement corroborer notre conviction qu’il faut interdire de fumer à l’école. Quelque soit le produit que
l’on fume d’ailleurs. Nous savons tous aujourd’hui que fumer la cigarette est une porte d’entrée au cannabis.
Sur les 85 fumeurs « actuels » de l’enquête, 16,5% le font tous les jours et 50,6% quelques fois par mois, soit 2/3 de
fumeurs plus ou moins réguliers. Une donnée qu'il faut associer au temps écoulé entre la première consommation et l'âge.
En effet, les jeunes qui roulent quotidiennement au moins un joint ont commencé le cannabis depuis 2,5 ans, ceux qui disent
en fumer plusieurs fois par mois depuis 2,3 ans et ceux qui déclarent en fumer moins d'une fois par mois depuis 1,7 an.
De même, les 31,7% de ces jeunes qui fument seuls ou parfois seuls ont commencé depuis plus longtemps que ceux qui ne
fument qu'en groupe.
Eclairage original, le croisement entre chiffres de consommation de tabac et de cannabis: seuls, 32,9% des fumeurs de
joints ne touchent pas à la cigarette. «Le tabac est la porte d'entrée vers le cannabis. Au niveau neurobiologique,
il semble qu'il y ait une sensibilisation de certains circuits cérébraux, notamment le système dit de récompense, par la
nicotine. Celle-ci les conditionnerait à une sensibilisation ultérieure à d'autres produits», ajoute le psychiatre.
Cigarettes et joints suivent, par ailleurs, la même progression au cours des années tandis que la consommation de cannabis
seul (sans habitude tabagique) augmente plus lentement et plus faiblement. Sachant que l'enquête précédente avait montré
un lien clair entre tabagie parentale et celle des enfants, il n'est pas étonnant qu'il en aille de même avec le cannabis
(12,2% des jeunes qui ont déjà tâté de l'herbe ou du shit ont des parents non-fumeurs; 20,9% ont les deux parents qui
fument).
Pour dénormaliser le comportement tabagique cherchons au maximum, sans entrer dans le domaine privé de chaque individu,
à éviter que, devant les jeunes, ne fument les responsables de l'enseignement, d’activités para ou extrascolaires, des
mouvements de jeunesse ainsi que les modèles pour les jeunes comme les stars de cinéma ou les top models.
Ainsi que nous l’avons évoqué plus haut, diverses dispositions légales trouvent à s’appliquer à la présente matière.
A ces dispositions législatives s’ajoute la circulaire « Drogues – Modification des règles de l’état fédéral relatives
au cannabis » du 1er février 2001 qui rappelle l’interdiction de consommation de boissons alcoolisées de même que
l’usage du tabac dans les établissements scolaires. Mais, ainsi que nous l’avons également évoqué, ce cadre légal demeure
insuffisant.
La présente proposition s’inscrit pleinement dans le cadre législatif existant, mais va encore plus loin en ce que tend à
interdire totalement l’usage du tabac dans l’enceinte de l’école ainsi qu’au cours des activités organisées par un
établissement scolaire en dehors de son enceinte, tels, par exemple, les excursions et voyages scolaires, les activités
culturelles, …Elle vise par ailleurs à renforcer les actions préventives de lutte contre le tabagisme en milieu scolaire.
Pour ce faire, il est proposé de réviser les articles 2, 8 et 10 du décret du 2 décembre 1982 relatif à la lutte contre le
tabagisme.
Enfin, il parait important de souligner que cette proposition ne vise que les élèves. Les dispositions applicables au
personnel enseignant, administratif ou ouvrier relèvent quant à elles de la réglementation générale de protection du
travail qui est de la compétence du Gouvernement fédéral. Ainsi, les mesures visées par l’Arrêté royal du 19 janvier 2005
prévoyant une interdiction de fumer sur les lieux de travail, excepté dans le local expressément prévu à cet effet,
et dans les équipements sociaux trouveront à s’appliquer dans le cas présent.
Françoise Bertieaux
Philippe Fontaine
Commentaire des articles
Article 1
Conformément aux développements, cet article a pour effet d’étendre l’interdiction de fumer aux lieux ouverts ainsi
qu’aux activités organisées par un établissement scolaire en dehors de celui-ci.
Article 2
La modification, à travers cet article, de l’article 8 du décret du 2 décembre 1982 relatif à la lutte contre le
tabagisme, a pour objet de garantir qu’une information sur les dangers de l'usage du tabac soit effectivement dispensée
chaque année pour tous les élèves dans tous les établissements d’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté
française.
Article 3
Cet article a pour objet d’étendre l’affichage d’informations relatives aux dangers du tabac aux établissement
d’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française.
Proposition de décret
Article 1
L’article 2 du décret du 2 décembre 1982 relatif à la lutte contre le tabagisme est remplacé par la disposition suivante :
« Article 2.- Dans tous les établissements d’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française,
il est interdit de fumer dans les locaux fréquentés par les élèves, qu’ils y soient présents ou non.
Cette interdiction s’étend à la cour de récréation ainsi qu’à tous les lieux ouverts situés dans l’enceinte de
l’établissement ou en dehors de celle-ci et qui en dépendent.
Cette interdiction s’étend en outre à toutes les activités organisées par un établissement scolaire en dehors de celui-ci.
Sans préjudice d’autres dispositions expressément prévues par les pouvoirs organisateurs, l’élève qui ne respecterait pas
cette interdiction pourrait se voir appliquer les sanctions prévues en vertu des articles 86 et 94 du décret du 24 juillet
1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les
structures propres à les atteindre. »
Art. 2
L’article 8 du décret du 2 décembre 1982 relatif à la lutte contre le tabagisme est remplacé par la disposition suivante :
« Article 8. - Le membre de l'Exécutif de la Communauté française qui a l'enseignement dans ses attributions
prend, en accord avec le membre de l'Exécutif de la Communauté française qui a la santé dans ses attributions, toute
mesure pour organiser, annuellement et pour tous les élèves, dans les établissements d’enseignement organisé ou
subventionné par la Communauté française, une information sur les dangers de l'usage du tabac. »
Art. 3
L’article 10, alinéa 1er du décret du 2 décembre 1982 relatif à la lutte contre le tabagisme est complété de la manière
suivante :
« 3° dans les établissements d’enseignement organisé ou subventionné par la Communauté française. »
Françoise Bertieaux
Philippe Fontaine